06/09/2016
Encore un peu de Soral
Alain Soral : Pourquoi une solution politique est vaine ?
Remarque : Soral aussi fait l'erreur de parler hors propos du fascisme, mais l’effervescence du discours peut excuser ce petit faux pas.
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Nomades
Je discute avec un professeur de lycée. La conversation dérive sur la situation de la France et avec maintes précautions je parviens à lui faire reconnaître à demi-mots que cela ne va pas très fort pour le pays. Quand je lui dis que le plus grave c'est que ce sont nos enfants qui paieront pour nos erreurs, il me répond le plus naturellement du monde :
- De ce côté je suis tranquille : mon fils est ingénieur, il peut trouver du boulot n'importe où. C'est pas un problème.
Je parle des enfants en général et lui du sien et seulement du sien. Nous en sommes là. C'est chacun pour soi et tant pis pour ceux qui n'ont pas les moyens ou les capacités d'être diplômés. Après tout l'école de la République donne ses chances à chacun, il n'y a qu'à les saisir. C'est comment, au fait ? Liberté, Égalité... ah oui, Fraternité.
20:19 | Lien permanent | Commentaires (6)
05/09/2016
Jusqu'au dernier souffle
20:36 | Lien permanent | Commentaires (9)
04/09/2016
Sur le fascisme à toutes les sauces
Pour en finir avec le pseudo « islamo fascisme »… par Guirec Sèvres, collaborateur de la revue Synthèse nationale. Les tueries qui, au début du mois de janvier (2015), ont ensanglanté les locaux de Charlie Hebdo et une supérette kasher du XIIe arrondissement de Paris ont suscité une légitime émotion. Émotion qui fut vite récupérée par les stratèges du Pouvoir en place et transformée, en quelques heures, en une remarquable manipulation. À peine les terroristes refroidis, la France se devait d’être unanimement, pour ne pas dire obligatoirement, « Charlie ». Et pour guider cette nouvelle « France Charlie » on pouvait compter sur la détermination de nos politicards qui, de Hollande à Sarkozy, ont toujours fait preuve, comme chacun sait, d’une remarquable clairvoyance face à l’islamisme conquérant. Et si, par malheur, cette évidence vous avait échappé, c’est sans doute parce que vous êtes un fasciste ou, pire encore, un « islamo fasciste ». Le mot est lâché, le concept est né : l’« islamo fascisme » est le nouvel ennemi de la démocratie qu’il faut abattre à tout prix. Mais que diable le fruit de la glorieuse pensée mussolinienne vient-il faire dans cette galère ? On le sait depuis 1945, le fascisme est le mal absolu. On nous l’a enseigné à l’école, on nous le rabâche tous les jours dans les journaux et tous les soirs à la télévision et si, par ignorance ou par bravade, certains venaient à en douter, la Justice est là pour le leur rappeler. Mais l’islam, jusqu’à ces dernières années, n’était pas, aux yeux de nos démocrates sincères, une idéologie condamnable. Bien au contraire. Il n’y a pas si longtemps que cela, Hollande et sa clique, à l’instar de Sarkozy pour la Libye, clamaient haut et fort qu’il fallait écouter Monsieur Lévy (Bernard-Henri) et armer les gentils rebelles islamistes en Syrie contre « l’ignoble régime fasciste et laïque de Bachar el Assad ». Et puis, sans aller aussi loin, ne sont-ce pas les mêmes démocrates qui, toutes étiquettes confondues, dans les villes où ils sont aux commandes, autorisent et subventionnent la construction de mosquées, favorisant ainsi l’implantation durable de l’islam sur notre sol ? Face à une telle évidence pour le moins gênante, il fallait trouver une parade. Ce fut vite chose faite avec la formule magique : « pasdamalgame »… Pas d’amalgame lorsqu’il s’agit de confondre les musulmans et l’islam conquérant, mais vive l’amalgame lorsque l’islamisme devient subitement l’islamo-fascisme. Comparer l’islamisme au fascisme est facile, confortable, peut-être même émouvant, mais, qu’on le veuille ou non, totalement inepte. Dans un magnifique article publié sur le site Metamag(http://metamag.fr), le pertinent Raoul Fougax remet les pendules à l’heure. Nous en reproduisons ici les principaux extraits : « On les voit venir avec leurs gros sabots. Nos dirigeants, de gauche et de droite d’ailleurs, se veulent des enfants de la résistance au fascismo – nazisme. C’est leur référence absolue. Il ne peut y avoir de mal plus grand que le fascisme dont le nazisme est un avatar. Combattre l’islamisme radical aujourd’hui, c’est donc continuer le combat des démocraties contre le fascisme. […] C’est bien sûr totalement faux. C’est juger le présent par rapport au passé de la même manière que l’on juge le passé par rapport aux valeurs du présent. L’anachronisme est une sclérose qui empêche l’analyse. C’est une maladie de l’intelligence. » Le décor est ainsi planté et Fougax précise les choses : « Le fascisme n’a jamais été un obscurantisme. Un totalitarisme oui, un obscurantisme non. Le fascisme n’a jamais été une lecture fanatique d’une religion monothéiste, souvent bien au contraire. Le fascisme certes cultive le culte du passé, mais dans une démarche progressiste. Le fascisme est un socialisme, pas un traditionalisme. Il veut moderniser en valorisant le passé, il invoque la longue mémoire de l’histoire, il ne veut pas ramener la société au comportement de temps révolus. » Et les remet dans le contexte du Monde arabe : « Dans les pays musulmans de plus, le fascisme a toujours été un anti-islamisme, c’est vrai de la Turquie kémaliste comme de l’Égypte nassérienne. La laïcité dans les pays musulmans a été un fascisme non avoué et c’est l’échec de ces régimes totalitaires laïcs, notamment face au sionisme, qui explique la montée d’un islamisme anti-israélien devenu en Europe un nouvel antisémitisme. Vouloir par confort intellectuel ramener tout antisémitisme au fascisme pour, en fait, exonérer les islamistes et donc l’islam de ce péché raciste majeur pour nos dirigeants est une stupidité dangereuse. Il y a un nouvel antisémitisme qui est un islamisme et qui est lié au terrorisme qui frappe les juifs, pas que des juifs, mais tous ceux qui sont des impies au regard des égorgeurs du sectarisme djihadiste. On peut parler d’islamo-sectarisme, car on a affaire à une secte musulmane issue de l’islam. Mais parler d’islamo-fascisme est une désinformation historique par aveuglement idéologique. Les fascistes n’ont jamais été des islamistes et les islamistes ne sont pas des fascistes. Ils sont des obscurantistes musulmans sans lien avec les racines européennes et sociales du fascisme […] » Et Raoul Fougax conclut avec raison : « Ils ne veulent pas restaurer la grandeur de Rome comme le Duce. Ils veulent une mosquée à la place de Saint Pierre au Vatican. […] Ceux qui conseillent l’amalgame islamisme et fascisme pour lutter, on l’a bien compris, contre l’amalgame islamisme-islam sont des malhonnêtes et surtout des apprentis sorciers. » Tout est dit… Les mots ont un sens et Charles Maurras nous a enseigné qu’« une virgule à sa place, c’est déjà une victoire contre le chaos… » Comparer l’islamisme au fascisme est une contrevérité que les militants anti-islamiste devraient bannir de leur vocabulaire. Et que l’on ne nous brandisse pas la prétendue fascination que certains chefs nazis auraient éprouvée pour le Coran. À cet argument fallacieux, il est facile de rétorquer la collusion entre les mêmes nazis et certains ultra-sionistes avant et pendant la IIe Guerre mondiale. Mais tout cela relève d’une période révolue. Les alliés actuels de l’islamisme ne sont pas les fascistes, mais bel et bien les démocrates mondialistes, au premier rang desquels on retrouve les adeptes de « Nous sommes tous Charlie », qui, avec leurs politiques imbéciles, ont tout fait pour que celui-ci se développe en France et en Europe. Paru dans Synthèse nationale n° 39 (printemps 2015). |
Source : Euro Libertés le 23 août 2016
15:53 | Lien permanent | Commentaires (19)
02/09/2016
Tramway
Petite rétrospective des billets sur ces anecdotes sans importance qui distraient mes voyages en tram. Je les reproduis tels quels, par ordre chronologique.
Un homme monte dans le tram, il est vêtu de plusieurs couches de haillons, dégage une odeur nauséabonde et mendie de l'argent. Devant un couple noir, il lance un vibrant : "L'Afrique aux Africains et les Africains en Afrique !" L'homme proteste mollement avec un "eh !" à peine audible, juste pour prouver à sa compagne qu'il ne se laisse pas faire. Près de moi, une femme me prend à témoin : "Quel con, vaut mieux être noir que raciste !" Le mendiant jette bientôt son dévolu sur une jeune fille, elle sourit mal à l'aise ; heureusement pour elle, il décide tout à coup de descendre à la station suivante. Là, monte un couple BCBG, la trentaine, style cadres plus ou moins dynamiques. L'homme à sa compagne : "Tiens, je le connais ce clochard, il est vachement intéressant comme gars, très cultivé. J'aime bien discuter avec lui. Quand il n'a pas bu bien sûr... Bon, là il a bu."
J'aime bien prendre le tram.
01/02/2006
Avant-hier, deux adolescents dans le tram :
- T'es sûr, ça la gêne pas à ta mère que je vienne ?
- Mais non, viens je te dis, ma mère, elle s'en bat les c... !
23/03/2006
Depuis le tram arrêté à côté du mien, un "jeune" vomit sur le quai, ses copains lui tapent dans le dos en riant. Visiblement, ils ont un peu forcé sur la porte qui est entrouverte dans une position inhabituelle. Mon tram part ; à côté de moi une femme qui semble avoir "tout vu" explique à sa voisine :
- Ils étaient ivres, personne n'a rien dit. Vous savez, aujourd'hui, on peut être assassiné sans que personne intervienne.
Son interlocutrice approuve.
Ma station approche, je me lève et me dirige vers la porte. Près de moi, deux filles vêtues de noir, "piercées" comme le chef des Cénobites de Hellraiser et tatouées comme des Yakuzas discutent :
- Le mec, il voulait une croix gammée sur le bras.
- Ouais, je vois le genre.
- Je lui dis que c'est 50 euros. Il trouve que c'est trop cher. Je lui dis "Reviens quand ça sera les soldes !" Il s'est cassé.
- Ouais, je vois le genre.
Le tram s'arrête, je descends.
13/06/2006
Deux saynètes vues à quelques jours d'intervalle :
Dans le tram, deux adolescentes sont plongées dans la lecture d'un magazine. L'une d'elle :
- T'as vu la fille qui joue dans le film ? Elle est trop belle : c'est dégueulasse.
À la station du tram, une adolescente arrive vers une camarade, un magazine à la main :
- Y a les photos du congel' où elle a mis ses bébés.
- Montre !
04/11/2006
Dans le tram, une femme est debout devant moi. Elle semble tout droit sortie du film Le temps des Gitans ; visage marqué, teint mat, foulard sur la tête, robe informe, cabas défraîchi. Alors que je suis en train de réfléchir aux mouvements migratoires modernes des populations une sonnerie retentit et la femme sort d'une de ses poches un téléphone portable extra plat dernier cri ; mystère de la redistribution des biens de consommation.
15/11/2006
À la station du tram, un petit groupe de jeunes filles entre l'enfance et l'adolescence attend. Certaines discutent, d'autres patientent sans rien dire, l'une d'entre elles fait des pas de danse et pirouette sur elle-même, c'est une jolie petite blonde avec une queue de cheval, Elle s'arrête un instant regarde si le tram arrive et recommence son manège. J'aurais pu trouver cela charmant si nos regards ne s'étaient pas croisés un bref instant où j'ai pu deviner dans les yeux bleus la petite fille sûre d'elle et prête à dévorer le monde, la petite emmerdeuse qui allait en devenir une grande.
13/06/2007
À la station du tram, quelques ''jeunes'' attendent. Entre autres attributs street fashion, certains arborent en pendentif des téléphones portables dans leurs étuis. L'un d'eux est assez extraordinaire : il est entièrement en cuir brun, est griffé d'une ''virgule'' Nike blanche et à la forme d'une... babouche. Contrefaçon issue de l'artisanat du Maghreb ou adaptation de la célèbre entreprise américaine
01/09/2007
Dans le tram, dialogue entre une mère et sa fille.
La fille :
- J’ai encore eu mal au ventre aujourd’hui.
La mère :
- C’est la croissance.
- J’avais tellement mal que je n’ai pas pu suivre le cours de maths pour aller à l’infirmerie.
- C’est la croissance, tu grandis.
- J’ai vraiment mal tu sais.
- C’est sûrement la croissance.
- Merde maman ! je te dis que j’ai tout le temps mal au ventre depuis un mois, c’est pas la croissance.
Sincèrement, moi non plus je ne crois pas que cela soit la croissance.
03/10/2007
Dans le tram une jeune femme vient s'asseoir à côté de moi. Elle est bien plus grande et corpulente que moi, et me voici écrasé contre la paroi, les épaules rentrées, essayant de me faire aussi petit que possible. Malgré la gène, j'imagine le spectacle ridicule que nous offrons tous les deux : elle, imposante, débordant de son siège et moi, l'air penaud, à demi caché par sa doudoune, et il me vient alors une envie de rire que j'ai toutes les peines à réfréner.
12/12/2007
À la station du tram, deux quadragénaires BCBG discutent.
L'une d'entre elles évoquant le DVD qu'elle a vu la veille avec son mari :
- Tu sais c'est avec cet acteur... comment il s'appelle déjà ?... il est super classe, beau mec...
L'autre :
- J'vois pas.
- Mais si, il a joué dans le film des Nuls...
- Darmon ?
- C'est ça ! Gérard Darmon !
Je sais pas pour vous, mais moi, Gérard Darmon ''beau mec''...
01/04/2008
En montant dans le tram je remarque rapidement, à quelques sièges de moi, trois adolescents qui s’agitent, parlent fort, chahutent, mettent les pieds sur les sièges... Deux arrêts plus loin, des contrôleurs montent et quand ils arrivent aux jeunes, constatent que ceux-ci n’ont pas de titre de transport. Soudain, les voisins s’animent :
- Ils ont lancé une canette, dit l’un en montrant une boîte de Coca-Cola sur le sol.
- Ils m’ont fait ça ! quand je leur ai dit de se calmer, rajoute un autre en tendant son majeur.
- Ils m’ont insulté, renchérit un troisième.
Les contrôleurs se rassemblent autour des coupables qui font profil bas. Trois gamins qui n’avaient pas quinze ans, et tous ces adultes qui subissaient... Nous en sommes là.
18/03/2010
Dans le tram, à quelques sièges de moi, une adolescente tend une poche de petits œufs en chocolat à sa voisine.
- T'en veux ?
- Ouais... Je peux t'en prendre deux ?
- Vas-y : moi, j'en ai trop bouffés.
- C'est pas mon cas.
- T'en as pas eu ?
- Si, mais mes parents ont tout mangé.
- Tes parents ?
À la station suivante des personnes montent et s'installent entre les filles et moi ; je n'en saurai pas plus sur ces indignes parents ''cacaophages''.
07/04/2010
Il n'y a pas grand monde dans le tram quand je m'y installe. Sur un strapontin, emmitouflée dans un élégant manteau sombre, une passagère pianote sur son téléphone. Elle a une trentaine d'années, de longs cheveux châtain clair et un beau visage régulier. À la station suivante monte une autre femme, à peine plus âgée, elle a les cheveux courts et roule de petits yeux derrières des lunettes, un ensemble en jean boudine son physique hommasse. Elle regarde un moment les rares passagers, finit par s'asseoir devant la jeune femme, qui ne lève même pas le nez de son mobile, et se met à sucer consciencieusement son pouce.
04/12/2013
Deux adolescentes ordinaires - ni chics ni cité - dans le tram.
- Mon copain il trouve que tu ressembles à [incompréhensible].
- C'est qui ?
- Une actrice porno.
- Connais pas
- Elle est mignonne.
- Ah bon ?... Il est sympa.
11/12/2014
Dans le tram, deux étudiants (ils ont précédemment parlé d'amphi) discutent :
- T'as vu la jupe de Marion, aujourd'hui ?
- Ouais, je me demande comment elle fait pour pas avoir froid.
- C'est sûr, elle doit mettre du Labello pour pas avoir les lèvres gercées.
Ils partent d'un éclat de rire.
03/02/2015
Dans le tram, une jeune femme et ses deux enfants, une fille de huit ou neuf ans et son frère cadet sont assis devant moi. La mère, une trentenaire maigre et gothique qui aurait pu être jolie, parle tout bas quand elle s'adresse à eux comme si elle ne voulait pas déranger et avec une douceur qui me surprend. Elle sort une poupée Barbie de son sac et la donne à la fillette qui a l'air de s'ennuyer en lui disant de faire attention de ne pas perdre les chaussures. Tout à coup le garçon sanglote en réclamant son père. Je croise brièvement le regard de la mère un peu embarrassée de se faire remarquer. Elle lui caresse tendrement la joue et lui dit que c'est impossible et qu'ils en ont déjà parlé à la maison. Pendant qu'il se calme en reniflant, sa sœur s'occupe en déshabillant sa poupée en silence. Je descends à ma station, curieusement troublé.
26/08/2015
Je suis debout dans le tram, un peu plus loin un homme d'une trentaine d'années grimace et roule des yeux, il est affublé de nombreux tics et bouge sans arrêt. J'ignore si c'est naturel ou s'il est sous l'effet d'une substance plus ou moins licite. Bientôt monte une grande et très jolie jeune femme qui s'assoit presque en face de moi. Malgré sa discrétion, elle ne porte pas de maquillage visible, ses cheveux bruns sont liés en une courte queue de cheval et ses vêtement sont très sobres, je vois l'effet qu'elle fait chez les hommes qui ont remarqué son arrivée. J'avoue que sa beauté classique alliée à sa simplicité a quelque chose de troublant. Le plus amusant est la réaction de l'agité qui ne bouge plus et la fixe la bouche ouverte, fasciné. La belle lit un journal gratuit distribué aux stations et ne lève pas les yeux. Je suis pourtant convaincu qu'elle a remarqué son admirateur car au moment où je passe près d'elle pour descendre j'aperçois un incoercible petit sourire dessiné sur ses lèvres. L'autre n'a toujours pas bougé.
10/03/2016
Deux jeunes discutent dans le tram ; un barbu et un Noir.
Le barbu :
- Les gens sont bizarres, ils veulent des quartiers écolos avec plein de plantes et d'animaux et dès qu'ils voient un ragondin ils font une pétition pour les exterminer. Pourtant le ragondin il fait chier personne, il vit sa vie de ragondin.
20/06/2016
18:17 | Lien permanent | Commentaires (18)
01/09/2016
Servitude
"Je pense donc que l’espèce d’oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l’image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l’idée que je m’en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle, il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir ; il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société toute entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.
J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple."
Charles Alexis Clérel de Tocqueville
De la démocratie en Amérique (1840)
21:42 | Lien permanent | Commentaires (4)
31/08/2016
La différence
"La structure de la loyauté politique entre Arabes et entre musulmans a en général été l'opposé de celle qui prévaut dans l'Occident moderne. Pour ce dernier, l'État-nation est le parangon de la loyauté politique. Des loyautés plus restreintes lui sont subordonnées et sont subsumés dans la loyauté vis-à-vis de l'État-nation. Les groupes qui transcendent les l'États-nations - communautés linguistiques ou religieuses, ou civilisations - requièrent une loyauté et un engagement moins intenses. Le long du continuum qui va des entités les plus étroites au plus larges, les loyautés occidentales atteignent ainsi un sommet au milieu, la courbe d'intensité de la loyauté formant en quelque sorte un U renversé. Dans le monde islamique, la structure de la loyauté a été presque l'inverse. L'Islam connaît un creux au milieu de la hiérarchie de ses loyautés. Les "deux structures fondamentales, originales et durables", comme le notait Ira Lapidus, étaient la famille, le clan et la tribu d’une part, et “les unités formées par la culture, la religion et l’empire à plus grande échelle” de l’autre ».
[...]
Dans tout l'islam, le petit groupe et la grande foi, la tribu et la Oumma ont été les principaux foyers de loyauté et d'engagement. L'État-nation est bien moins important. Dans le monde arabe, les états existants rencontrent des problèmes de légitimité parce qu'ils sont pour la plupart les produits arbitraires, voire capricieux, de l'impérialisme occidental, et les frontières ne coïncident souvent même pas avec celles des groupes ethniques, comme c'est le cas chez les Berbères et les Kurdes. Ces états ont divisé la nation arabe, mais, d'un autre côté jamais un État panarabe n'a pu se matérialiser. En outre l'idée d'État-nation est incompatible avec la croyance en la souveraineté d'Allah et la primauté de la Oumma. En tant que mouvement révolutionnaire, le fondamentalisme islamiste rejette l'État-nation au profit de l'unité de l'islam, tout comme la marxisme le rejetait au profit de l'unité du prolétariat."
Samuel P. Huntington
Le Choc des civilisations
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