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08/09/2022

Carte blanche (47)

Laissée à Kobus van Cleef

 

Crépuscule des vampyrs et continent obscur

Première partie

Deuxième partie

Troisième partie

Quatrième partie

Cinquième partie

Sixième partie

Septième partie

Huitième partie

Neuvième partie

Dixième partie

Onzième partie

Douzième partie

Treizième partie

Quatorzième partie

Quinzième partie

 

Seizième partie

 

de toutes façons, le réservoir est vide, le rafiot n'avance plus, et, sur le radar de bord, on voit apparaître de méchants artéfacts qui signent une illumination interrogative (si on peut dire)
c'est que les émiratis, alertés par l'attaque du pitroulier libérien, se posent des questions, sont ce les perses? les raëliens? (pas tombés de la dernière pluie, ils savent reconnaître leurs amis) les voisins saoudiens?
on abandonne donc la vedette à quelques distances de la côte en bloquant la barre vers le large, avec les courants, ça fera l'affaire, et on embarque sur le dinghy de secours, sans radio, mais avec de l'eau, on fait force de rame vers une plage calcaire pas enchanteresse du tout, grisâtre sur fond beige, pas un arbre ni un brin d'herbe, on atterrit en souplesse, le pneumatique est dégonflé, lacéré de coups de couteau et les débris sont cachés sous des rochers, on se met alors en marche vers le nord en suivant la côte
on ignore si on est en saouderie ou en émiraterie, on marche, simplement, en gardant la mer à tribord et le nord droit devant

 

piquer au nord, certes, mais en suivant la côte ou en s'enfonçant dans les terres?
on serait assez visibles en suivant le rivage, d'autant que le trajet paraît hasardeux, sinueux
on délibère en vitesse, on décide donc de piquer vers les terres, pas tout de suite, plutôt à la nuit tombée
sitôt dit , sitôt fait, on s'abrite en ayant soin de se cacher du soleil, ce qui prend du temps, on est sur un littoral désolé, succession de cailloux pas plus gros que des pamplemousses et de talwegs mollassons
on trouve donc un refuge, on l'occupe
entre chien et loup, on se sort de notre torpeur et hardi petit, en route

 

Dans cette équipée, les plus prudents ne sont pas nos amis européens,ni leurs superbes compagnes, ce sont bien évidemment, Cyrus, Darius, le mousse et Simbad le crétin ( plus le chat), ces cinq là ( en comptant le chat, donc), tout assurés de leur nationalité persane, savent ce qu'ils risquent s'ils sont pris, au mieux la taule saoudienne jusqu'à la fin des temps, au pire l'exécution et, au pire du pire, le rapatriement en terres et geôles iraniennes où l'atmosphère est malsaine pour les traîtres supposés ( la faune pénale locale fait régner une justice qui n'a rien à envier à celle des institutions, c'est même plutôt pire, si une telle chose est possible)
C'est pourquoi cette première étape se fait quasiment sur la pointe des pieds, en se jetant à terre au moindre bruit
Au matin, bilan des courses, on a parcouru 5 km
À ce compte là et si on ne subit aucun avatar, il nous faudrait un an pour sortir de la péninsule arabique
C'est pas qu'on soit à la bourre, c'est simplement que les finances ne suivront pas, les pincées de diamants bruts ont bien fait baisser le niveau du pactole trouvé dans le cercueil du gros van de putte, pactole que le repris de justice belge, égaré dans l'afwique pwofonde, avait tenté de nous dérober
Se pose aussi la question de la loyauté de nos divers accompagnants
Comment réagiront nos compagnes lorsque le pactole aura totalement fondu ?
Se soumettront -elles à une existence misérable, dans les sables du désert, alors qu'à quelques centaines de kilomètres, une société d'une oppulence jamais connue auparavant les narguera de toutes ses facettes clinquantes ?
Ne seront elles pas tentées, à ce moment là de déserter, d'abandonner une équipée vouée à l'échec ?
Et le chat ?

 

Ne serait il pas tenté, lui aussi, d'aller mendier sa pitance lorsque le niveau des croquettes sera trop bas ?
Blumroch, kobus et Jean Eudes,mine de rien, tiennent conseil entre eux

 

Et puis, excuse moi, Blum, avec ton acroglaukotrichie, tu te fais remarquer, hein ( là c'est kobus qui cause)
De quoi, de quoi, toi c'est le rayon de lune qui te transforme en satyre, tu niquerais même les chameaux des bédouins !( Pas content le Blumroch)
Du calme mes amis du calme, j'entrevois une ébauche, une amorce de solution, les bédouins, voilà notre planche de salut, nous allons devenir des bédouins !( Là c'est Jean Eudes, éclairé par une illumination,tel Archimède ou Newton)
Encore faut-il trouver des bédouins, encore faut-il les convaincre de nous adopter, encore faut-il que nous puissions suivre leur rythme
Mais on dit que nécessité fait loi, on saura bien s'accomoder du pas lent et nauséegene du camélidé
Non ce qui nous préoccupe c'est dans l'ordre, l'absence des bédouins, vu qu'en 24 heures on n'a pas croisé âme qui vive, et surtout l'odeur des camélidés en question

 

Tiens oui, c'est un risque, l'odeur des camélidés...
Ainsi que le bruit, car lorsque ça blatère, bonjour les noreilles !
On en est là de notre conciliabule lorsque Emesse, la toute belle évanescente ( mais les pieds sur terre, brune, peau blanche, cheveux soyeux, zyeux bleus, je l'ai faite à la ressemblance de madame van Cleef) vient nous trouver pour nous annoncer une première défection
C'est Simbad le crétin qui a malencontreusement posé le pied sur un scorpion, ce con là, et qui en est mort en moins d'une minute, dans d'horribles convulsions avec des flux de ventre
Pour le dire en des mots plus compréhensibles, le malheureux s'est chié dessus dans les affres de l'agonie
Merdalors !
Sans jeux de mots
On rend les derniers devoirs au marin malchanceux, capitaine d'un bateau lavoir qui a rejoint les abysses en compagnie de sa cargaison de n'haigres innocents ( mais peut il exister une innocence en ce monde après....-et là, vous avez le droit d'inscrire l'événement que vous souhaitez voir sanctifié, surtout si vous entendez tirer profit de l'exploitation de sa mémoire ?)
Deux trois clapas sur une fosse creusée hâtivement, la tête dans la direction supposée des lieux saints, couché sur le flanc gauche et roule, ça sera bien assez bon

 

on récupère les diam's dans un petit gousset, au bout d'un cordon, avec la main de Fatima (ça existe chez les ébadites? probablement) le tout plaqué sur la poitrine soigneusement épilée du de cujus
encore tiède, je précise, ce qui nous donne la très désagréable impression de pillage de catafaro
bon, il s'agit de se mettre à l'abri pour les heures à venir
puis reprendre notre périple en se guidant sur les étoiles (nous avons trois marins avec nous, peut être qu'ils feront mieux que Simbad)
pendant ce temps, l'armateur maltais du pitroulier coulé pas loin de la côte a envoyé une protestation véhémente à l'amirauté iranienne
laquelle déclare son incompréhension et l'absence d'implication de ses troupes dans cet accident
mais on ne prête qu'aux riches
par contre, les pentaguys ont diligenté une enquète
d'autant plus que l'admiral commandant la 6ème flotte est indisponible et pour longtemps
rupture des corps caverneux, voyez?
ça risque de l'immoboliser pour longtemps, si ce n'est de façon définitive

 

Immobiliser, plutôt qu'immoboliser
C'est le hic avec les tilifones intelligents, la petite taille du clavier
Après cette salve d'interrogation diplo et de protestation à l'ONU ( le machin de triste renommée, selon le mot d'un triste sire lui aussi), la suite logique, c'est la montée au conflit, vous en êtes d'accord avec moi
Ça mobilise donc dans les petromonarchies ( monarchies de pierre, ça sonne mal ou bien, c'est selon, oléopetromonarchies serait plus idoine) c'est à dire que d'une part les tribus locales sont à nouveau autorisées à se balader enfouraillées , armes légères exclusivement ( imagine un poutch organisé avec des kalaches et des G3, la honte, et pire, si ça réussissait.... ça donne un aspect un peu sépia, genre Tintin au pays de l'or noir) et d'autre part, les conseillers estrangers mettent en œuvre le gros matos, blindés, artillerie, vedettes, pour l'arme aérienne, ça reste le privilège des locaux de bonne famille, prestige de l'uniforme oblige
Les avionneurs occidentaux sont quand même dans leurs petits souliers, si ces cons là allaient nous planter un rafale dans la Kaaba, ça nous ferait pas de la réclame ( ou de la pub, comme on dit aujourd'hui)
Sans compter qu'il faudrait remplacer le biclou, et avec le covide, on est déjà à flux tendu dans les ateliers de montage
Pour le Camp des persans, pas de problème, on est prêt, toujours,toultemps !
D'ailleurs, pour un persan, une persane, ne pas être prêt, c'est quasi un crime, comme tel passible de la corde

 

Cette moblardisation entraîne des allées et venues dans le désert des déserts ( merci à W Thesiger pour l'expression), en plus des quatquat et des dromadaires des bédouins, on voit des humwees des supplétifs du royaume
Justement, l'un d'entre eux s'arrête à deux pas du refuge de la petite troupe, provoquant la panique des pasdars, de leur matelot, et,a contrario, l'impassibilité marquée de nos aminches et de leurs compagnes de voyage
De toutes façons,ces dernières s'en moquent, elles auront toujours de palpables arguments féminins à opposer aux importuns
Et quels arguments !
On pourrait se relever la nuit pour en reprendre
Mais là n'est pas la question
Au lieu d'une troupe menaçante, armée jusqu'aux dents et l'invective à la bouche, c'est un prince du désert, petite barbiche stylée, keffieh immaculé, saharienne en toile blanche impeccable, bref, Saladin revisité à la mode du siècle actuel
Holà, messieurs et gentes dames, mais quelle rencontre, en ce lieu improbable !
Les autres ouvrent des yeux incrédules ( oui, il y a au moins un retournement de situation par chapitre dans mes histoires, c'est quasiment syndical), avons nous été présentés ?
Ha, je vois que Jean Eudes a des trous de mémoire, pourtant nous fûmes étudiants au coude à coude, ou peu s'en faut, jadis, sur les bancs de la Sorbonne
Flache baque
Tout se brouille dans la cervelle de Jean Eudes, vicomte de... et de....
Il se revoit alors, jeune bleubitte d'étudiant, mal assuré de son logis chez une arrière grand tante cul béni mais béarnaise comme lui, serrant contre lui ses ouvrages de référence, patientant sur les marches de l'amphi de secours ( là où l'on octroie quelques miettes de savoir aux débutants)
Mais il a beau chercher dans sa pensarde, il ne retrouve pas les traits de son vis à vis

 

Sa recherche du temps perdu est trop flagrante pour que son interlocuteur le laisse dans le flou
La réincarnation ( visuellement parlant,du moins) de Saladin cligne alors des paupières, qu'il a lourdes et chargées de kohl, comme toulmonde dans le désert ( une façon comme une autre de protéger la cornée et la rétine contre les rayons solaires) et émet un petit bruit de gorge, entre la croule de la tourterelle et celui de la femme comblée
Jean Eudes blanchi, d'un seul coup d'un seul
Firdaous ?
Mais que, mais quoi, mais comment ?
Ha, c'est toute une histoire
Avant tout, prennons place à l'ombre, vos compagnons, avec leurs trognes de moricauds ne doivent pas jacter le frankaoui, je présume ? Et pour vos compagnes, elles peuvent entendre, quand à mes soldats ( en effet, le humwee est bondé de gus en treillis, grosses mostach', keffieh avec cordelette serrée autour du chef, pétoires un peu amorties genre Lee Enfield retravaillés avec sourates incrustées dans la crosse, cartouchières bien garnies), d'une part ils ne pigent rien aux langues étrangères et pour le reste, ils me sont totalement dévoués, il s'agit de mon clan, voyez, les beni amer,du Djebel éponyme

 

La réincarnation de Saladin se tourne vers ses chaouchs et intime d'un ordre sec de préparer le thé puis se tourne vers Jean Eudes, Blum et kobus et leur suggère de marcher un peu à l'écart
Jean Eudes pourra en témoigner, je n'ai pas toujours eu cette apparence charnelle, à l'orée des années 70, fille j'étais, et, héritière de possédants de ce monde ci, que vous nommez arabo-musulman, mon père, cédant aux sirènes du monde moudern, consenti à m'envoyer aux europes pour y suivre un cursus de sciences zumaines
J'aboutis donc à Paris, université Sorbonne Nouvelle, pour m'y frotter à la sociologie des puissances coloniales, enseignée par Foucault
Lorsque Jean Eudes se trouva placé à côté de moi dans la queue pour l'abominable restau U, un frisson nous saisi tous les deux, une sagittation d'Aphrodite, une cuppidonade en somme , les choses se concrétiseront plus tard, pas chez Jean Eudes,sa grand tante veillant au grain, pas dans le foyer des jeunes filles catholiques tenues par des bonnes soeurs de la congrégation nôtre dame de Sion, mais tout bêtement, à l'hôtel
Et sûrement pas de la façon dont vous imaginez les choses, je vois bien que les deux mâles blancs qui t'accompagnent,cher Jean Eudes, te jettent des regards egrillards, disons que...non,ne disons rien
Pendant ce temps, un jean Eudes au supplice regarde alternativement ses bottes, ses ongles, les cailloux de la route , ses frères voyadgeurs, tout sauf son ancienne maîtresse à moins qu'il ne s'agisse d'un amant ?
À ce stade du récit, les choses ne sont pas claires

 

Une chose en entraînant une autre, nous devinmes intimes
Pensa-t-il demander ma main à mon père ?
C'était de toutes façons impossible, trop de choses séparaient nos deux mondes mais il me laissa le souvenir encore intact de mes premiers émois
Et pas uniquement sensuels, intellectuels aussi, lorsqu'il débattait comme membre de l'AF, dans des amphis bondés, avec des pucerons internationalistes
Je n'oublie pas non plus sa furia francesse typique lorsque, avec ses amis, ils dispersaient les troupes bolcheviks, à un contre dix, et ils triomphaient !
Mais comment, de femme aimante et, j'espère, aimée, vous êtes devenue,hum, devenue, comment dire... là, Blumroch s'emmêle les pinceaux,ses mots rippent sur la langue, il ne sait plus comment s'en tirer
Saladin vient à son secours
Comment je suis devenue homme ?
C'est très simple
De retour au dejebbel, le cœur déchiré, comme dans le refrain qu'il reprenait sous la douche, les femmes de la famille, mère matrones nourrices servantes eurent vent de quelque chose
Était ce mon aspect général, mon ventre, la lueur de mes yeux ?
Bref, une semaine après, l'affaire était réglée, j'étais mariée avec un homme cumulant le double d'années de mon père et une existence de servitude s'ouvrit devant moi
Huit enfants plus tard, je décidais d'un engagement politique dans le parti Ba'as, auprès du fougueux Michel Aflack
Engagement stérile puisque, après la défaite de Saddam en 91, je m'exilait en Egypte
De là, rencontre avec une association de trans genre, opération, usurpation de l'identité d'un de mes fils, tombé dans l'opération tempête du désert, tempête à laquelle la France, mère des arts des lois et des lettres, a prêté la main, et peut être, le fer qui a emporté ce fils chéri puis, comme il faut faire une fin, retour au pays, en supplétif guerrier du royaume wahhabite, avec mes obligés de la tribu des béni amer
Blumroch, ému par cette confession en rafale, comprenant qu'il faut marquer de la compassion, reprend la balle au vol "mais c'est nous,vos obligés, d'ailleurs vous nous avez sauvé d'un ennui profond, c'est vrai qu'on croirait pas mais y passe pas grand monde dans le désert des déserts"

 

Je viens de me relire, c'est vrai que ça sent le roman d'amour début 20eme
Pierre Benoît, peut être ?
Quoique je n'ai aucun souvenir des rares lectures que j'ai pu en faire
Bon, de toutes façons, on est coincé dans le désert des déserts, à vrai dire sur la côte orientale, en compagnie d'un rezzou des béni amer commandé par un trans sexuel ( F**H) anciennement prénommée Firdaous, actuellement Saladin à l'état civil,usurpatreuse de l'identité de son fils, ci devant maîtresse passionnée de Jean Eudes, peut être un peu amère ou revancharde,va savoir
Et ça ne pourra donc que bien se passer
C'est Vesna, la douce demi soeur karpatique de Szuzanna, qui rompt le charme équivoque de cette situation incertaine
Elle se précipite vers Jean Eudes,l'enlace avec furie et lui glisse, mais de façon à être entendue de tous "jure moi que tu ne reviendra plus avec ielle, jure le, là, devant toulmonde !"
Jean Eudes se renfrogne, il pourrait dire "les femmes, toutes des emmerdeuses" ou bien "tu m'as vu, tu m'as vraiment vu,me mettre avec un trav'? mais quelle opinion as tu de moi,ma douce ?"
Dans les deux cas il pourrait s'attirer des inimitiés, soit celle du trav' en question, et c'est grave ( grave,trav' voyez le gag?), après tout il pourrait être notre billet de sortie du pays, soit froisser nos compagnes, qui se sont mouillées pour nous suivre dans cette odyssée
C'est Saladin qui le tire d'embarras en déclarant "depuis que me voici devenu mâle, et ceci pour échapper au destin des femmes en ces contrées gouvernées par l'archaïsme d'une tradition imbécile, je me suis mis à la consommation féminine, quoique avec répugnance, je sais d'où ça vient, je n'en dirai pas plus pour épargner le lecteur,"
Le lecteur en question, s'il existe, restera donc sur sa faim

 

par contre on n'épargnera pas au lecteur le détail des approches des garde côtes iraniens par les supplétifs saoudiens
clins d'oeil, frôlements, effleurements, puis ce petit monde disparaît dans les dunes, on n'entend plus que des soupirs rauques et des ahannements furieux, avec des lamentations mezzo voce
oui, il semblerait que même entre mâles consentants, une impréparation orificielle puisse être un obstacle à l'accomplissement
mais c'est leur affaire (leurs affaires) après tout, on n'est pas là pour juger
occupons nous plutôt du trajet restant pour arriver à bon port
on tente de deviner si Saladin pourrait nous voiturer dans le désert des déserts ou du moins nous recommander à une caravanne, après tout, il est du cru, on peut supposer qu'ielle a des accointances avec les locaux
point du tout, ilelle vient de bien plus au nord et à l'ouest, quasiment de la Jordanie, désert du Wadi Rum, ou approchant
mais ielle veut bien nous escorter jusqu'à une oasis, à la limite du grand neffoud et du al djôf, vraiment au nord, pas très loin de chez ielle, d'ailleurs
pas loin de mille bornes de caillasses et de dunes, en évitant soigneusement Ryad , Bourraïda et Sâkakhâ
quasiment un cadeau, t'en connais des gens qui feraient un détour de mille bornes pour t'acheminer en lieu sûr?
moi pas
on se demande où est le piège, on est méfiants
mais c'est l'heure du thé
qu'on boit très sucré comme la coutume l'exige
les marins iraniens reviennent en boitant , personne n'a le coeur de leur demander si ça s'est bien passé, les bédouins supplétifs les escortent en les tenant par le petit doigt, c'est touchant
problème à résoudre
sachant que nous sommes six européens, trois iraniens, un chat, un trans sexuel, et quatre supplétifs du djebel amer, comment faire tenir tout ce petit monde dans un Humwee?
comment abreuver toute cette troupe?
et la nourrir?
la sécuriser lorsque les patrouilles aériennes découvriront leurs traces?
la guerre c'est avant tout de la logistique....

 

et comme telle, c'est dépendant de l'approvisionnement (en angluche supply chain)
chaine dont on voit poindre un bout, là bas, près de la côte
ce sont les n'haigriers qui devaient chercher la cargaison de Simbad le crétin
évidemment, plus de Simbad, ni de cargaison de n'haigres
les mecs ont fait le déplacement depuis pétaouchnoque et là, paf, rien!
ils doivent s'en retourner les mains vides?
non , mais ça va pas!
ils mettent cap sur nouzautres
s'ensuit un dialogue impossible à retranscrire ici
mais il en ressort, traduit par Saladin/Firdaous, que, moyennant une petite contribution, les n'haigriers rachèteraient nos femmes et nos iraniens un bon prix, qu'en pensez vous?
ce que j'en pense?
tiens canaille!
et Blumroch sort son makarov, le braque sur a tête du chamelier et presse la détente
la poudre a eu le temps de sécher, les fragiles ressorts sont grippés mais l'index de Blum est suffisament convaincant pour solliciter le marteau, lequel entraîne le percuteur, frappe l'amorce et met le feu aux poudres
paf, la cervelle du camionneur du désert asperge toulmonde à la ronde
et paf, les lee enfields des supplétifs saoudiens tonnent
prrreng font les kalaches des chameliers ( oui, ces nuisibles sont armés)
bilan des courses
deux supplétifs morts, tous les esclavagistes au tas, Darius, le beau matelot persan , agonise dans la poussière
"je verrai jamais la gay pride de Tel Aviv, Berlin ou Paris, adieu...."
à coté de lui son amant éphémère , fier guerrier béni amer, sanglotte sans retenue
spectacle poignant, convenez en

 

Et c'est pas tout
Jean Eudes blanchi, bégaye,tend un doigt tremblant
Firdaous, je veux dire, Saladin, mon djieu, regardez
Notre viatique pour sortir du désert, notre seul ami dans ce monde hostile, s'est assis dans le sable, du sang plein le pantalon immaculé
Lentement, il s'appuie sur le coude, puis s'allonge complètement
Maverdave,kes kis passe ?
Pas une énorme hémorragie mais du sang, indubitable
On se rue sur ielle, kobus le premier,nanti de ses prérogatives de médicastre
D'un geste vague, ielle nous commande d'éloigner ses chaouchs, éviter qu'ils lui voient le siège ( ce qui est mieux que "éviter qu'ils lui voient les couilles" car on n'est sûr de rien), nous acquiessont ( il faudrait une cédille mais le clavier du tilifone est trop rudimentaire pour ce faire, ou alors, trop sophistiqué pour moi)
Je déslipe le trans, le matos se fait jour, avec la plaie, petite, en séton ( comme toujours, dans les descriptions du 20eme siècle, ça signifie "plaie bénigne, pansement sec, pas de drainage, pas de morphine, retour au combat et à l'admiration des foules") probablement un ricochet par un éclat de cailloux ( il est vrai que ça a arrosé tout azimut), j'en profite pour admirer le travail, un vrai lapin dans la culotte, un peu dysmorphique, cylindrique, le bout pas franchement naturel avec le tatouage pour mimer le prépuce circoncis, mais le tout de très bonne taille
La taille ça va ( c'est la gabelle qui va pas, aurait dit mon père) c'est la tenue qui risque de pêcher, l'éclat de cailloux a entamé, outre la peau d'un néo rouston ( fabriqué avec la grande lèvre homolaterale et d'une singulière douceur à la palpation), le petit réservoir qui sert à dresser la tige
Oui, chez nos frères en humanité trans sexuels et sexuelles ( on s'y perd), l'érection n'est obtenue que de façon mécanique, une pompe, actionnée de façon subreptice, pulse du liquide dans la tige et hop, regarde,ma belle, comme je pense fort à toi
Là, Saladin va pouvoir penser,certes, mais ce sera bien tout ce qu'il pourra faire pendant un moment
Jusqu'à la réparation,du moins
Faut un spécialiste, et de toute façon, on n'a pas la pièce, faut commander, voyez
On le met au courant, ielle soupire, c'est aussi bien, ça m'évitera les emportements de la passion, je me sentais tiraillé.e entre ma dévotion pour Jean Eudes et une passion naissante pour vos belles amies
Ainsi soit il
Avant de lever le camp, on se charge d'une ultime corvée de fossoyage, temps que le voyage se termine, on aura passé notre existence à ouvrir et fermer des tombes

 

yen a qu'un qui se croit au dessus du lot commun, et c'est le chat
le seul moment où il creuse, c'est pour enterrer ses crottes
on rassemble donc les morts dans une fosse habilement dissimulée, en ces contrées pitroulières on est épiés en permanence par l'oeil de Sauron, une prière misilmone psalmodiée par un des supplétifs restants, on sangle Saladin dans son humwee, désormais tout pâle dans son battle dress souillé de transpi et de sang, nouzautres on s'entasse dans le quatquat climatisé des n'haigriers et roule!
plein nord
en évitant les oasis, mais on a assez de combustible et d'eau pour faire les milles bornes qui nous séparent du point d'extraction

 

je vous passe les détails de notre deuxième anabase en péninsule arabique, plus proche géographiquement de l'originelle, là on pourra pas hurler "Thalassa, Thalassa!" à moins que...la mer de sable, oui, effectivement
sachez simplement que nous avons dû payer de nos personnes, nous relayer aux deux volants, les chaouchs saoudiens étant peu versés dans la conduite, laissant ce soin aux iraniens, mais en profitant de leurs mains occupées pour les lutiner, ce qui ne fait pas avancer la caravane

 

Et entendre ces fiers guerriers de l'islam ( d'un côté et de l'autre, parti d'Ali ou de son oncle,tous sont guerriers, à la fois frères et ennemis) se réconcilier autour de pratiques momosessuelles qui, en toute logique devrait leur valoir une bonne défenestration, c'est éprouvant, surtout lorsqu'on a l'œil rivé au bord de la piste, histoire de pas rouler dans l'ornière
On progresse lentement vers le nord sans croiser grand monde, il vaut mieux d'ailleurs, puisque le quatquat des n'haigriers doit être assez connu dans le coin
Sinon on se demande comment les n'haigriers ont eu vent de notre arrivée sur les côtes de saouderie, possible que Simbad le crétin ait envoyé un SOS avant le naufrage
En tout cas, on s'est appliqué à passer le gelander au peigne fin, histoire d'éviter l'espionnage électronique par l'œil de Sauron
On a trouvé un géolocalisateur genre TomTom, le truc qu'on met sur les bécanes pour pouvoir les retrouver ( ou désactiver le démarrage) lorsqu'elles sont volées
Rien d'autre
Si!
Une quantité incroyable de revues pornos et du matos de stimulation sessuelle
Peut être que les esclaves étaient destinés à un usage particulier, peut être que parmi les n'haigriers il y avait des testeurs
On saura jamais, dommage ( avec kobus, chaque étape est l'occasion d'une découverte ethnoculturelle et anthropologique)

 

et bon, nous faisons notre petit bonhomme de chemin, plus rapide que les caravanes d'antan (25 à 30 km/j) mais pas à toutes blindes non plus
la blessure de Saladin tend à se fermer, les liens entre pédérastes persans et autres se renforcent, à en juger par les grognements et les à coups dans le pick up qui poussent parfois le véhicule vers les bas côtés de la piste
Jean Eudes reste pensif, fermé, hermétique à la discussion, on comprend qu'il s'interroge sur son passé
nos compagnes profitent du voyage, les pans du turban flottent au vent de la course, les chemisiers sont aussi remplis de courants d'air (mais pas que), en plus des courbes follement karpatiques qu'elles recèlent
les nuits sont chastes ou conjugales, c'est selon
le chat nous ramène parfois des lézards tout pantelants
ce serait quasiment un voyage entre bourgeois de gauche , friqués et non conventionnels, si ce n'était l'épée de Damoclès de la surveillance de l'oeil de Sauron
aussi adoptons nous un comportement banal, basique, comme des péguts moyens en semi villégiature dans le désert
arrêts cinq fois par jours pour une pseudo prière (on se met en rang d'oignon derrière les chaouchs saoudiens dont le plus moustachu, et pas le moins viril, conduit la prière, on incline le buste comme lui en se répétant entre les dents "mais qu'il est chiant ce con" au cinquième jour, Saladin allant mieux, participe avec nous, et fait sa pipelette, sur à peu près tous les sujets qui lui passent par la tête, sexe, argent, politique, fiscalité des succéssions comparées entre europe de l'ouest, amériques, péninsule arabique....on lui demande s'il n'est pas inconvenant de causer pendant les dévotions de ses hommes, il éclate de rire "je suis le chef de tribu, j'ai à peu près tous les droits, si je voulais, je me saisirai de l'un d'eux à l'issue de la prière pour souiller son anus, ça se passe comme ça ici")
on n'en demandait pas tant....

 

Espérons que le technicien aux commandes du drone qui ne doit pas manquer de nous observer, là haut dans le ciel sans nuages, soit satisfait et qu'il ne transmette pas d'information à notre sujet à sa hiérarchie
Il est vrai qu'après la destruction du pitroulier libérien, équipage philippin, armement maltais ( ou l'inverse, on s'y perd) le gus n'est plus en odeur de sainteté auprès de l'admiral de la nième flotte
Il est vrai aussi que l'admiral en question a dû fournir des explications
Évidemment, il est irréprochable sur le plan de la décision militaire, une vedette garde côtes de la marine iranienne, ça mérite d'être coulé
On est donc allé le chagriner sur autre chose
Sa passion équine,par exemple
Et là, même chez les protestoches, ça peut faire du dégât dans le plan de carrière
Le mec en est à faire ses cartons lorsqu'on vient lui signaler que deux quatquat, un pick-up et un humwee,se baladent dans le désert saoudien
Hé bien, c'est l'affaire des saoudiens, pas vrai ?
Pas vraiment,admiral, ils réclament assistance pour identifier les participants
Que l'on déroute le palantyr, le grand satellite qui permet de lire sur les lèvres et de dévisager les trognes même à travers les bâches des camions
Sitôt dit sitôt fait
Ça tombe pile au moment où Saladin parle de sexe anal avec Jean Eudes
Hé bien, c'est des préoccupations humaines, s'ils s'intéressent au cul, c'est pas des terroristes !
Qu'on cesse la surveillance et qu'on transmette aux saoudiens que ce sont des obsédés sexuels de base, comme vouzémoi, en tout cas, comme la majorité des sujets du royaume, moi je prends mon nouveau commandement ( on ne peut pas sanctionner un gradé à ce poste, on le mute), à l'évaluation des taille crayons

 

Ajoutez que ce sont des ku bénis ils font la prière,regardez les se renifler l'ognasse à heures fixes
Justement,admiral, n'est ce pas un faisceau d'arguments pour le terrorisme ?
Hé non, crétin, chez eux, la religion est tolérée, recommandée même
Mais Oussama, vous savez, Oussama ?
Je sais qui est Oussama,bon djieu de merde, je suis admiral, non votre volonté de faire de ces pépères en villégiature dans le désert des terroristes, je la sens pas, transmettez à Ryad qu'ils peuvent être rassurés et nous on abandonne la surveillance
Redirigeons le palantyr ailleurs
Au hasard en vronze, sur le fort de bregamachin, j'ai hâte de vérifier un contenu slibardier

 

Un contenu slibardier, admiral ? Il serait pas plus simple de regarder sur Facebook ? Toulmonde s'exhibe, de nos jours, une moule rasée, un piercing labial,voire même une fistioule anale, on ne peut même plus les dénombrer, c'est le miracle de la société transparente
Le contenu auquel je pense ne s'affiche pas sur les rezozozios, on pressent qu'il existe mais aucune preuve définitive, réalignement du palantyr donc, de toutes façons c'est une commande de mon pote Donald
Pendant ce temps, nos héros, leurs compagnes bien foutues, leurs accompagnants saoudiens et iraniens, ainsi que le chat arrivent en vue du wadi rum
Mais attassion, la frontière jordanosaoudienne n'est pas comme une frontière européenne, drones, gardes, chiens
Non y a pas de chiens
C'est Haram
Et qui leur donnera à manger ? Et que leur donnera -t-on à manger ? Des opposants politiques ? Tiens c'est une idée... faut croire que l'unité des services secrets saoudiens qui a découpé le journaliste kashoghi avait déjà ce projet en tête
Toujours est-il que nos amis sont devant la bordure comme une poule qui a trouvé un couteau
Leurs accompagnateurs iraniens aussi, toujours tripotés par les chaouchs saoudiens, le chat, lui, ne s'emmerde pas, en deux bonds il est au delà du grillage
Ça déclenche une sirène d'anthropologie, un douanier ventripotent sort d'une guitoune planquée quelque part dans les sables, et qu'on n'avait pas vue, en s'ajustant le ceinturon et en rajustant son keffieh
Il avise nos amis qui n'avaient pas eu le temps de se planquer et entame la converse avec eux
C'est Saladin qui fait le truchement
Il ressort de l'échange verbal qu'il est à vous le p'tit chat ? On en voit rarement par ici, en fait on voit rarement du monde, plutôt, on voit jamais personne, moi qui vous cause ça fait 6 mois que j'ai vu personne, je parle pas des customers, je cause des collègues, des douaniers, c'est ça... si je m'emmerde ici ?... à votre avis ?
Si j'ai envie de faire autre chose ?
Quel genre ?
Parce que j'ai épuisé les piles de mon transistor, donc plus de musique, les revues pornos sont inutilisables, trop froissées, j'ai une tendinite au poignet à force de manustrupation, bref je manque de compagnie
Si vous me proposez un voyage gratuit, avec le bel éphèbe que voilà ( il désigne du menton le plus vieux des chaouchs saoudiens, celui qui a la mostach' la plus virile) je suis votre homme, je vous suivrai jusqu'à Babylone

 

Un long regard entre le doganier ( forme cévenole du mot douanier), pas Rousseau mais un peu ventru, façon virilité paternaliste, et le chaouch supplétif saoudard à grosses mostach'
Le temps s'arrête
Le matelot iranien, répudié, écrase une larme
Pas un mot
Si
Le doganier rajoute,. mezzo voce "et si vous pouvez allonger une pincée de dirhams pour le bakchich usuel, ça serait bien"
On s'exécute, tu penses, le fric des esclavagistes nous brûle les doigts
Le doganier se rentre dans sa cahute,fourgonne un instant, ressort avec une pince, un sac en kilim, cisaille les barbelés, nous fait signe d'avancer les bagnoles, grimpe sur le marchepied du pick-up côté passager, embrasse à pleine bouche le supplétif saoudard moustachu et vogue la galère, cap sur la Jordanie

 

C'est vu (45)

Là où chantent les écrevisses d'Olivia Newman est tiré du roman à succès de la zoologue Delia Owens. Dans les années 60 en Caroline du Nord, une jeune femme abandonnée par sa famille survit (assez bien) dans les marécages. Elle est victime des préjugés des habitants de la petite ville voisine et se voit aussi accusée du meurtre du beau gosse riche du coin. Le début est plutôt loupé dès le générique avec ce héron hideusement numérisé qui survole piteusement les marais et la présentation bâclée de la famille. La suite s'améliore à la faveur de la beauté des lieux et de la grâce naturelle de l'héroïne même si on ne quitte pas le registre du joli livre d'images pas vraiment crédible. C'est dommage, j'aurais aimé y croire.