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24/01/2007

Univers oniriques

Comme promis à Profdisaster, voici le récit de quelques rêves, faits il y a plus ou moins longtemps, suffisamment marquants pour que je puisse les retranscrire assez fidèlement une fois réveillé : 

1. Je suis emprisonné pour une escroquerie. Une affaire peu claire où je ne suis ni vraiment coupable ni totalement innocent. Quelqu’un me fait visiter. Je redoute d’avoir des compagnons de cellules qui ne me conviennent pas. Mais je suis rassuré quand je constate qu’ils sont là pour des faits similaires aux miens et qu’ils n’ont pas l’air de voyous. De plus les murs sont couverts d’étagères pleines de livres. Mon guide continue à me présenter la prison : douche à telle heure, chaussures à cirer à telle autre…Je lui demande quand passe l’avocat car je compte bien sortir le plus tôt possible. Il me répond : « L’avocat, c’est le lundi après-midi. » 

2. Je suis policier à Dallas et je suis mêlé au complot qui vise à assassiner Kennedy. Le jour de l’attentat je dois retenir un policier qui par sa présence à un certain endroit risquerait de faire échouer l’attentat. Je marche vers ce policier en uniforme qui va monter dans sa voiture, dont il a déjà ouvert la portière, garée devant un haut grillage. Je lui parle pour gagner du temps et il m’écoute. Puis à sa place il y a un surfer avec short, chemise hawaïenne et une planche sur le toit. Soudain une gigantesque chouette blanche avec des yeux immenses tombe du ciel en tournoyant. Je dis : « Ce n’est pas possible, les harfangs ne vivent pas au Texas mais beaucoup plus au Nord. » Le ciel se couvre de nués d’oiseaux qui volent toutes de gauche à droite. Je continue : « Ils viennent de l’Ouest, quelque chose de grave doit les effrayer. » Bientôt le soleil s’assombrit et je suis plongé dans le noir. La voix d’une adolescente me dit : « Qu’est qui va se passer maintenant ? » Je lui réponds «  Rien, c’est fini. » Elle continue : « Oui, mais après ? » Je dis : « Tu n’as pas compris, c’est fini. Il n’y a rien après. » 

3. Je marche sur une colline enneigée quand tout à coup des petits animaux dont un écureuil et des lapins s’approchent de moi. Je me dis que s'ils sont si familiers c'est qu'ils sont atteints de la peste. Je les repousse du pied et me dis qu’il faut que j'aille prévenir les habitant du village qui vivent dans la vallée en contrebas. Une fois arrivé, je cherche le maire dans le village qui semble désert. Je le trouve enfin dans la mairie en train de célébrer un mariage avec tous les habitants. Je lui dis tout bas ce que je viens du danger qui les menace. Mais tout le monde entend et se met à courir dans tout les sens. Je lui conseille d’essayer d’empêcher les habitants de sortir du village pour éviter la contagion en faisant une sorte de cordon sanitaire, tout en me demandant si j’ai été contaminé. Et le maire ne semble pas vouloir entreprendre quoi que se soit et me répond l'air important : « Vous savez, les choses ne sont pas si simples. » 

4. Je suis au Royaume des morts mais je ne suis pas effrayé. Quelqu’un me fait visiter. Des personnes mortes formes de grandes files qui avancent de plus en plus rapidement en s’entrecroisant. Je n’en fait pas parti. Près d’un cours d’eau un jeune homme est assis l’air accablé. Quand mon guide lui demande la raison de sa tristesse il lui répond : « Les poissons ont pendu ma fiancée. » Pour le consoler je lui dis : « Puisqu’on est au Royaume des morts, si ta fiancée y est morte, c’est qu’elle est retournée chez les vivants. » Cela n’a pas l’effet escompté car il sanglote : « Mais moi j’étais bien ici avec elle. » 

5. Je rentre chez moi (enfin c’est sensé l’être car ça ne ressemble à rien de connu) et parmi plusieurs amis présents (ils n’ont pas vraiment d’identité) je vois Valérie S. une jeune fille que je n’ai pas vu depuis plus de 10 ans (à laquelle j’avoue ne presque jamais penser d’ailleurs). Nous tombons dans les bras l’un de l’autre (c’est pourtant pas mon habitude). On échange quelques mots mais je suis rapidement distrait par d’autres personnes (c’est goujat, et qui plus est c’est une très jolie fille, dans le rêve comme dans la réalité). Bref, je la néglige. Au moment où je veux retourner la voir, on me dit qu’elle est partie. Je prends ma voiture pour essayer de la rattraper et de m’excuser. Je roule dans une ville, Toulouse peut-être (ça serait logique puisque c’est là que je l’ai connue), et je finis par la retrouver, roulant à vélo dans la circulation à la hauteur d’une petite place pavée (qui n’existe pas réellement que je sache). Elle tourne dans une rue déserte et sombre, puis s‘arrête devant une entrée d’immeuble. Je m’approche d’elle à pied pour lui parler (ma voiture a disparu). Elle semble surprise. Suit le dialogue :

- Ah, c’est toi.

- Oui, tu habites ici ?

- Oui. Salut à le prochaine.

- Au revoir. À bientôt j’espère.

(C’est assez pitoyable, je suis d’accord). Elle rentre avec son vélo. Je reste dehors, elle m’a paru froide et même agacée que je la suive et que je sache où elle habite (mais pas parce que je l’ai précédemment délaissée).

Je me retrouve à mon tour à vélo pédalant sur un bord de mer. Mais mon vélo tombe  peu à peu en pièces et me voilà à la recherche d’un réparateur de bicyclette. J’en trouve un qui est en train de fermer boutique. Je tente tout de même, en me frayant un passage parmi les présentoirs en vrac. Le propriétaire remarque enfin ma présence et, tout sourire, s’excuse en me disant qu’il ne peut vraiment pas me recevoir mais qu’il y en a un autre un peu plus loin. Je ressors (je ne sais plus si j’ai encore mon vélo) et repars sur la route. Je me retrouve ensuite (je ne sais pas comment) dans un théâtre. Comme j’y arrive en retard je ne peut monter sur les gradins et je reste debout. Le responsable (dans la réalité c’est Monsieur T. le directeur de l’entreprise où je travaille) vient me voir et nous discutons, il me dis que la pièce (ou l’opéra, c’est pas net) a beaucoup de succès. Je ne distingue pas la scène et je constate que la salle est triangulaire avec les gradins sur un coté, orientés vers un angle mais que la scène est elle aussi sur un coté, le côté opposé au mien. Je fais alors remarquer (je ne sais pas à qui, peut-être à moi-même) que ce théâtre est vraiment mal conçu.  

6. Il y a un grand banquet, peut-être un mariage, qui se déroule dans un parc sous des arbres immenses. Il fait beau, une petite brise agite doucement les robes et fait bruisser le feuillage. Tout parait calme et invite à profiter du moment. Pourtant, je ne prends pas part à la fête. J’observe les personnes et je m’aperçois que certaines se disputent, d’autres boudent, d’autres encore pleurent. Je ne vois qu’eux. Mais l’atmosphère n’est pas pour autant désagréable ou triste, seulement je me dis que les choses sont toujours comme cela derrière la façade. Et je me suis réveillé avec une phrase en tête : « Et pendant ce temps, Martin s’ennuyait. » 

7. Une vague immense va submerger le pays (ou le monde). Je suis dans la maison de mon enfance avec un de mes frères. Je lui dis que ce serait bête de mourir dans un des embouteillage monstres qui se déroulent pour essayer d'accéder aux régions en altitude. Alors nous prenons chacun un transat et allons nous installer sur le toit de la maison pour voir arriver la vague. À l'horizon quelque chose de sombre arrive en grondant. Curieusement, bien qu'à ce moment je ressente avec précision l'inéluctabilité de la mort et la finitude de toutes choses je ne suis pas effrayé, seulement triste.

Mars et Clio

Pour voir les choses autrement :

THEATRUM BELLI

Histoire & polémiques

Nous ne sommes pas populaires pour rien

La Banque Populaire pour justifier semble-t-il son adjectif qualificatif lance un grand jeu Jacquou le Croquant, vous savez : cette histoire de gentils paysans et de méchants nobles. Certes, ces miséreux qui mettent le feu à l'ordre établi et menacent d'égorger les nantis, c'est mignon tout plein, tendance et très cinégénique, mais les décideurs de cette banque ne tenteraient-ils pas, surtout, de faire oublier encore un moment qu'aujourd'hui ce sont eux les représentant de l'ordre établi et les nantis ?

Le tour de France des monuments (choix absolument arbitraire) : France

Les orgues, ici et ici

20/01/2007

Coin de rue

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Edward Hopper

Nighthawks

Propagandastaffel

Il y quelques jours, je lisais en première page du journal 20 minutes (je cite de mémoire) : "Russie : Poutine durcit les lois raciales", je parcoure l'article et je découvre que le gouvernement russe veut établir un quota pour les vendeurs d'origine étrangère sur les marchés. Voici donc encore un bel exemple de manipulation journalistique ; en effet quoi qu'on puisse penser de ces quotas cela concerne les étrangers, c'est à dire les personnes non russes, la race n'a rien à voir là-dedans. Mais faire l'amalgame entre une loi protectionniste et une loi raciale donc raciste permet de discréditer toute velléité de contrôler la présence étrangère en Russie et par extension en France ou en Union Européenne car les lois raciales cela rappellent évidemment les heures les plus sombres de notre histoire, Vichy, le nazisme, le Shoah etc.

Les cercles

Marc ouvrit les yeux, les cligna plusieurs fois avant de réussir à les garder entrouverts.

- Tu t’en vas ?

Stéphanie finissait d’enfiler sa jupe.

- Ouais.

- Tu peux rester un peu ?

- Non, j’ai des trucs à faire.

Marc n’insista pas et la regarda finir de s’habiller .

- On se voit ce soir au Pandémonium ? finit-il par demander.

- J’sais pas. Je t’appellerai.

Elle ramassa son sac et se pencha pour l’embrasser.

- Bon, je file.

- Fais gaffe à pas réveiller ma mère, elle doit encore pioncer.

Elle sortit et referma doucement la porte.

Il resta allongé, nu dans son lit défait, à se demander s’il allait essayer de se rendormir ou bien écouter de la musique. Il opta pour la deuxième solution et tâtonna sur le sol à la recherche de ses écouteurs. Bientôt les premiers accords de " The God of thunder " hurlèrent à ses oreilles. Il ferma les yeux et se mis à battre la mesure du pied en fredonnant :

I was raised by a demon

Trained to reign as the one.

I am the lord of the wasteland

A modern day man of steel

I gather darkness to please me

And I command you to kneel

Before the God of thunder

The God of rock'n'roll

- Bonjour Marc.

Il sursauta et rouvrit les yeux. Devant lui se tenait un homme qu’il n’avait jamais vu. Il s’arracha les écouteurs des oreilles.

- Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faîtes là ?

- Qui suis-je ? Tu peux me considérer comme un ami de passage. Ce que je fais là ? Je suis persuadé que tu le devineras très bientôt. Disons pour l’instant que je suis venu t’apporter certaines lumières.

Marc se redressa et ramassa un drap pour se couvrir le bas ventre.

- Quoi ? Je comprends rien à votre histoire, mais la porte est derrière vous, OK !

L’inconnu secoua la tête, l’air de dire que ce n’était pas des façons de se comporter.

- Bon, écoutez ... Monsieur "qui que vous soyez", vous allez me dire maintenant ce que vous faîtes ici exactement.

- Allons, Marc, est-ce bien raisonnable de parler ainsi à un ami ? Je me suis déplacé expressément pour que nous fassions une petite promenade tous les deux et voilà comment tu m’accueilles. Cela n’est pas grave. Mais maintenant, tu devrais t’habiller…Si tu veux, je me retourne.

- Attendez, y’a un truc que je pige pas là… A moins que… Je rêve. C’est ça, hein ? J’ai trop fumé hier et y’a un truc qui déconne dans ma tête. Hein ? Je vais me réveiller et tu seras plus là.

- Marc, tu vas finir par me vexer à me parler comme cela. Mais j’ai remarqué que tu me tutoyais, ce qui prouve que nous sommes sur la bonne voie. Cependant, nous perdons du temps et je te prierais de bien vouloir te presser.

L’intonation de la voix de l’inconnu avait changé, si jusqu’à présent elle était chaleureuse, elle était soudain devenue plus froide voire comminatoire et Marc se sentait de plus en plus mal à l’aise. Son regard parcourut la chambre à la recherche d’un objet qui aurait pu servir d’arme. Il s’aperçut alors que la pièce était éclairée d’une étrange façon comme si les meubles, les objets, et les murs eux-mêmes diffusaient leurs propres lumières.

- J’attends.

- Qu’est-ce qui se passe ici ? se mit à geindre Marc.

- Bon, résumons la situation. Surtout, n’hésite pas à m’interrompre si je fais une erreur, mais j’en doute fort. Tu t’appelles Marc, tu vis chez ta mère et tu es censé faire des études de philosophie, bien qu’à la faculté ta place reste souvent vide. Pour vivre tu revends des objets acquis de manière illicite et certaines substances prohibées. Mais cela m’importe peu, venons en à ce qui m’intéresse. Avec quelques amis, dont la charmante Stéphanie, vous fréquentez le Pandémonium, un bar gothique. Donc…

- Vous êtes flic ! hurla Marc en pointant l’index vers l’inconnu, trop heureux d’avoir trouvé une explication à peu près vraisemblable.

- Pas le moins du monde. Donc, disais-je, puisque tu sembles expert en diablerie, je suis venu pour que tu puisses parfaire tes connaissances grâce à une petite promenade en enfer.

- Où ?

- En enfer.

Marc se demandait s’il ne devenait pas fou, tout simplement. Peut-être qu’après tout, les maladies mentales arrivaient comme cela. Un matin, on se levait et on voyait et on attendait des choses qui n’existaient pas, sans doute une sorte de schizophrénie. Il ferma les yeux, pria pour que tout redevienne normal et les rouvrit lentement. Malheureusement, rien n’avait changé ; l’inconnu était toujours là et tout ce qui l’entourait irradiait toujours une étrange lumière.

- Bon… il y a sûrement une explication logique à tout ça…avança-t-il, plus pour lui-même que pour son interlocuteur.

- Ne cherche pas à gagner du temps, cela ne te servira à rien.

- Non… non, enfin si…j’sais plus.

- Ne pense pas, habille toi et suis moi.

- Vous me dites qu’on va visiter…l’enfer. C’est bien ça ?

- N’exagérons rien, ce sera juste une balade.

Marc s’assit sur le lit prêt à obéir quand il eut une idée, c’était sa dernière chance.

- Vous ne seriez pas engagez par mes potes pour me faire une blague ?

En disant cela il espérait de tout son cœur voir ses amis hilares surgir dans la chambre en le traitant de trouillard. Mais la porte restait désespérément close.

- J’attends, fit l’inconnu.

Le cerveau de Marc refusait de fonctionner ou plutôt ses pensées partaient dans tous les sens, vainement. Il se sentait horriblement seul. Malgré la bizarrerie de la situation, il n’arrivait  pourtant pas à imaginer qu’il se trouvait devant un envoyé du Démon. Il finit par se dire qu’il devait peut-être affronter cet individu, qui qu’il puisse être, et ne pas rester dans son lit en position d’infériorité. Malheureusement, il n’avait pour toute protection que le drap dont il s’était ceint la taille. Il se leva et fit deux pas vers l’inconnu en essayant de paraître déterminé.

- J’irai nul part avec vous. Entrez-vous ça dans le crâne. Cette histoire a assez duré, alors vous...

L’inconnu le coupa.

- Maintenant Marc tu vas te taire et faire ce que je te demande. J’ai été suffisamment patient avec toi. Pourquoi t’obstines-tu à nier l’évidence ? Comment expliques-tu que je me sois introduit dans ta chambre sans que tu t’en aperçoives, que tu m’aies entendu malgré la musique qui braillait dans tes écouteurs, que tout, autour de toi, ai pris cet aspect qui doit te paraître pour le moins curieux, que ta mère ne nous ai pas entendus alors que tu ne fais aucun effort de discrétion en parlant.

Il avait malheureusement raison et pensant soudain à sa mère, Marc se risqua à demander :

- Vous ne lui avez rien fait  ?

- Ne t’inquiète pas, elle est dans la cuisine en train de te préparer un bon petit-déjeuner.

A la recherche d’une ultime échappatoire, il dut se rendre à l’évidence, il allait devoir suivre cet inconnu car tout affrontement physique lui paraissait exclu. Et c’est la gorge serrée qu’il finit par demander :

- Vous me ramènerez …après.

- Bien sûr, ne crains rien.

- Euh…si vous voulez bien vous retourner, j’en ai pas pour longtemps.

L’inconnu sourit et ferma les yeux. L’idée d’en profiter pour le frapper traversa l’esprit de Marc, mais il préféra obtempérer et s’habiller rapidement.

- C’est bon.

- J’aime beaucoup ton T-shirt.

Dans la précipitation, Marc avait enfilé les premiers vêtements à sa portée et il arborait un T-shirt noir orné d’un démon à tête de chèvre entouré d’un pentacle.

- Je peux en changer si vous voulez, dit-il stupidement.

- Ça ira très bien. Maintenant viens me donner la main.

- La main ?

- Oui, mets-toi près de moi et donne-moi ta main.

Gauchement, il se mit à sa droite et prit la main tendue. Il avait craint un instant un contact froid et visqueux, car il avait fini par croire à l’impensable ; que cet individu était le Diable ou un de ses envoyés. Mais sa peau était douce et tiède et il réalisa avec effroi, qu’une seconde, un frisson de bien-être lui avait parcouru le corps.

- Prêt ?

Marc n’eut que le temps d’acquiescer de la tête et tout ce qui les entourait se désagrégea sans bruit en une myriade de particules multicolores qui s’éparpillèrent en tous sens, les laissant dans les ténèbres. Le sol sembla se dérober sous ses pieds et il serra plus fort la main de son guide. Mais déjà les particules multicolores revenaient et s’aggloméraient pour constituer un nouveau décor qui n’était plus celui de sa chambre. Quand ses yeux se furent habitués à la pénombre ambiante, il finit par distinguer ce qui semblait être un squat sordide ; une pièce aux murs lépreux au sol jonché de boîtes de conserve et de canettes de bières vides, d’ustensiles de cuisine éparpillés, de linge roulé en boule, de journaux et de détritus indéfinissables. De la lumière filtrait à travers les volets de la fenêtre. Et au milieu de cette misère, deux corps étaient vautrés sur un vieux matelas taché et défoncé, leur dos appuyé contre le mur. Celui de gauche avait basculé sur le côté et râlait doucement, c’était une fille très jeune, un filet de sang coulait depuis la saignée de son bras blanc et maigre. A côté d’elle, un garçon guère plus âgé, un garrot autour du bras, se plantait consciencieusement une seringue dans la veine, malgré les tremblements qui l’agitaient. Il tira sur le piston et un peu de rouge vint teinter le liquide dans le cylindre puis il s’en injecta lentement le contenu et retira son garrot. Les yeux mi-clos, il dodelina de la tête, arborant un rictus stupide. Il finit par fermer les yeux et appuya sa tête contre le mur.

- Ce n’est pas bien beau, n’est-ce pas ?

Marc sursauta, il avait complètement oublié la présence de son compagnon, fasciné par le nauséeux spectacle, bien qu’il eut encore sa main dans la sienne.

- Alors, c’est ça ? C’est ça l’enfer ?

- Oui, c’est cela. Mais une parcelle seulement, une minuscule parcelle.

Pour ne pas paraître troublé, Marc ironisa :

- Je pensais voir des flammes, des âmes damnées et des démons autour.

- Mais la balade ne fait que commencer, mon ami.

Et se fut de nouveau l’explosion multicolore. Ils se retrouvèrent dans un salon, mais tout autour d’eux était chamboulé : tiroirs de commode vidés de leur contenu et jetés à terre, armoire ouverte, lampe renversée qui diffusait une lumière pâle, bibelots brisés, vaisselle et linges jonchant le sol. Un gémissement derrière la table basse attira de attention de Marc. En se penchant, il vit une femme âgée couchée sur le ventre, les mains liés dans le dos avec du ruban adhésif. Ses vêtements étaient déchirés et son visage était tuméfié et ensanglanté. De la pièce voisine arriva soudain un rouquin d’une vingtaine d’années en survêtement. Il était blême et marmonnait :

- Mais putain c’est pas vrai, il est où son fric ?

Il s’approcha de la femme et lui agita quelques billets sous le nez.

- T’en as d’autres, hein ? Dis, t’en as d’autres ?

Il lui asséna un violent coup de pied dans le ventre.

Elle gémit et murmura quelque chose.

- Quoi ?

Le garçon mit un genou à terre pour mieux entendre.

Il se releva furieux.

- Pitié ? Quoi pitié ? Rien a foutre de toi !

Il se mit à faire les cents pas dans la pièce, agité de tics nerveux.

- Faut qu’elle parle bordel ! Faut qu’elle parle ! J’ai pas fait tout ça pour rien ? C’est pas possible !

Il pleurnichait et reniflait. Puis il sembla se décider et sorti un couteau de sa poche. Il s’essuya le visage du revers de sa manche et s’accroupit près de la vieille femme. La lame jaillit dans sa main.

- Tu vas parler, salope, ça je te le garantis.

Marc détourna son regard.

- C’est dégueulasse, souffla-t-il à son compagnon.

- Peut-être, mais nous n’allons pas rentrer si tôt, Marc. Il faut continuer.

- Qu’est-ce que vous allez me montrer maintenant ? des p’tits Noirs qui crèvent la dalle ? des mecs en train de se faire torturer dans une prison turque ? C’est ça ?

- Je pourrais bien sûr, mais pourquoi aller si loin ? Ta ville est pleine de ressources.

Et le décor explosa à nouveau. Cette fois ils se retrouvèrent dans ce qui semblait être une chambre d’enfant éclairée par une veilleuse. Sur le papier peint, des petits lapins jouaient à saute-mouton, des ribambelles de peluches s’alignaient sur les meubles et des jouets débordaient de leur coffre. Tout était propre et ordonné. Dans le petit lit, il y avait une forme humaine sous la couette, mais de la taille d’un adulte. Il en provenait des murmures étouffés. Bientôt, la forme se mit à se tortiller et la couette glissa au sol découvrant le corps nu d’un homme de dos. Sous lui, à moitié cachée, il y avait une fillette nue elle aussi, les yeux grands ouverts. L’homme la bâillonnait d’une main et de l’autre lui caressait l’entrejambes.

Marc hurla :

- Mon Dieu, faut faire quelque chose !

- Malheureusement, je ne peux rien. Nous pouvons seulement partir.

- Oui, partons ! Tout de suite !

Il ferma les yeux et pria pour que tout s’arrête. Cette fois, il n’y eut que les ténèbres autour de lui et quand il ouvrit de nouveau les yeux, il était dans son lit. Il avait les écouteurs sur les oreilles, mais il n’y avait plus de musique. L’inconnu avait disparu et tout semblait redevenu normal. Un léger choc sur la porte le fit sursauter. Sa mère l’appelait sans oser rentrer :

- Marc, lève-toi, il est tard. Viens prendre ton petit-déjeuner.

Marc avala péniblement sa salive et réussit à articuler :

- Oui... j’arrive, maman.