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09/12/2019

Retombées

"La Révolution a mis en circulation des idées et des valeurs qui ont fasciné l'Europe puis le monde, et qui procurèrent à la France, pendant plus d'un siècle, un prestige et un rayonnement exceptionnels. On peut toutefois se demander si les catastrophes qui se sont abattues sur l'Occident n'ont pas aussi là leur origine.

En quel sens ?

Parce qu'on a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu'elle est faite d'habitudes, d'usages, et qu'en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l'état d'atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu'un contenu concret : elle est faite d'équilibres entre des petites appartenances, des menues solidarités : ce contre quoi les idées théoriques qu'on proclame rationnelles s'acharnent; quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne leur reste plus qu'à s'entre-détruire. Nous observons aujourd'hui le résultat."

Claude Lévi-Strauss

De près et de loin [conversation avec Didier Eribon] (1988)

 

Commentaires

L'abstraction est un poison, je l'avais bien dit, mais mes profs de maths ne m'ont pas écouté...

Écrit par : La Bleue | 15/12/2019

Ils le ne peuvent pas ;-)

Écrit par : Pharamond | 15/12/2019

Dans *Le jardin d'Epicure*, le petit dialogue entre Ariste et Polyphile traite du langage métaphysique et de l'abstraction. Voici l'édifiante fin du texte :
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Je sais bien que Hegel a dit que le concret était l’abstrait et que l’abstrait était le concret. Mais aussi cet homme pensif a mis votre science à l’envers. Vous conviendrez, Ariste, ne fût-ce que pour rester dans les règles du jeu, que l’abstrait est opposé au concret. Or, le mot concret ne peut être le signe de l’idée abstraite. Il n’en saurait être que le symbole, et, pour mieux dire, l’allégorie. Le signe marque l’objet et le rappelle. Il n’a pas de valeur propre. Le symbole tient lieu de l’objet. Il ne le montre pas, il le représente. Il ne le rappelle pas, il l’imite. Il est une figure. Il a par lui-même une réalité et une signification. Aussi étais-je dans la vérité en recherchant les sens contenus dans les mots âme, Dieu, absolu, qui sont des symboles et non pas des signes.

«L'âme possède Dieu dans la mesure où elle participe de l’absolu.»

Qu’est-ce que cela, sinon un assemblage de petits symboles qu’on a beaucoup effacés, j’en conviens, qui ont perdu leur brillant et leur pittoresque, mais qui demeurent encore des symboles par force de nature ? L’image y est réduite au schéma. Mais le schéma c’est l’image encore. Et j’ai pu, sans infidélité, substituer celle-ci à l’autre. C’est ainsi que j’ai obtenu :

«Le souffle est assis sur celui qui brille au boisseau du don qu’il reçoit en ce qui est tout délié (ou subtil)», d’où nous tirons sans peine : «Celui dont le souffle est un signe de vie, l’homme, prendra place (sans doute après que le souffle sera exhalé) dans le feu divin, source et foyer de la vie, et cette place lui sera mesurée sur la vertu qui lui a été donnée (par les démons, j’imagine) d’étendre ce souffle chaud, cette petite âme invisible, à travers l’espace libre (le bleu du ciel, probablement).»

Et remarquez que cela vous a l’air d’un fragment d’hymne védique, que cela sent la vieille mythologie orientale. Je ne réponds pas d’avoir rétabli ce mythe primitif dans toute la rigueur des lois qui régissent le langage. Peu importe. Il suffit qu’on voie que nous avons trouvé des symboles et un mythe dans une phrase qui était essentiellement symbolique et mythique, puisqu’elle était métaphysique. Je crois vous l’avoir assez fait sentir, Ariste : toute expression d’une idée abstraite ne saurait être qu’une allégorie. Par un sort bizarre, ces métaphysiciens, qui croient échapper au monde des apparences, sont contraints de vivre perpétuellement dans l’allégorie. Poètes tristes, ils décolorent les fables antiques, et ils ne sont que des assembleurs de fables. Ils font de la mythologie blanche.

ARISTE.

Adieu, cher Polyphile. Je sors non persuadé. Si vous aviez raisonné dans les règles, il m’aurait été facile de réfuter vos arguments.
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J'avais déjà évoqué ce texte ici :
http://guerrecivileetyaourtallege3.hautetfort.com/archive/2018/11/27/fun-6108714.html
C'est ce qu'on appelle philosopher à coups de marteau en tapant de manière répétitive sur le même clou. ;-)

Écrit par : Blumroch | 15/12/2019

Les commentaires sont fermés.