23/04/2020
Historiettes, contes et vaticinations (10)
Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 29/01/2007 :
L'an zéro
Ils avaient maintenant tous pris place sur les gradins de la tribune, la cérémonie n’allait pas tarder à débuter. On pouvait dénombrer 1 856 chefs de nations autonomes ou leurs représentants, la planète entière était pour ainsi dire présente pour cet événement sans précédent dans l’Histoire. Le monde était enfin uni, après des millénaires de guerres et de divisions, les responsables et leurs peuples avaient enfin compris où étaient leurs intérêts. Plus d’armées nombreuses à entretenir, une simple force chargée d’intervenir au cas échéant demeurait sous tutelle du gouvernement mondiale, plus d’arsenal coûteux à concevoir et à acheter, cette argent pouvait être utilisé pour aider au développement des zones les plus pauvres, plus de conflits indépendantistes, toutes les nations grandes ou petites étaient les bienvenues.
Ce soir à minuit, une fois les festivités des célébrations terminées, le monde entrerait dans une nouvelle ère, ce serait la première année de l’Union mondiale. Cette datation remplacerait dorénavant officiellement toute les autres trop marquées religieusement et susceptibles de blesser les susceptibilités et d’engendrer des querelles. Bien sûr, cela ne se ferait pas sans quelques grincements de dents rétrogrades, mais l’enthousiasme était très largement majoritaire.
Pour marquer le début de la cérémonie, on allait maintenant procéder au lever des couleurs de l’Union Mondiale devant les 1 856 pavillons nationaux. Lentement, sur l’hymne « La paix pour toujours » joué par l’orchestre, le drapeau s’élevait sur le mat. Sur fond bleu, il figurait une carte du monde en projection azimutale équidistante, le pôle nord servant de centre, entourée par les douze étoiles d’or de l’ex-Union Européenne. C’était, en fait, l’ancien drapeau de l’ONU que l’on avait modifié pour rendre hommage à l’Union européenne qui avait été l’inspiratrice de cette réalisation. La première, elle avait pensé que le concept d’états souverains était dépassé, malgré bien des déconvenues ses dirigeants avaient tenus le cap et on pouvait maintenant jouir du résultat.
Le pavillon était tout juste arrivé au sommet du mat, quand les images se brouillèrent au même instant sur toutes les télévisions de la planète. Devant leur poste les téléspectateurs durent attendre quelques secondes avant que les chaînes n’annoncent l’effroyable nouvelle : malgré toutes les précautions en matière de sécurité une bombe avait explosé sur le site. Une bombe d’une grande puissance, certains parlaient même de nucléaire. La tribune officielle, les gradins destinés aux spectateurs, les quartiers d’habitation environnants avaient été pulvérisés. En attendant de plus amples informations, les spécialistes affluaient sur les plateaux des journaux télévisés pour donner leur avis. Bientôt, la piste de l’extrême droite nationaliste commençait à en mettre d’accord le plus grand nombre. Malgré la surveillance, les arrestations et les condamnations l’hydre fasciste n’avait pas été vaincue et leurs imprécations contre l’Union avait fini part faire des morts, des milliers de morts. Il fallait se rendre à l’évidence : les autorités avaient été trop laxistes avec elle.
Ce n’est que le lendemain, que la revendication officielle, irréfutable, parvenait aux dirigeants intérimaires et aux agences de presse. Le responsable de ce carnage était "Al Qaida", le groupe islamiste que l’on croyait définitivement dissout depuis de nombreuses années. Sur leur message ils indiquaient « que le sabre du Prophète (paix et bénédiction sur Lui) s’était abattu sur les dirigeants impies et usurpateurs et les avait réduits en poussière », le reste du texte annonçait d’autres attentats tant que le monde serait « sous la coupe des croisés » et en prenait pour preuve indéniable le drapeau de l’Union Mondial qui représentait le monde enserré entre les douze étoiles de la Vierge Marie, symbole éminemment chrétien.
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22/04/2020
Historiettes, contes et vaticinations (9)
Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 29/01/2006 :
Le projet
Le nouveau roi était un bon roi ; il n’aimait pas la guerre. Il se mit à chercher comment l’éviter à son peuple pour toujours et après avoir longuement réfléchit au problème, il trouva enfin la solution. Il était si heureux de sa découverte qu’il fit convoquer ses ministres dans l’heure et leur dit :
- J’ai enfin trouvé le moyen d'apporter le bonheur à mon peuple ; il suffit de lui assurer la paix et pour cela de ne plus avoir d’ennemis. Comment faire, me demanderez-vous ? Rien n’est plus aisé, mes prédécesseurs ont toujours cru que l’ennemi nous obligeait à posséder des remparts, alors que c’est exactement le contraire, ce sont les remparts qui créent l’ennemi. Donc, dès demain nous allons entreprendre la démolition de toutes nos fortifications et dissoudre l'armée.
L’assemblée resta silencieuse un instant, abasourdie, puis un ministre se mit à applaudir, puis un autre et un autre encore. Bientôt la grande salle du Conseil résonnait des applaudissements et des vivats de tous les ministres. Tous ? Non, au fond de la salle, un vieux ministre attendait la fin des acclamations pour donner son avis.
Quand le calme revint, il leva la main pour demander la parole.
Le Roi le vit :
- Monsieur le Ministre de la Guerre, je crois deviner la liste des arguments que vous allez nous soumettre afin que je ne mette pas mon projet à exécution, et surtout vous vous demandez ce que vous allez devenir sans guerre, n’est-ce pas ?
Le Ministre de la Guerre essaya de se faire entendre malgré les rires moqueurs :
- Votre Altesse, je crois que...
- Monsieur le Ministre, vous m’avez toujours servi avec fidélité et compétence et en récompense de vos bons et loyaux services je vous nomme Ministre de la Paix, reste à vous d’en faire quelque chose d’efficace avec le même zèle que vous mettiez jadis à faire la guerre.
Les paroles étaient presque insultantes et les ricanements allèrent de plus belle. Le ministre ne releva pas et essaya de nouveau de se faire entendre :
- Votre Altesse, il ne s’agit pas de cela mais...
Le Roi ne le laissa pas finir :
- Messieurs, je vous remercie.
Le Grand chambellan s’avança et frappa le sol de sa lourde canne pour signifier que la séance était levée. Dans les couloirs, le ministre de la Guerre reçu quelques tapes qui se voulaient amicales et beaucoup de regards ironiques. "Ainsi vont les choses, pensa-t-il, hier encore, on n’osait faire quoi que se soit sans demander mon avis, et aujourd’hui, je suis sujet à la moquerie et à la pitié."
Les travaux allèrent bon train bien que le peuple, qui pourtant haïssait la guerre, mit quelque temps à accepter de voir ses murailles s’abattre une à une. Mais bientôt, pris dans l’euphorie, il s’enthousiasma plus encore que les Grands du Royaume. Les militaires démobilisés furent mis à contribution et firent preuve d'autant de conscience à détruire leurs forteresses que s'il s'agissait de bastions ennemis. À travers le pays ce n'était que festivités et farandoles autour des décombres de l'ancien monde.
L'ex-ministre de la Guerre tenta plusieurs fois d’approcher le Roi pour lui faire part de ses inquiétudes, mais il se fit à chaque fois éconduire sous quelque prétexte et les lettres qu'il lui envoya ne reçurent nulle réponse. Il refusa sa nouvelle charge et finit par se retirer dans son domaine campagnard. Il y continuait, bien sûr, entre promenades et lecture, à se tenir au courant du déroulement du projet royal. Les villes n’avaient plus de remparts, les forteresses avaient été démantelées et les armées dissoutes. Et plus incroyable, les pays voisins commençaient à être pris de la même frénésie. Les petits royaumes du nord, ceux de l’est, les myriades de principautés, tous s’y mirent. Il ne restait que l’empire situé le plus à l’est, à la lisière de la civilisation, face aux steppes. Il tint quelques temps, mais sous la pression des autres nations, de ses diplomates ostracisés, de ses banquiers inquiets et de ses commerçants affaiblis par le boycott de leurs marchandises, il y vint aussi. Et comme très souvent dans ces cas-là, ceux qui prennent du retard finissent par se montrer les plus zélés pour faire oublier leurs réticences passées.
Un jour pourtant, l’ex-ministre de la Guerre reçu une invitation pour assister à des festivités à la cour. Peut-être, le Roi avait-il finit par lui pardonner ou plus vraisemblablement s’agit-il d’une erreur ou d’un coup de pouce d’un ami influant resté fidèle ? Peu importait, il n’irait pas s’humilier chez ses ingrats. Il allait jeter la missive dans l'âtre de la cheminée quand il se ravisa, il irait. Une dernière fois, il essayerait de faire son devoir qui était de protéger le Royaume et les sujets de Sa Majesté.
Le jour venu, alors que les réjouissances battaient leur plein au Palais royal, il s’approcha du Roi pour lui parler. Sur son passage, les courtisans s'écartaient comme s'il s'agissait d'un malade contagieux ou d'un spectre. Bien peu le saluèrent.
- Votre Altesse.
- Oui ?
Le Roi se retourna, et en voyant son ex-ministre de la Guerre, il eu un mouvement de surprise contrarié :
- Vous ici ?
- J’ai une invitation, Votre Altesse.
- Je n’en doute pas, vous n’êtes pas homme à frauder. Que voulez-vous ?
- Une dernière fois je supplie Votre Altesse, maintenant que nos places fortes n’existent plus, de reconstituer une armée afin de défendre le Royaume en cas de conflit.
Le Roi soupira et regarda son ancien ministre, mi-irrité mi-amusé, comme un père indulgent regarde un fils un peu têtu.
- Monsieur, vous n’avez donc pas encore compris. Êtes-vous à ce point aveuglé pour ne pas voir l'évidence ? Regardez autour de vous, tout le monde se réjouit car les temps ont changé. Dorénavant, il n’y aura plus de guerres. Et vous savez pourquoi ? Parce que tout le monde aime la paix, l’a toujours aimée. C’est aussi simple que cela.
- De grâce, Votre Altesse, juste quelques bataillons. Qu'est-ce que cela peut bien changer au déroulement des événements actuels ?
- Mais tout, voyons. Mon projet n'est cohérent qu'unanimement accepté et respecté, concéder la plus petite compromission serait croire à son échec éventuel et le provoquerait par là même, j'en suis persuader. Maintenant, laissez-moi et allez vous amuser...
Il voulu rajouter "si vous en êtes capable", mais se retint.
Des mois passèrent et l’ex-ministre finit par douter du bien fondée de son obstination. Et si, finalement, le Roi avait raison ? Et si l’Homme n’était pas cette créature dont il fallait toujours se méfier ? Et si sa destinée était de vivre heureux dans la paix ? Peut-être toutes ces années de guerre lui l’avaient-elles donné une vision erronée et négative de l’humanité, en vint-il à penser. Pourtant quelque chose en lui restait à l'affût, une sourde angoisse le réveillait la nuit.
Les premières nouvelles arrivèrent au printemps de l’année suivante. Ceux des steppes avaient attaqué l’empire qui leur était frontalier. À chaque nouvelle dépêche, on apprenait que les envahisseurs s’étaient enfoncés encore plus loin dans l’empire. Bientôt, on apprit que sa capitale était tombée. Puis se fût le tour des royaumes du centre. Il succombèrent les uns après les autres. Les rescapés rapportaient d’épouvantables histoires de massacres et de déportations. Pendant que les hordes saccageaient les états du nord et s’approchaient à la vitesse de leurs chevaux des frontières du Royaume, le Roi envoya un courrier à son ex-ministre de la Guerre en lui ordonnant de former une armée de toute urgence pour défendre le pays dans le cas où ses émissaires n’arrivaient pas à convaincre "Ceux des steppes" de faire la paix. Les émissaires ne revinrent pas de leur mission. Et quand l’ennemi franchit la frontière, le chef des armées rétabli dans ses fonctions ne put leur opposer que de maigres levées mal entraînées et démoralisées. Au premier choc, la plupart se débandèrent. Ceux qui résistèrent se firent massacrer, le ministre de la Guerre en fit partie.
Bientôt toute résistance cessa. Le Roi avait été fait prisonnier lors de l’assaut de la capitale. Chargé de chaînes, il comparut devant son vainqueur afin que celui-ci décida de son sort.
- Peu m’importe le destin que vous me réservez puisque plus rien n'a désormais d'importance pour moi, mais je voudrais seulement comprendre : pourquoi ?
Le Maître des steppes et aujourd'hui souverain de la presque totalité des terres connues parut surpris par l’incongruité de la question, mais il daigna tout de même répondre :
- Pourquoi l'aigle s'abat-il sur le lièvre ?
09:21 | Lien permanent | Commentaires (12)
21/04/2020
Et après ?
Coronavirus : « Plus rien ne sera comme avant », vraiment ? Alors que la crise sanitaire bat son plein et que personne n’en connaît ni la durée ni l’issue, on voit fleurir, sous la plume de journalistes comme dans les échanges sur les réseaux sociaux, l’idée qu’après celle-ci « plus rien ne sera jamais comme avant ». Cet axiome n’est pas nouveau, il apparaît à chaque catastrophe, à chaque grande tragédie que traverse la Nation, du premier conflit mondial (« la Der des Der ») à la canicule de 2003. Mais si la pandémie du Covid-19 met clairement, et glacialement, en évidence, les impasses mortifères, pour ne pas dire criminelles, du turbo-capitalisme financier qui domine – et détermine – nos existences, en annonce-t-elle pour autant la fin et le passage à une autre société, à un autre rapport au monde ? Rien n’est moins sûr, et les exemples du passé nous invitent à la prudence et à l’humilité... Une fois la crise terminée, ou du moins jugulée, en effet, qui portera le fer dans la plaie béante – mais pas encore mortelle – du mondialisme libéral ? Un RN exsangue et décrédibilisé, dépourvu d’ossature idéologique aussi bien que de modèle alternatif ? Tout le monde voit bien que non. Des groupuscules activistes identitaires plus cohérents mais encore adolescents et presque totalement privés de moyens tant médiatiques, structurels que financiers ? Hélas, pas davantage. On connaît la formidable capacité du capitalisme mondialisé à se relever de ses chutes, à absorber les crises, à se renouveler et à se transformer pour mieux se proroger. La « fenêtre de tir » d’une véritable rupture, d’un profond changement, d’une remise en cause générale du système, de la « société de marché », sera donc très brève. Ensuite, les choses reprendront leurs cours, avec certes d’inévitables modifications – ne serait-ce que pour rassurer l’opinion publique – mais qui ne seront que superficielles et cosmétiques. Les mêmes crapules, les mêmes avidités, les mêmes mafias oligarchiques reprendront le contrôle en nous assurant bien sûr, comme après le crash de 2008, qu’ils ont « tiré les leçons » de l’expérience et que l’avenir est à nouveau radieux sous la tutelle des places boursières et de la croissance infinie. Alors qui saura saisir l’occasion, qui osera tenter le pari, qui incarnera l’espéré, l’impérieux basculement ? Aujourd’hui, on aurait malheureusement tendance à penser : personne, aucune forme politique du paysage actuel ne semblant avoir les épaules – et la volonté – pour une telle mission. Les écologistes, dans leur dimension politique, seraient peut-être les mieux armés, du moins en apparence, pour incarner ce rôle, portés notamment par une popularité croissante auprès des jeunes générations et un discours de remise en cause des dogmes productivistes. Mais ils ne peuvent en réalité nullement remplir cette fonction tant ils sont encore encombrés de scories gauchistes (immigrationnisme, déconstructivisme sociétal, ethnomasochisme …) fondamentalement incompatibles avec une véritable sortie du globalisme libéral, et tant leurs cadres se sont compromis dans des alliances « républicaines » les conduisant à largement cautionner les politiques qui ont mené à la crise actuelle. Ils pourraient d’ailleurs même être utilisés comme l’une des cartes du système pour se remette en selle et relancer en proposant une prétendue « troisième voie », un capitalisme repeint en vert à grands coups de larges pinceaux démagogiques, mais qui n’aura renoncé à aucun des ses fondamentaux ni aucune de ses finalités. On peut au moins rêver Parallèlement à cette impuissance de la politique institutionnelle, la population elle-même – une fois retrouvé le grand air, ses habitudes et son confort – souhaitera-t-elle véritablement « sauter le pas » vers une alternative aux conséquences méconnues, voudra-t-elle « décroître », sera-t-elle apte à « décoloniser son imaginaire » du totalitarisme marchand et à penser de nouveaux rapports humains et sociaux au-delà du triptyque « production-consommation-divertissement » ? On peut évidemment le souhaiter, l’espérer, mais pas le garantir… Une fois la peur passée, celle-ci sera peut-être également rapidement oubliée… Tout dépendra peut-être du bilan exact de la pandémie. Pourtant, il semble bien que seul un mouvement populaire massif et déterminé puisse imposer la rupture et la « révolution » économique et sociale nécessaire à un retour à la raison, au local, à l’autonomie et à la souveraineté. Un mouvement du type de celui des Gilets jaunes, mais débarrassé des nihilistes et instrumentalisés Black Blocs et pourvu de cadres patriotes formés et inspirés par des intellectuels organiques qui travaillent depuis des décennies à dénoncer et combattre les aberrations qui nous ont conduit là où nous sommes. En ces temps difficiles, on peut au moins rêver… Xavier Eman |
Source : éléments
16:35 | Lien permanent | Commentaires (12)
Historiettes, contes et vaticinations (8)
Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 09/10/2007 :
La patrouille
Il n'y avait plus de doute, c'était bien le bruit de gravillons qui tombaient sur le pavillon de la voiture.
- Mais qu'est-ce tu fais ? T'arrête pas ! Roule !
- Mais les cailloux...
- Putain ! C'est tout de même pas des pavés qu'on nous balance.
Le véhicule repris sa vitesse normale : celle d'un pas rapide, histoire de faire de la présence policière en évitant les ornières qui truffaient le chemin de terre.
Il y a quelques années l'agrandissement de la cité des Fauvettes avait été décidé. On avait amené des engins de chantier, creusé des trous gigantesques, accumulé la terre en collines, puis tout s'était arrêté. Une inextricable histoire de dépôt de bilan frauduleux avait gelé les travaux. On avait démonté les grues, remballé le matériel, entouré la zone d'une grillage pour l'interdire au public et tout était resté en l'état. Très rapidement la perméabilité de la clôture fit que l'endroit devint le terrain de jeux favori des enfants des Fauvettes et un lieu de trafic en tout genre. La police avait donc reçu l'ordre de faire des patrouilles régulières dans ce décor de champ de bataille grâce au chemin qui le traversait avec, bien-sûr, consigne de ne pas faire de provocation.
Consigne à vrai dire plutôt vague quand on était un jeune policier qui réalisait sa première patrouille dans la secteur. Heureusement que dans sa bienveillance son chef de poste le faisait cornaquer par un ''ancien''. Il se contentait donc de regarder consciencieusement autour d'eux tout en essayant autant que possible de ne pas rouler dans un nid de poule.
Des enfants couraient le long des talus qui surplombaient le chemin en leur criant des choses incompréhensibles à cause de la distance, mais que l'on pouvait imaginer peu amicales, tout en leur faisant des gestes obscènes. D'ailleurs il était fort probable que c'était eux qui les avaient bombardés de cailloux auparavant. Après avoir baissé leur pantalon pour leur montrer leurs fesses ils s'en allèrent vers d'autres occupations.
- Tiens, ça n'y était pas la dernière fois, fit l'"ancien'' en désignant les restes d'un voiture calcinée.
- On s'arrête ? hasarda le ''nouveau'' sans trop y croire.
- Non, on reviendra plus tard.
Un peu plus loin, un petit groupe de garçons en jogging et casquette accompagnés de leurs copines, portable vissé à l'oreille et vêtues avec l'élégance de starlettes de films X, discutaient à grands renforts de gestes près de deux BMW garées sur le côté. Ils s'arrêtèrent le temps de jeter un œil noir aux occupants de la voiture de police – l'un d'entre eux fit même le geste de leur tirer dessus avec son index pointé – puis ils reprirent leur conversation. Les filles n'avaient pas semblé s'apercevoir de quoi que ce soit et continuaient leur conversation téléphonique. Cette fois le ''nouveau'' ne dit rien : le métier commençait à rentrer.
Tout à coup, la radio de bord leur signala qu'à la terrasse d'un restaurant un homme refusait d'éteindre son cigare. Le central avait reçu plusieurs appels des autres clients et du propriétaire pour demander une intervention.
- C'est pour nous ! C'est juste à deux rues d'ici. Mets la gomme !
Toute sirène hurlante la voiture s'extirpa du chemin défoncé et rejoint la route bitumée.
- Enfin un peu d'action, pensa tout haut son conducteur.
08:44 | Lien permanent | Commentaires (18)
20/04/2020
Lectures (7)
Que lisez-vous en ce moment ? Moi je viens de finir Crimes et arnaques de l'an 2000 de Rolande Girard, un recueil écrit en 1982 de faits divers plus où moins édifiants sur l'époque qui s'annonçait. Et je commence juste Loki de Georges Dumézil, complexe et chargé de notes, j'aime bien la mythologie, mais je ne sais pas si j'irais jusqu'au bout.
20:00 | Lien permanent | Commentaires (16)
Santé !
18:09 | Lien permanent | Commentaires (20)
Historiettes, contes et vaticinations (7)
Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 29/08/2007 :
Die große Maschine
- Vous savez, je n'ai pas fait d'études, je vais vous raconter cette histoire à ma manière. Un jour ils sont venus me chercher, ils m'ont dit que dans le village on était tous d'accord. J'étais étonné parce qu'on m'avait jamais rien demandé, et que moi je serais bien resté. Alors je suis parti, il y avait plein de gens que je connaissais pas et puis ceux du village. J'avais pas l'impression qu'ils étaient tous si heureux que ça d'être là. Et puis on est tous monté dans la ''machine'', en nous accueillant on nous a dit que l'on allait vivre quelque chose que personne n'avait vécu, que l'on allait être heureux, que vivre dans son village c'était dépassé, que de toute façon le monde changeait et qu'il fallait faire pareil et plein d'autres choses comme ça. Je suis quelqu'un de réservé mais j'ai quand même demandé si je pouvais rentrer ; on m'a regardé comme si j'avais la peste et on m'a répondu que cette question était ''déplacée'', je me souviens encore du mot exact. Et on est parti et j'ai vite remarqué que le voyage n'était pas confortable pour tout le monde, qu'il restait plein de choses à régler, que ceux qui commandaient n'étaient pas toujours d'accord entre eux, mais on avançait toujours. Avec le temps, des personnes venaient me voir, certaines se rappelaient de ma question, et me disaient l'air de rien qu'elles seraient bien rentrées elles aussi. Plus le temps passait, plus la joie du départ disparaissait sauf chez les responsables, et pourtant on continuait à embarquer du monde. J'ai fini par comprendre que personne ne savait vraiment où on allait, alors non seulement j'étais triste mais maintenant j'avais peur. Mais on continuait toujours. Et il y a eu l'accident. Moi, je fais partie des survivants parce j'étais souvent à l'arrière pour regarder le paysage, j'espérais revoir mon village. Il y a eu plein de morts et de blessés, moi j'ai eu plusieurs fractures mais je vais renter chez moi. Voilà, ça s'est passé comme ça... Ah, on m'a dit que la plupart des responsables s'en étaient sortis... Laissez-moi maintenant s'il vous plaît, je suis fatigué, je vais me reposer un peu.
08:51 | Lien permanent | Commentaires (4)