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25/04/2024

Les structures d'aveuglement

À propos du film documentaire américain de Peter Davis Le Cœur et l'Esprit sortie en 1974 traitant de la guerre du Viêt Nam.

Hearts and Minds discerne, en particulier, trois de ces protocoles, que nous pourrions nommer des « structures d'aveuglement », et qui ont pour fonction d'occulter, de masquer, de disséminer le sens profond d'un acte sous un fatras de significations secondes purement formelles. Ainsi, par exemple, Peter Davis montre comment, par la multiplication des relais technologiques entre un soldat et sa victime, l'armée parvient à noyer la dimension politique d'un crime de guerre.

Un pilote de bombardier américain, le regard serein, déclare : « Quand on vole à 800 kilomètres/heure, on n'a le temps de penser à rien d'autre. On ne voyait jamais les gens. On n'entendait même pas les explosions. Jamais de sang, ni de cris. C'était propre; on est un spécialiste. J'étais un technicien. » Ainsi, la conscience du pilote, piégée par le mythe de la performance technique, néglige de considérer les conséquences de son geste, d'assumer la responsabilité de son action.

Une deuxième structure apparaît en quelque sorte comme le complément de celle-ci : elle consiste à transformer toute participation, dans un domaine quelconque, en une compétition obstinée où il importe surtout d'aller à l'extrême bout de ses forces dans le but exclusif de gagner. L'objectif final efface ici toute considération sur les étapes intermédiaires. Peter Davis, en montage alterné, compare l'attitude des militaires au Vietnam avec celle des joueurs de football américain. Dans les deux cas, tous les coups sont permis afin de remporter la victoire, même si on ignore les raisons du combat. Interrogés en plein baroud dans la jungle vietnamienne, des soldats avouent ne pas savoir pour quoi ils se battent. L'un d'eux est même persuadé que c'est pour aider les Nord-Vietnamiens ! Un officier résume : « Une longue guerre, difficile à comprendre mais nous y sommes allés pour gagner. » La banalité de l'objectif camoufle la complexité de l'enjeu.

Le troisième élément de déculpabilisation, qui imprègne d'ailleurs les deux premiers, est cette sorte de psychologie des peuples permettant d'épingler mécaniquement, aux habitants d'un pays, un chapelet de comportements types, d'atavismes, et de tares, ce qui constitue la base prétendument scientifique du racisme le plus élémentaire. Un officier américain, de retour de la guerre, raconte aux enfants d'une école ses impressions sur l'Indochine : « Les Vietnamiens, dit-il, sont très retardataires, très primitifs; ils salissent tout. Sans eux, le Vietnam serait un beau pays. » On y perçoit fort clairement le regret d'une solution radicale (« no people, no problem ») du genre « solution indienne » que le général Westmoreland a dû être tenté d'appliquer, sans graves remords, car, déclare-t-il, «les Orientaux attachent moins de prix à la vie que les Occidentaux »

Source : Propagandes Silencieuses (2000) d'Ignacio Ramonet

Commentaires

Dans « soldat », il y a le mot « solde » qui constitue 80% (voire 99%) des motivations ; la « cause » fera le reste par bourrage de crâne avant, pendant et après. Les politiciens et leurs historiens adapteront selon le "vae victis" à la mode et on passera à la guerre suivante...
Sachant que de nos jours les baïonnettes ne sont plus stupides ou intelligentes, mais bureaucratiques, technologiques et économiques.

Écrit par : Martin-Lothar | 25/04/2024

Utilité de l'informatisation imposée par force mensonges pour priver bientôt à distance, hypocritement, technocratiquement, algorithmiquement -- donc de manière faussement objective -- les méchants de l'eau et du feu. On y vient *très* vite, et comme le disait un méprisable nabot, "personne, je dis bien personne, ne pourra s'y opposer".

Dans ses *Memoirs of a Professional Cad*, George Sanders raconte qu'il aimerait bien le Japon à une seule condition, mineure : que le pays soit débarrassé de tous ses habitants. Ce propos lui a valu, et lui vaut encore, l'animosité de bien des lecteurs :
https://cannonballread.com/2022/01/memoirs-of-a-professional-cad-gentlerain/
Suffit d'avoir des opinions un peu originales et un peu tranchées pour être considéré comme un ennemi du genre humain.

Écrit par : BR | 25/04/2024

Bernanos : Torchez-vous une dernière fois les yeux, et revenons si vous le voulez bien à l’aviateur bombardier. Je disais donc que le brave type qui vient de réduire en cendres une
ville endormie se sent parfaitement le droit de présider le repas de famille, entre sa femme et ses enfants, comme un ouvrier tranquille sa journée faite.

https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf5/bernanos_france_contre_robots-a5.pdf

Écrit par : NICOLAS BONNAL | 25/04/2024

Martin-Lothar > Personnellement, je n'ai rien contre les militaires, ils sont comme les forces de l'ordre : de simples outils. La question est de la manière dont le pouvoir s'en sert et cela varie selon la nature dudit pouvoir.

BR > Ce qui a changé c'est que dans une société aseptisée et non-violente on doit recourir à maints subterfuges pour faire accepter que la guerre c'est sale et cruel.

NICOLAS BONNAL > Mes yeux sont propres. Aussi longtemps qu'il restera des êtres humain il y aura des guerres, seulement notre société ne l'accepte plus comme telle et recoure aux mensonges pour faire admettre qu'une société prétendument aimable puisse faire la guerre. Pour ce faire l'ennemi doit être déshumanisé et le soldat recourir à des intermédiaires techniques pour accepter de tuer.

Écrit par : Pharamond | 26/04/2024

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