25/08/2025
Pépiements (410)
L’effet de Flynn du nom de son concepteur, a prévalu jusque dans les année 1960. Son principe est que le Quotient Intellectuel (QI) moyen ne cesse d’augmenter dans la population. Or depuis les années 1980, les chercheurs en sciences cognitives semblent partager le constat d’une inversion de l’effet Flynn, et d’une baisse du QI moyen. La thèse est encore discutée et de nombreuses études sont en cours depuis près de quarante ans sans parvenir à apaiser le débat. Il semble bien que le niveau d’intelligence mesuré par les tests de QI diminue dans les pays les plus développés, et qu’une multitude de facteurs puissent en être la cause. A cette baisse même contestée du niveau moyen d’intelligence s’ajoute l’appauvrissement du langage. Les études sont nombreuses qui démontrent le rétrécissement du champ lexical et un appauvrissement de la langue. Il ne s’agit pas seulement de la diminution du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités de la langue qui permettent d’élaborer et de formuler une pensée complexe. La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien. Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions. Sans mots pour construire un raisonnement la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe. L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants. Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses « défauts », abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté. Christophe Clavé |
Source : Témoignagefiscal
16:42 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
C'est apparemment un article de 2020...
Il semble que l'alerte et les conseils de M. Clavé soient restés lettre morte.
Puisse votre article leur redonner un peu de vigueur et d'actualité.
Ca presse...
Écrit par : bedeau | 25/08/2025
D’accord.En ce qui concerne le langage tout ça on le savait déjà. C’est une évidence. Quoique je me demande quel était la richesse de vocabulaire des prolos et des paysans d’avant 1950.
Ce qui est moins une évidence pour beaucoup est le rapport entre immigration africaine et baisse du QI. Puisque les résultats aux tests de QI sont plus faible en moyenne dans les pays africains. En queue de peloton les Bushmen d’Afrique australe. En tête les pays d’Asie du Sud-Est comme Hong-Kong.
Écrit par : brindamour | 26/08/2025
bedeau > Je crains qu'il ne soit bien trop tard pour un sursaut quelconque.
brindamour > Mais les prolos et des paysans d’avant 1950 se complaisaient rarement dans leur médiocrité comme nos contemporains épanouis dans leur bêtise crasse.
Écrit par : Pharamond | 26/08/2025
Une petite remarque sur le texte de Clavé, je cite : « Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? »
Certes mon « QI » n’est peut-être pas très élevé [1], mais pour ma part, je m’efforce d’envisager « l’avenir » au « conditionnel », voire au subjonctif (mais je maîtrise ce dernier « machin » fort mal, surtout au « passé » qui n’est jamais simple non plus dans tous les sens du terme).
[1] : Pour tout vous dire, je ne comprends pas ce qu’est ce QI ni à quoi ça peut bien servir. Je suis trop humain sans doute.
Écrit par : GjG | 26/08/2025
Je crois me souvenir d'une académie ayant osé proposer, il y a une petite cinquantaine d'années, ce sujet à l'épreuve de philo : "Peut-on penser sans les mots ?".
De nombreux réacs ont alerté dès les années 70 ou 80, sans le moindre résultat.
Occasion de rappeler à d'éventuels mais improbables curieux *Universe 25*, la fameuse expérience de John Calhoun, un peu plus instructive que les délires de Skinner sur les souris. Attention : de nombreux articles qui en rendent compte *gauchissent* les résultats.
Écrit par : br | 26/08/2025
GjG > Je dirai sans trop prendre de risques que tous les temps et tous les modes sont utiles pour essayer de penser.
br > Les animaux ne se nourrissent pas que de nourriture.
Une autre expérience avec les rats :
http://guerrecivileetyaourtallege3.hautetfort.com/archive/2016/06/05/le-rat-est-un-homme-ordinaire-5811303.html
Écrit par : Pharamond | 26/08/2025
On oublie trop souvent la disparition des langues vernaculaires, derrière l'appauvrissement de la langue.
Une civilisation brille d'autant que des esprits jonglent entre différentes langues.
La renaissance chrétienne de l'An Mil, disons (jonction entre règle cistercienne et empire carolingien), voyait le latin invitant à se rencontrer le produit des pensées des langues disons nationales et patois.
La Renaissance, et jusqu'au XIXe siècle, verra les langues vraiment devenues nationales continuer à converser avec les langues devenues régionales et toujours les patois.
Depuis la boucherie des tranchées : une langue. A peine veux-t-on nous faire croire que nous apprenons une LV1 (l'anglais devenu globish, langue déjà très simple malgré son nombre énorme d'exceptions) et une LV2, que tout le monde oublie encore plus vite que les heures de cours à les étudier.
Les Juifs érudits jonglaient avec l'hébreu en plus. Les popus de l'est avec le yiddish.
L'âge d'or musulman concorde avec l'arabe faisant le lien avec toutes les langues des terres conquises, avant de s'assombrir quand l'arabe remplace les langues locales.
La Chine et l'Inde ont leurs bêtes de mathématiques actuels avec leurs citoyens parlant quotidiennement a minima deux langues.
Les exogènes d'Europe démontrent de plus en plus des capacités d'adaptation supérieure face aux indigènes sclérosés dans leurs langues uniques.
Les gamins ou marchands des lieux touristiques connaissant une vingtaine de phrases dans une dizaine de langues sont ceux qui s'en sortent le mieux chez les miséreux.
Alors cela n'explique pas tout. Si les études démontrent que les élèves des écoles basques sont meilleurs en mathématiques que les autres, c'est sans doute aussi parce que leurs parents font montre d'une investissement dans l'éducation pour leurs enfants supérieurs à la moyenne.
Mais tout de même.
Et puis les polyglottes sont aussi ceux ayant une maîtrise des plus riches dans chaque langue.
S'arrêter à l'appauvrissement de "la" langue est déjà se fourvoyer sur le potentiel du langage. Et démontre déjà une barrière intellectuelle, sans doute dressé par des codes et privilèges sociaux qu'on souhaite garder pour soi, plutôt équivoque.
Écrit par : An | 29/08/2025
@brindamour
Le paysan avait une impressionnante capacité à reconnaître et à nommer les plantes, les animaux, les minéraux. À donner des noms aix vents ou aux pluies selon leurs directions et les saisons. Aux couleurs selon la luminosité. Et tout cela pouvant se baser sur un système très poétique.
Le prolo héritera de ça tout en s'enrichissant d'un vocabulaire technique.
C'est quand le vieux fond paysan a disparu du prolo que celui-ci a définitivement fini abruti et mûr pour devenir un consommateur.
Et comme écrit dans mon commentaire précédent, ils devaient souvent jongler entre langues vernaculaires et la langue véhiculaire, entre le patois du village et sa version un peu differente du village de l'autre côté de la vallée, plus des jargons professionnels.
Écrit par : An | 29/08/2025
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