12/04/2012
Histoire... (80)
"Douch restera le symbole judiciaire des crimes commis sous Pol Pot" Thierry Cruvellier, spécialiste de la justice internationale et auteur de l'ouvrage Le Maître des aveux (Gallimard, 2011), a suivi l'intégralité des procès en première instance et en appel de Kaing Guek Eav, alias "Douch", directeur de la prison de Tuol Sleng (plus connue sous le nom de S21), sous le régime de Pol Pot. Avant l'arrêt rendu vendredi 3 février en appel, il raconte la théâtralité d'un procès où se mêlent moments de tension et surprises, mais aussi la difficulté à faire émerger la vérité dans un cadre judiciaire et solennel. Le premier procès de Douch s'était terminé par un coup de théâtre : l'appel de ce dernier, alors qu'il reconnaissait sa responsabilité et les faits reprochés. Comment avait été interprété ce revirement surprise ? Thierry Cruvellier : L'incident avait été spectaculaire et les raisons du revirement de Douch sont restées mystérieuses. Trois théories ont été données : une première théorie politique a été avancée par l'avocat français de Douch, selon laquelle des personnes haut placées au sein du gouvernement cambodgien auraient lancé un appel du pied. Mais rien dans les faits ne vient étayer cette théorie. Une théorie de la manipulation a été développée par les parties civiles : pour elles, Douch a toujours voulu manipuler le processus judiciaire et n'a fait que révéler son vrai visage en changeant radicalement de position. Selon une troisième interprétation plus pragmatique, Douch, ayant constaté que sa démarche d'aveu et de repentir n'aboutissait à rien, se serait finalement rétracté, en tentant, comme tout prisonnier menacé de finir ses jours en prison, d'échapper à un tel destin. S'il exprime toujours son repentir et ne nie pas les faits, Douch n'est plus aussi déterminé à assumer sa responsabilité. A S21, Douch était un maître de l'interrogatoire. Mais dans le rôle de l'interrogé, pendant les auditions devant le tribunal, comment était-il ? D'abord, il faut nuancer : Douch était un maître de l'interrogatoire, mais avec les artifices de la torture et du mensonge. C'est un homme très robuste, d'une grande intelligence, d'une grande capacité psychologique à mesurer ses adversaires et àadapter son comportement, qu'ils soient juges, procureurs ou avocats des parties civiles. C'était un accusé très outillé pour affronter un procès. Bien qu'à quelques occasions, sa carapace se soit fendue, il ne s'est jamais complètement effondré pendant le procès. Comment se sont passées les confrontations entre Douch et ses victimes, et entre Douch et ses anciens subordonnés ? C'étaient des moments de grande tension ou de grande émotion, selon les situations. Vis-à-vis de ses subordonnés, on pouvait distinguer ceux pour qui il avait une forme de respect et ceux qu'il méprisait. Il dominait les confrontations avec son personnel, il était en pleine maîtrise. Il y a eu un moment incroyable dans le procès, où l'un des principaux interrogateurs de S21, un autre professeur comme lui, qui n'avait jamais reconnu son rôle dans le fonctionnement de la prison, a complètement craqué face à Douch en pleine audience. Vis-à-vis des familles des parties civiles, c'était variable. Il a pu se montrer arrogant avec certains, mais en général, il essayait de maintenir une position humble et respectueuse. On a même senti sa faiblesse à une occasion. Tout dépend du rapport de force qu'il entretenait avec chacun de ces témoins. Entre les deux procès, l'attitude et la ligne de défense de Douch ont-elles évolué ? Non. On a retrouvé un Douch replié sur lui-même, dans une bulle solitaire, et qui déléguait à ses avocats cambodgiens le soin de plaider des points de contestation juridique. Ce n'était pas un vrai deuxième procès en appel. Tout s'est joué lors d'une audience de trois-quatre jours en mars 2011. Il s'agissait de discuter de problèmes techniques soulevés par le procureur, mais aucun fait du dossier n'a été contesté en appel. Vous parlez de la difficulté à "démêler la mémoire trompeuse" des témoins, dont les souvenirs, à force d'être ressassés, peuvent être déformés : comment font les hommes et femmes de justice pour démêler ces fils ? La force et la clarté du procès de Douch par rapport à d'autres procès internationaux (je pense notamment au Rwanda, où l'essentiel de la preuve repose sur des témoignages humains, très fragiles), c'est que les juges de Phnom Penh disposaient de preuves matérielles extrêmement solides. Le grand péché d'orgueil de Douch est d'avoir laissé les archives de sa prison derrière lui. La raison pour laquelle S21 est connue aujourd'hui est que nous avons des milliers de pages d'aveux extorqués aux prisonniers, de photographies, de biographies... Ces documents permettent à eux seuls de constituer le dossier et la réalité du fonctionnement de S21. En revanche, ce qui a beaucoup fait débat pendant le procès, c'était le rôle et l'implication de Douch dans le fonctionnement de S21. Il a dit qu'il n'était pratiquement jamais dans la prison, qu'il ne s'occupait pas des interrogatoires, que son travail était de contrôler les aveux et de donner les ordres, ce que contestent le procureur et les représentants des victimes. Sur ce point, il fallaitconfronter la parole de Douch et les documents à la parole d'anciens membres du personnel de S21. Là-dessus, les juges sont laissés à eux-mêmes pour trancher. Sur le jugement en première instance, ils ont préféré, sûrement par précaution, ne pas trop se fier aux témoignages humains et fonder largement leur analyse sur les documents et les rapports d'experts. Les récits de certains témoins recueillis par le cinéaste Rithy Panh dans ses documentaires (S21, la machine de mort khmère rouge et Douch, le maître des forges de l'enfer) allaient pour certains beaucoup plus loin que leur déposition devant le tribunal. Est-ce que la Cour était un cadre propice à l'émergence de la vérité ? Qui du cinéma ou du prétoire a révélé le vrai ? C'est extrêmement difficile à dire. Il y a eu des cas fascinants, où on observait un gouffre entre ce qu'avaient dit, il y a quelques années, dans un cadre non judiciaire et devant la caméra, d'anciens membres du personnel à Rithy Panh, et ce qu'ils affirmaient devant les juges, sous serment, avec le risque d'être poursuivis pour ces témoignages. Comment expliquer cet écart ? Est-ce que certains ont été intimidés par la présence de Douch ? Ou est-ce que devant le juge, dans un cadre si solennel, ils se sentaient moins libres d'exagérer ce qu'ils avaient réellement vu ou réellement fait ? Ce sont des moments où l'on mesure l'extraordinaire fragilité des témoignages humains dans un procès. Trente mille personnes sont venues assister au procès de Douch et des milliers de parties civiles ont été enregistrées. Y a-t-il eu un intérêt populaire pour ce procès ? L'existence de la Cour et le procès de Douch ont suscité un vif débat sur la période khmère rouge au Cambodge. Le procès a été largement diffusé à la télévision et, semble-t-il, a été assez suivi. Les ONG, dans un premier temps, puis la Cour, dans un second temps, ont par ailleurs organisé la venue massive de personnes des quatre coins du pays, ce qui leur a permis de dire que l'intérêt était massif. De tous les tribunaux internationaux, celui de Phnom Penh est celui qui avait la plus grande galerie du public, avec cinq cent places. Trente mille personnes assistant à un procès, pour une journée ou une demi-journée, c'est sans précédent. Aucun autre tribunal international n'a eu une telle audience. C'est un vrai succès pour la Cour, mais que celle-ci soit le reflet d'un intérêt populaire, c'est une autre histoire. Douch était un exécutant extrêmement zélé, mais ce n'était pas une tête pensante du régime. Le procès de trois membres de la direction khmère rouge a commencé il y a quelques mois. Ce deuxième procès aura-t-il plus d'effets ? Ou bien le procès de Douch restera-t-il comme celui qui marquera l'histoire ? On ignore ce que va donner ce deuxième procès. Sur le fond, il est plus important, parce que les accusés sont trois hauts dirigeants khmers rouges - le chef de l'Etat et deux membres du comité permanent du Parti communiste. C'est un tout autre niveau que celui de Douch, qui n'était "que" commandant de la police secrète. Mais c'est un procès qui est très morcelé (il est organisé en mini-procès, par crimes commis), qui est incertain, car les accusés sont âgés, et qui donne lieu à une lourde bataille sur le fond, car les accusés ne reconnaissent pas leur responsabilité. En comparaison, le procès Douch est beaucoup plus clair et visible. En étant le premier condamné du régime khmer rouge et parce qu'il a reconnu l'essentiel des faits retenus contre lui, Douch risque de demeurer le symbole judiciaire des crimes commis sous Pol Pot, alors qu'il était un homme de rang intermédiaire. Propos recueillis par Mathilde Gérard |
Source : Le Monde.fr du 03.02.2012
Au delà du rappel des méfaits des Khmers rouges, amis des gauchistes de l'époque, cette interview nous livre une intéressante réflexion sur le témoignage humain. Dommage que ce genre de raisonnement ne s'étende pas à toutes les périodes historiques.
19:40 | Lien permanent | Commentaires (5)
11/04/2012
Musique (267)
Alma Bandić.
Uspavanka
BO du film No man's land de Danis Tanovic
Svyatoslav Kurashov
River
BO du film Svoi (Our Own) de Dmitri Meskhiyev
18:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/04/2012
Documenteurs
1kult nous parle des Documents interdits de Jean-Teddy Filippe avec la liste des épisodes et les liens pour les visionner.
20:32 | Lien permanent | Commentaires (2)
09/04/2012
Tag
L'Amiral Woland m'a tagué pour ce questionnaire, je ne suis guère doué pour ce genre d'exercice, voici donc mes réponses :
Si la France était…
- un animal : un sanglier (la réponse de l'Amiral m'a influencé, impossible de trouver autre chose)
- un média : un journal en papier (à l'ancienne, avant la télévision, celui qu'on lisait au petit déjeuner ou au café)
- un écrivain : Marcel Aymé (parce qu'il a écrit Uranus ou Vogue la galère et qu'il est capable d'aller des Contes du chat perché à La jument verte)
- une date : 843 (le Traité de Verdun et la création de la Francia Occidentalis)
- un sport : la pétanque (je ne suis pas un sportif)
- un acteur : Louis de Funès (malgré le rire parfois un peu facile, je crois que c'était un grand homme avec quelque chose d'aristocratique et de pudique)
- une boisson : le vin (je ne vois pas autre chose)
- un vin : un Bordeaux (je suis ancré à mon terroir et c'est mon vin préféré)
- une actrice : Brigitte Bardot (elle aime les bêtes, et elle a commencé par choquer les bourgeois à l'ancienne et finit par choquer les bourgeois bohèmes, une grande dame)
- un plat : le pot au feu (simple et succulent)
- une couleur : le blanc (je vous laisse deviner les diverses raisons)
- un personnage historique : Vauban (il prouvé qu'on pouvait être à la fois un homme de guerre et un homme de coeur)
- un fleuve : la Seine (c'est tout ce qui me vient à l'esprit)
- une personnalité actuelle : ?
- une mer : la Méditerranée (son histoire est liée à celle de la France)
- un moyen de locomotion : une Delahaye (une voiture de luxe française)
- une femme : Jeanne d'Arc (sans commentaire)
- un homme : le chevalier Bayard (un des derniers chevaliers, tué d'un coup d'arquebuse en combat d'arrière garde, tout un symbole)
22:06 | Lien permanent | Commentaires (6)
08/04/2012
Histoire... (79)
Le 29 avril 1945 l'as italien Adriano Visconti est abattu par un partisan alors qu'il était venu négocier la reddition des hommes sous ses ordres. Le tireur ne sera pas poursuivi car l'incident s'étant déroulé avant le 8 mai 45 il est considéré comme un fait de guerre. Donc, à la lumière de cette anecdote et de quelques autres plus médiatiques, on peut en déduire la hiérarchie suivante :
Quand un partisan exécute un fasciste c'est un fait de guerre.
Quand un fasciste exécute un partisan c'est un crime de guerre.
Quand un fasciste exécute un Juif c'est un crime contre l'humanité.
09:13 | Lien permanent | Commentaires (9)
06/04/2012
Histoire... (78)
L'hiver de Louis XIV 1709. Un froid glacial tombe sur la France : - 20 °C aux mois de janvier et de février. A Versailles, le vin gèle dans les carafes. Dans les campagnes, les paysans grelottent et la famine menace. C'est la guerre, déclenchée, neuf ans plus tôt, par les Impériaux d'Allemagne, l'Angleterre et la Hollande, pour la Succession d'Espagne. Au nord et au sud, le royaume est menacé. Mais Louis XIV fait face, et le pays le suit. Telle est la grandeur du Roi-Soleil. Louis XIV, en cette année 1708, a 70 ans. Il vit des jours funestes. Son corps se dégrade. Les dents sont tombées. Il ne mange pas. Il avale : poissons, poulets et gibiers rôtis, pâtés en croûte, purée de pois, fruits, eau glacée et eau de cannelle. Il s'empiffre pour tenter d'apaiser ses entrailles, ce ventre, lieu de ses tourments. Les médecins affirment qu'un ver le ronge. On le purge. Il est, 22 fois en une journée, assis sur sa chaise percée. Quand le ventre le laisse en paix, une douleur d'enfer perce ses reins. Uriner est un supplice jusqu'à ce qu'un calcul gros comme un grain de sable passe. Alors, c'est la goutte qui le paralyse. On le saigne. Mais Louis XIV se bat, lèvres serrées, marchant droit parmi les courtisans, altier, souverain, comme si ses souffrances domptées n'existaient plus. Et il tient Conseil, chapeau sur la tête, attentif à toutes les affaires, interrogeant le contrôleur général Desmarets, le ministre des Affaires étrangères Jean-Baptiste Colbert de Torcy - le neveu du grand Colbert. A les écouter, Louis XIV a le sentiment que le royaume est en proie à des maladies aussi douloureuses que celles qui assaillent son corps. Car c'est la guerre contre la Ligue constituée par les Impériaux d'Allemagne, mais surtout par l'Angleterre et les Provinces-Unies, cette Hollande hérétique où tant de huguenots français ont, après la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, trouvé refuge. On veut l'humilier parce qu'il est le Roi Très-Chrétien et parce qu'il a accepté en novembre 1700 que son petit-fils, le duc d'Anjou, devienne roi d'Espagne sous le nom de Philippe V. Il n'a fait que suivre le testament de Charles II, roi d'Espagne, mais la guerre de Succession d'Espagne a aussitôt commencé. Les défaites se sont accumulées. Les caisses sont vides. Les armées démunies. Fénelon, archevêque de Cambrai, écrit : « Si le roi venait en personne sur la frontière, il verrait qu'on manque de tout, et dans les places en cas de siège, et dans les troupes faute d'argent. Il verrait le découragement de la discipline, le mépris du gouvernement, l'ascendant des ennemis, le soulèvement secret des peuples et l'irrésolution des généraux. » La citadelle de Lille tombe le 8 décembre 1708 aux mains du prince Eugène de Savoie, le meilleur chef de guerre, avec le duc de Malborough, de la coalition. Temps funestes, qui rappellent ces années 1693-1694, quand une Lettre anonyme à Louis XIV avait circulé, sans doute écrite par Fénelon, déjà ! « Vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfants et qui ont été jusqu'ici si passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent, vous avez détruit la moitié des forces réelles dedans de votre Etat pour défendre de vaines conquêtes au dehors... La France entière n'est plus qu'un grand capital désolé et sans provisions. Les magistrats sont avilis et épuisés. La noblesse, dont tout le bien est en décret, ne vit que de lettres d'Etat... Le peuple même, qui vous a tant aimé, commence à perdre l'amitié, la confiance et même le respect. Il est plein d'aigreur et de désespoir. La sédition s'allume peu à peu de toutes parts... Voilà, Sire, l'état où vous êtes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux. » L'injustice violente de ces propos avait, en 1694, suscité le mépris de Louis XIV. Il connaissait l'état du royaume et la misère de ses peuples. La France avait été victime non pas d'abord de la politique du roi, mais de pluies diluviennes, d'un hiver glacial. Les blés avaient gelé et pourri. Durant deux années, on ne récolte plus. On meurt de faim, d'épidémie, de scorbut. D'août 1693 à juillet 1694, on dénombre près de 2 millions de morts, plus que durant toutes les « grandes guerres » à venir. On se nourrit de pain de son, d'orties cuites, d'entrailles nauséabondes de bestiaux. Comment oublier ces années-là quand, en 1708-1709, comme une réplique, après un automne 1708 rigoureux, le froid glacial (- 20 °C de moyenne en janvier-février 1709) s'abat sur le royaume ? On grelotte à Versailles. Le vin gèle dans les verres et les carafes. Le bouillon de poule est recouvert d'une couche de glaçons. C'est le Grand Hiver. Des chênes séculaires se fendent à grand bruit. Les animaux succombent, les oiseaux tombent saisis en plein vol, les rivières sont gelées. « J'ai vu mes paroissiens, écrit un curé, ayant tous les cheveux et la barbe toute blanche et leur haleine qui glaçait en sortant de leur bouche. Les pauvres n'avaient plus que la peau et les os. » Certains se pendaient, ne pouvant nourrir leurs enfants. D'autres se révoltent. Les régiments des gardes françaises et suisses, commandés par le lieutenant général de police d'Argenson, répriment une émeute au Palais-Royal. Au moins 40 morts. Le maréchal de Boufflers, rue Saint-Denis, a vu des femmes de la Halle et des laquais sans emploi marcher les poings levés en hurlant : « Du pain ! Nous voulons du pain ! » « Dites au roi notre misère ! » crient les meneurs au maréchal. Louis XIV ordonne, comme il l'a fait il y a quinze ans, de faire porter sa vaisselle d'or et d'argent à la Monnaie pour qu'on la fonde et qu'avec les lingots de métaux précieux on achète des cargaisons de blé. Et s'il y a blocus anglais, qu'on le force ! Cependant, le roi ne s'illusionne pas. Ces achats de blé ne peuvent suffire. Les rapports des intendants signalent toujours des révoltes, des « émotions paysannes ». L'intendant du Bourbonnais a été assailli par 800 « vilains » et n'a dû son salut qu'à la fuite. Des bandes de paysans, de soldats déserteurs, de mendiants attaquent les châteaux et les couvents pour piller les réserves de grain qu'ils imaginent y trouver. Le carrosse de M. le Dauphin a été arrêté à Paris par des femmes enragées, et il n'a pu se sauver qu'en leur jetant des poignées de pièces. Et certaines de ces femmes de la Halle se sont rendues en cortège à Versailles et devant les grilles du château, elles ont réclamé « du pain et la paix ». Le royaume va-t-il sombrer dans le désordre et la révolte ? Louis XIV se souvient de son enfance, ces années de Fronde, ces « mazarinades » dont on accablait le cardinal-ministre. Aujourd'hui, c'est le roi que visent les pamphlets. « Notre père qui êtes à Marly Votre nom n'est plus glorieux Votre volonté n'est faite Ni sur la terre ni sur la mer Rendez-nous aujourd'hui notre pain Parce que nous nous mourons de faim... » Louis est blessé. Il s'inquiète. Les protestants du Vivarais ont repris les armes et il faut distraire des troupes indispensables sur les frontières pour réduire ces camisards. Il écoute, le quatrième dimanche de carême, le sermon du père Massillon : « La main du Seigneur est étendue sur nos peuples dans nos villes et dans les campagnes : vous le savez et vous vous en plaignez. Le ciel est d'airain pour ce royaume affligé, la misère, la pauvreté, la désolation, la mort, marchent partout devant nous. » Et le contrôleur général Desmarets juge en Conseil que « la disposition d'esprit de tous les peuples est mauvaise. Ils sont prêts, tenaillés par la misère, la faim, le désespoir, à la révolte. A tous ces maux, il n'est possible de trouver des remèdes que par une prompte paix. » Louis XIV se résout à envoyer Colbert de Torcy à La Haye. Mais les exigences des Hollandais, des Anglais et des Impériaux sont inacceptables. Il faudrait abandonner le roi d'Espagne - le petit-fils de Louis XIV ! -, livrer Bayonne et Perpignan, rétablir dans le royaume la religion prétendument réformée, et remettre aux huguenots les places fortes de Bordeaux et de La Rochelle. Le roi devrait faire boucher le port du Havre et raser Dunkerque ! Il céderait l'Alsace et la Franche-Comté, le Dauphiné et la Provence. Ils veulent donc l'humiliation de Louis le Grand et la soumission du royaume de France, le reniement de la politique de Richelieu. Croient-ils que les sujets du royaume respecteraient un roi abandonnant son petit-fils ? Se liguant contre lui ? « Puisqu'il faut faire la guerre, dit Louis XIV, j'aime mieux la faire à mes ennemis qu'à mes enfants. » Il dicte une lettre à ses sujets. Il veut, dit-il à Torcy, que les évêques fassent des mandements avec les principaux passages de cet appel. Il veut que les curés, dans toutes les paroisses de France, lisent ces mandements après la grand-messe. Il veut que les gouverneurs et commandants de province distribuent l'appel et le collent en placard aux carrefours des rues de toutes les villes du royaume. Il doit parler à ses peuples. « Mes sujets sauront les raisons de leur roi. » +t-il, était si généralement répandue dans mon royaume, que je crois devoir à la fidélité que mes peuples m'ont témoignée pendant le cours de mon règne la consolation de les informer des raisons qui empêchent encore qu'ils ne jouissent du repos que j'avais désiré leur procurer. » Le Roi-Soleil « informe » donc ses sujets. Il expose les raisons qui l'ont conduit à refuser les exigences de la Ligue, démesurées, humiliantes. On voulait même le contraindre à combattre son petit-fils ! Il affirme « sa tendresse pour ses peuples qui n'est pas moins vive que celle qu'il a pour ses propres enfants ». Il répète son désir de les « faire jouir de la paix », mais pas à des « conditions qui sont contraires à la justice et à l'honneur du peuple français ». Louis XIV en appelle au sentiment national et il est entendu. On s'engage dans la Milice après avoir écouté le curé lire l'appel de Sa Majesté. La foule se rassemble devant l'imprimerie dans laquelle l'appel, dont les premiers exemplaires s'étaient arrachés, est réédité. Le maréchal de Villars lit à ses troupes la lettre de Louis XIV. Les soldats crient « Vive le roi ! », brandissent leurs fusils armés de baïonnettes. « Nous voici à la veille des grandes actions qui peuvent décider du salut de l'Etat », dit Villars. En effet, le royaume ne sera pas englouti par ce que Saint-Simon nomme « les années funestes », cette « horrible lie des temps ». C'est même durant cette période, poursuit le mémorialiste, que Louis XIV a le plus mérité le nom de Grand. « Le roi laissa voir avec simplicité la grandeur de son âme, sa fermeté, sa stabilité, son égalité, un courage à l'épreuve des plus épouvantables revers et des plus cuisantes peines, une force d'esprit qui ne se cache rien, qui ne dissimule rien, qui voit les choses comme elles sont ; qui de là s'humilie en secret sous la main de Dieu et espère tout, contre toute espérance, affermit sa main sur le gouvernail jusqu'au bout, ne se rebute de rien, conserve son extérieur dans tout l'ordinaire de sa vie, toute sa majesté avec une égalité si simple et si peu affectée que l'étonnement et l'admiration qui en naissaient... fut tous les jours nouvelle, en sorte que nul ne pouvait s'y accoutumer. » Dans l'hiver de sa vie et de son règne, Louis XIV reste le Roi-Soleil. Max Gallo |
Source : Le Figaro.fr
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05/04/2012
Carte blanche (6)
Réacosphère : avis de recherche!
Par Ootkonos
La réacosphère comptait un blog rapidement mort comme le mien, "ein reich, ein volk, kein fuhrer" que ça s'appelait. Introuvable, rien à republier histoire de faire un petit éloge rétrospectif. Nevermind, la mémoire parle. Chez lui l'ambiance était claire, propice au repos. certainement un chasseur louant le Seigneur pour des vallons boisés dépeuplés par la pluie. Il avait justement écrit une magnifique prière, comme on devrait les faire pour que ça marche : simple, concise, le fond du coeur tutoyant l'bon Dieu. "Merci Mon Dieu d'avoir fait le monde tel qu'il est (...)Faites que je rencontre une femme que j'aimerais et qui m'aimera". Un truc comme ça, presque aussi beau que la prière scoute. Il a du la trouver sa zouze pour avoir fermé boutique. Ah, truc impossible, il y avait un live de Kyuss ("green machine" si je me souviens bien)! L'intitulé était quelque chose comme "parfois le désert peut produire de belles choses". J'aurais pas dit mieux. J'my retrouvais chez lui. Un pti' blog proche du Réciprenversexcluson, sans le coté bicéphale.
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