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15/02/2007

Camarade

     Dans la caserne Lénine, à Barcelone, la veille de mon engagement dans les milices, je vis, debout devant la table des officiers, un milicien italien.

     C’était un homme de vingt-cinq ou vingt-six ans, de forte carrure, les cheveux d’un jaune roussâtre, l’air inflexible. Il portait sa casquette à visière de cuir farouchement inclinée sur l’oeil. Je le voyais de profil : le menton touchant la poitrine, les sourcils froncés comme devant un casse-tête, il contemplait la carte que l’un des officiers avait déplié sur la table. Quelque chose en ce visage m’émut profondément. C’était le visage de qui est capable de commettre un meurtre et de donner sa vie pour un ami, le genre de visage qu’on attend à voir à un anarchiste - encore que cet homme fut peut-être bien un communiste. Il reflétait, ce visage, la bonne foi en même temps que la férocité, et ce pathétique respect aussi que les illettrés vouent à ceux qui sont censés leur être supérieurs. On voyait aussitôt que ce milicien ne comprenait rien à la carte et qu’il en considérait la lecture comme un prodigieux tour de force intellectuel. Je ne sais trop pourquoi, mais j’ai rarement vu quelqu’un - j’entends, un homme - pour qui je me sois ainsi pris d’une sympathie instantanée. Au cours de la conversation, une quelconque remarque révéla incidemment mon identité d’étranger. L’Italien releva la tête et dit vivement :

« Italiano ?

En mon mauvais espagnol je répondis :

- No. Inglés. Y tú ?

- Italiano. »

     Lorsque nous fûmes sur le point de sortir, il vint à moi et me serra la main très fort. C’est étrange, l’affection que l’on peut ressentir pour un inconnu ! Ce fut comme si la fougue de nos coeurs nous avez momentanément permis de combler l’abîme d’une langue, d’une tradition différentes, et de nous rejoindre dans une parfaite intimité. J’ai plaisir à croire qu’il éprouva pour moi une sympathie aussi vraie que celle qu’il m’inspira. Mais je compris aussi que si je voulais conserver de lui ma première impression, il me fallait ne point le revoir ; et il va sans dire que je ne l’ai jamais revu.

 

Georges Orwell

Hommage à la Catalogne

Le tour de France des monuments (choix absolument arbitraire) : Sauret-Besserve (63)

Viaduc des Fades

13/02/2007

Je reviens...

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Barry Oretsky

Italian afternoon

5 – 2

Non, je n’ai pas été victime d’une attaque cardiaque ni d’un tueur en série entre la troisième et la quatrième note de ma « pagination » habituelle, mais mon PC m’a lâché : virus récalcitrant ou usure du matériel, je ne sais pas encore. Je rédige donc cette note clandestinement depuis mon lieu de travail (j’ai très honte). À très bientôt j’espère.

12/02/2007

Musique (23)

Alphaville

 

Forever young



 

De la sélection des taches en matière d'élitisme

Je l'avoue humblement, l’art contemporain, moi, ça m’épate. Jadis, aux temps du figuratif, de l’impressionnisme, du surréalisme… bref, aux périodes où il n’avait pas besoin d’expliquer son oeuvre, l’artiste sortait pour trouver un sujet à peindre ou à sculpter ou bien le faisait entrer dans son atelier. Maintenant, on gagne du temps, les taches, les lignes et autres bizarreries informes, le peintre ou le sculpteur les cherche dans sa tête, il faut avouer à sa décharge qu’il aurait du mal à les trouver ailleurs. Donc, il reste chez lui et cogite. C’est une sorte d’art autiste. Mais bon, il a parfois fait plein d’études et il sait.

Pourtant, il arrive qu'un doute m’effleure, et si tout ça n’était qu’une vaste fumisterie payée en grande partie par nos deniers voire une escroquerie planétaire aux frais du contribuable. Pour le savoir il suffirait de ne plus subventionner  l'art et laisser cela au mécénat privé. On verrait bien si la production serait la même qu’aujourd’hui. Et puis quelque part cela m’interpelle au niveau du portefeuille qu’une partie de mes impôts parte dans la poche de Machin qui empile des bouteilles vides ou de Truc qui peint des triangles de 12 mètres de côté. Bien sûr, le premier critique subventionné venu m'expliquerait sans aucun doute que « Machin détourne avec une rare hardiesse des artefacts usuels pour créer un nouvel univers modal et déstructure le quotidien post-moderne pour repositionner l’Humain à sa vrai place » et que « Truc par la monotonie et la verticalité des formes transcende la réalité spatiale pour obliger le spectateur à regarder son propre néant » et que de toute façon Machin et Truc sont exposés à Berlin, New York et Sydney…

Personnellement, je déféquerais volontiers sur leurs œuvres, mettrais le feu à leur atelier et enverrais ces vampires pointer à l’ANPE, où ils ne manqueront pas d'apprécier au passage la hardiesse du logo. Vous trouvez ça choquant et scatologique ? Alors j’explique : « Grâce à ma production intestinale spontanée, je créerais une confrontation violente et constructive entre la matière brute et l’œuvre pensée. Puis, par l’autodafé du lieu de production objectale de sa créativité, je repositionnerai l’artiste face à la précarité de son statut de démiurge. Enfin, en lui proposant de procéder à la complémentarité des files ondoyantes et croissantes de demandeurs d’emploi rémunérés, j’opposerai la réalité horizontale à la verticalité de l’illusion. » Et si j’osais j’ajouterais que « au cas où des vitupérations aux sonorités dissonantes sortaient de la cavité buccale du dit artiste l’obligation serait faite à l’État forcement fasciste et réactionnaire de déconstruire la perpendicularité de son appendice nasal et la rotondité de sa boîte crânienne à l’aide d’un objet saucissoïde en matière synthétique tenu avec professionnalisme et efficacité par la mâle dextre gantée de la gente policière. » Et là c'est tout de suite mieux, l'essentiel est de rester entre personnes de goût...

Le tour de France des monuments (choix absolument arbitraire) : Turenne (19)

 Le château