04/02/2009
Métropolis
Fred Mershimer
Portal
21:24 | Lien permanent | Commentaires (1)
Trahison de la mémoire
L’analyse psychologique du témoignage est, en philosophie, une des questions dont les conséquences sociales sont évidentes, mais dont les répercussions les plus lointaines nous semblent ignorées des spécialistes eux-mêmes. Serait-ce un paradoxe de prétendre que la destinée future de l’humanité dépendra dans une large mesure de notre science du témoignage et de notre habileté à l’interpréter pour en tirer avantage ? Si nous arrivons à le mieux connaître, nous pourrons le filtrer plus savamment afin d’en rejeter l’erreur et d’en garder toute la vérité. Chacun sait qu’il est impossible au témoin de relater ce qu’il a fait et vu en restant strictement objectif. Il est homme et il est artiste, plus ou moins ; la fidélité mécanique du cinématographe lui est donc interdite. En outre, à la guerre le témoin est soumis à des émotions d’une force exceptionnelle au moment même où se passent les faits les plus intéressants à noter et plus tard à raconter. Parfois le témoin se fie à sa mémoire pour préserver les faits et ne prend la plume que plusieurs mois ou plusieurs années après les événements. Or les infirmités de la mémoire ont été le sujet d’expériences concluantes; elles sont bien connues des psychologues. Le témoin oublie, mais s’il se contentait de perdre la trace des faits il n’y aurait que demi-mal. En réalité sa mémoire le dupe : elle recrée à mesure ce qu’efface l’oubli et cette création n’est jamais conforme à la réalité primitive. Elle est inspirée par des notions longuement entretenues dans l’esprit, en l’espèce par l’image traditionnelle et légendaire de la guerre. Cela explique comment ce témoin pourra raconter, en toute bonne foi, qu’il a vu et accompli des choses conformes à la guerre selon les livres, mais en contradiction avec son expérience de combattant. D’autres fois le témoin a un carnet où il inscrit jour par jour, et même plusieurs fois par jour, ce qu’il vient de voir, de faire, de sentir. Lorsqu’il rédigera plus tard, ses notes lui fourniront assez de points de repère pour empêcher toute erreur majeure, toute déformation d’ensemble. On comprend pourquoi la critique de Témoins insiste sur la valeur documentaire de la déposition des poilus à carnets; cette valeur s’impose d’ailleurs avant même qu’on ne se rende compte du moyen qui a permis de préserver la spontanéité des impressions.
Jean Norton Cru
Du témoignage
19:45 | Lien permanent | Commentaires (4)
Télérama
Le magazine culturel pour bobos nous sert une première page humoristique et engagée :
Personnellement, je n'ai curieusement pas encore ressenti ce trop de sécurité dont il est question.
18:30 | Lien permanent | Commentaires (2)
03/02/2009
''Sous les pavés, la plage''
Les étudiants gauchistes de mai 68 n'ont pas réellement inventé la formule, ils se sont inspirés du travail quelque peu empirique réalisé par leurs mentors près d'un quart de siècle auparavant :

Berlin 1945
22:35 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le tour de France du patrimoine (choix absolument arbitraire) : Montjoyer (26)
22:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
Oubliée

Oriana Kacicek
Blue ornament II
21:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Déboulonnage (3)
Sous le voile de Benazir
Les bondieuseries coulent à flot : Benazir Bhutto est canonisée, sainte laïque de la démocratie. L’ennui, c’est que l’image ne correspond en rien à la réalité. Recadrons un peu l’image pieuse.
Benazir Bhutto était l’héritière d’une dynastie de grands propriétaires fonciers du Sind, l’une des quatre provinces constituantes du Pakistan. Comme les autres latifondiaires, les Bhutto, immensément riches, sont virtuellement propriétaires des villages et des villageois, qu’ils traitent depuis toujours comme des serfs. On n’éduque pas, on taxe. On n’alphabétise pas, on rançonne. Mais le père de Benazir, Zulfikar Ali Bhutto, s’était déclaré « socialiste », étiquette qui recouvrait un populisme creux et corrompu, enrobé d’un charme indéniable. Pour lui, comme pour la quasi-totalité de la classe politique pakistanaise, le pouvoir était avant tout un moyen de s’enrichir démesurément en pillant l’Etat et la nation. Voleur de grande envergure, il ne se différenciait en rien des autres, sinon par le label. Il était aux affaires, quand l’Armée pakistanaise se livra à l’un des plus abominables massacres de l’histoire de l’après-guerre : les Bengalais (musulmans) du Pakistan oriental, ayant osé déclarer leur indépendance, la soldatesque pendjabi (musulmane) du Pakistan (alors « occidental ») massacra sans retenue, jusqu’à ce que l’Armée indienne inflige à ces soudards une raclée mémorable et méritée.
Ali Bhutto plaça le Pakistan sous la houlette de l’Arabe saoudite. C’est lui qui lança, à l’époque contemporaine, la nouvelle vague de l’islamisation du pays, jusqu’à lors en équilibre relatif entre Islam et sécularisme. C’est lui qui fit de la Charia la loi du pays – « socialisme islamique », n’est-ce pas ? Lorsqu’il tomba sur plus islamiste que lui, avec le général Zia ul-Haq, il le paya de sa vie : le partage des dépouilles n’est pas le fort des dirigeants pakistanais, civils ou militaires. Bhutto fut ignoblement pendu par l’ignoble Zia, lequel, aux dires d’un général indien, « aurait volontiers importé du sable d’Arabe saoudite pour que le Pakistan ressemble plus à l’Arabie ». Le martyr pendu acquit dans la mort un lustre que ses actes ne méritaient guère. C’est lui qui avait mis en route la « bombe islamique », qui rend le Pakistan d’aujourd’hui si dangereux. Sur financement saoudien, une fois encore, le Pakistan miséreux dépensa sans compter pour se doter d’armes nucléaires et de missiles balistiques. Le bilan était accablant.
Benazir prisonnière fut vilainement traitée par Zia, lequel fit du Coran une puissance constitutionnelle et du djihad une doctrine officielle. N’était-il pas conseillé par Abou Ala Maudoudi, l’un des principaux théoriciens du djihad au XXème siècle, lequel se prenait pour le Mahdi ? Après la mort de Zia, Benazir reprit la franchise développée par son père : le Pakistan People’s Party (PPP) et s’en servit pour prendre le pouvoir. Premier ministre, elle accéléra la nucléarisation militaire ; elle ne fit rien, mais rien de rien, pour améliorer le sort des Pakistanais, pour améliorer le statut de la femme, pour améliorer la déplorable situation de l’enseignement, pour aider l’économie à prospérer. Elle continua la politique de haut vol de son père, avec corruption et vénalité en toile de fond. Elle continua également à exploiter la ferveur des miséreux, qui projetaient en elle tous leurs espoirs, comme il l’avaient fait pour son père : masse de manœuvre crédule, masse de mobilisation, jouets asservis aux ambitions des puissants, pions qu’ils poussent sur l’échiquier du pouvoir.
C’est quand elle était premier ministre que les services de renseignement de l’Armée pakistanaise, l’Inter-Service Intelligence (ISI) créèrent de toutes pièces les Talibans d’Afghanistan : le Pakistan considère qu’il doit dominer le voisin afghan afin de se donner, face à l’Inde, une « profondeur stratégique ». L’idée est invraisemblablement stupide, mais elle va de pair avec l’orchestration par les militaires et les barbouzes pakistanais du plus vieux djihad existant sur terre : la guerre menée depuis 1948 contre l’Inde au Cachemire. Périsse la nation pourvu que le djihad triomphe !
Renversée – l’Armée pakistanaise renverse périodiquement les premiers ministres élus, avant de rentrer dans ses casernes – Benazir s’exila. Elle donna alors toute la mesure de son habileté : elle savait parler aux media et aux politiciens occidentaux dans leur langue, leur servir les plats qui leur plaisaient, leur dire les mots qui plaisent dans une langage familier. Ah ! A Londres et à New York, comme elle était féministe, démocrate, pro-occidentale et moderniste ! Elle utilisait à ravir sa beauté, son charme et sa culture oxfordienne pour présenter une image qu’adoptèrent d’enthousiasme les media : cette courageuse et charismatique musulmane réformatrice était une tête de pont de l’Occident. Ce n’était pas vrai, mais l’image resta. Elle y croyait sans doute quelque peu elle-même. L’image était factice, mais remplaça la véritable Benazir Bhutto aux actualités, et même dans les calculs des diplomates. On prenait l’ombre aguichante pour la substance, et les momeries qui coulent aujourd'hui à flots dans les notices nécrologiques, pour argent comptant.
Présidente à vie du PPP, Benazir n’était pas démocrate, mais l’une des rapaces qui se déchirent le pouvoir et ses richesses au Pakistan. Certes, elle avait émis, ces temps derniers, de fortes condamnations des djihadistes et des islamistes extrémistes, lesquels le lui rendaient bien. Cela faisait partie du spiel du pouvoir. Aurait-elle joint le geste à la parole ? L’itinéraire clos par son assassinat n’est pas encourageant.
L’assassinat de Benazir Bhutto devrait nous permettre de mieux mesurer le troublant décalage qui sépare l’image donnée de la réalité par le tapis de media internationaux de la réalité elle-même. L’image séduisante et fausse de Benazir, à laquelle s’étaient attachés beaucoup d’Occidentaux, permettait d’imaginer des semblants, ou des faux-semblants de solutions pour le Pakistan. Malheureusement, ce que cachait l’image est bien pire : le pays est si gangrené, qu’aucune solution n’est facile, ou à portée de la main. On ne peut y faire la politique du pire : il faut se résigner à la politique du moins pire.
Reste, au Pakistan, un général au pouvoir, qui fait à la fois partie du problème et de la solution ; un président qui ménage chèvre et chou, et un pays fragmenté et lézardé. Reste la participation active d’une partie de l’Armée pakistanaise, de l’ISI, en particulier, avec les Talibans et les islamistes des zones tribales. Il serait absurde de pousser le général Musharraf au départ, comme on poussa le Chah d’Iran au départ en 1978-79 ; le monarque-dictateur iranien était un sale type, mais ce qui le remplaça est mille fois pire, comme dans l’histoire de Lénine et des tsars. Il est improbable qu’il parvienne à redresser la situation. Coincés entre Charybde et Scylla, nous subissons les effets en retour d’erreurs anciennes et de politiques révolues. La politique américaine envers le Pakistan est depuis trop longtemps affermée à l’Arabie saoudite et soumise, par éclipses, à un impératif apolitique, mais mielleusement satisfaisant, de « droits de l’homme ». On ne peut confier à des images factices le soin de composer une politique. On voulait « démocratiser » le Pakistan ? On a maintenant un champ de flamme, et un incendie à éteindre.
Pour parler familièrement, nous sommes, Pakistanais et Occidentaux, dans la mouise. Un premier pas serait de cesser de faire confiance aux masques et de croire aux simulations.
Laurent Murawiec in Metula News Agency
19:19 | Lien permanent | Commentaires (2)