11/10/2025
Pépiements (439)
Sociologiquement parlant, les classes sociales woke possèdent la spécificité paradoxale d’être à la fois extraordinairement privilégiées et tragiquement défavorisées. Privilégiées d’un point de vue matériel d’abord, parmi les plus aisées de leur époque, au sein du siècle le plus confortable de tous les temps. Ces jeunes sont habitués à voir des plats préparés de n’importe quel pays arriver à leur porte en un quart d’heure. La musique ainsi que les films du monde entier résident constamment à deux clics de distance. Ils ne connaîtront pas la faim. Mais l’homme ne vit pas que de pain. Les générations précédentes peuvent s’en vouloir de leur avoir laissé un monde aussi déstructuré, et donc déstructurant d’un point de vue psychologique. Tel est le profond handicap de cette jeunesse. L’explosion du nombre de divorces (et ainsi l’effondrement de la famille), la domination du numérique (et ainsi la baisse du niveau de concentration), la chute de l’enseignement de l’histoire et de la géographie (et ainsi l’incapacité à se repérer dans le temps et dans l’espace), le règne des flux en tout genre (et ainsi une instabilité permanente) entraînent une crise du sens sans précédent. La question “que faire de ma vie ?” devient pour ces jeunes plus écrasante que jamais, même lorsqu’ils essaient désespérément de la noyer dans plus de confort ou plus de bruit. Matériellement gâtés, mais spirituellement sevrés, ils sortent parfois de leur cage dorée pour chercher une cause qui permettrait de donner du sens au chaos qui les entoure. Le contraste entre leur “cocon” et le monde externe se révèle alors frappant. Le premier contact avec la lumière n’est pas une partie de plaisir. Très vite, un consensus se dégage sur la bonne mentalité à adopter pour ambitionner une forme d’estime de soi tout en se donnant un rôle à jouer dans cet univers impitoyable : “Moi, je pense que je suis bon, car moi, je sais que le monde est mauvais et que je suis contre ce monde.” Cette posture dissidente possède de nombreux avantages. Elle permet de se déresponsabiliser de ses échecs, en les mettant sur le compte de la société, mais également de se mettre à distance de cette dernière, du “système” – entité floue et maléfique, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes -, tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. Ce faisant, ces jeunes peuvent se respecter moralement, et à relativement peu de frais. Qui pourrait leur en vouloir ? À défaut de projet de société, ils font de la “déconstruction” de cette dernière leur projet. Comprendre la révolution woke (2023) de Pierre Valentin |
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