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Comme son nom l'indique il s'agit de deux images qui doivent vous permettre par analogie de deviner l'identité d'une personnalité vivante ou défunte. Cette énigme nous est aimablement proposée par Blumroch.
Nous avons un recueil de nouvelles fantastiques "historiques" de Kipling et un numéro de "L'Illustration" avec la réception à l'Académie française de Philippe Pétain le 22 janvier 1931 par Paul Valéry. Ensuite je sèche.
Complètement HS, mais puisque nous sommes l'année du centenaire, allons-y:
Ezra Pound.
Sur la couverture du livre de Kipling, il y a un avis de T.S. Eliot, proche de Pound, et lui même-adhérent de la BUF.
La deuxième image m'a fait penser à cette avis de Pound sur le changement de régime en Italie:
"Le premier acte du fascisme a été de sauver l'Italie des gens trop stupides pour savoir gouverner, à savoir les communistes sans Lénine. Le second a été de la sauver des parlementaires et des groupes politiques sans morale".
Écrit par : Sven | 28/11/2019
@Pharamond : Y'a pas que des nouvelles. Bravo pour avoir identifié aussi vite l'événement qui n'est *pas* le point important. Comptent ici le lieu et le principal protagoniste que vous avez bien identifié.
@Sven : Jacques Laurent raconte qu'un critique avait trouvé une signification profonde au fait que dans un de ses films, une héroïne lisait je ne sais plus quel roman de Dostoïevski. De fait, le roman avait été pris au hasard par un assistant, sans intention métaphysique.
Ici, la couverture a été choisie parce qu'elle était la moins moche, et le mot de T.S. Eliot est un hasard. ;-)
La suggestion est habilement justifiée, en tout cas, toute fausse qu'elle est. ;-)
Écrit par : Blumroch | 28/11/2019
Blumroch > Une couverture de livre et Pétain à l'Académie ?
Je n'avais pas vu l'indice donné par Pharamond. Mon inculture, ma mauvaise vu ou les deux m'avaient fait prendre l'AF pour l'AN.
Pétain avait soutenu la candidature d'André Maurois à l'AF et Maurois est le traducteur d'If, poème présent dans Rewards and Fairies. Parlant d'AF, Pétain avait fait campagne contre la candidature de Maurras.
@ Pharamond
Merci!
Écrit par : Sven | 28/11/2019
Sven > Je t'en prie et je jurerais que tu as la bonne réponse.
La couronne de lauriers revient au Kamerad Sven[ner] qui a rapidement identifié Emile Salomon Wilhelm Herzog, plus connu sous un nom bien français : André Maurois.
Si la première image proposait une édition de *Rewards and Fairies* composé par Rudyard Kipling, c'est à cause d'un des poèmes figurant dans ce recueil, savoir le célèbre "If --", dont Maurois avait proposé une *adaptation* (et non une traduction) dans *Les silences du colonel Bramble*. Infidèle à la lettre du texte, elle en respecte l'esprit au point d'être probablement plus forte et plus mémorable que l'original.
Le sommaire du numéro 4587 de l'hebdomadaire *L'Illustration* permettait d'identifier l'événement représenté dans la seconde image, savoir la réception de Philippe Pétain à l'Académie française en 1931 (bien après son élection en 1929). Les deux indices étaient évidemment l'Académie, et le maréchal paradoxal à la fois sauveur de la Patrie et traître à la Patrie -- la facétie est des Jalons dans leur excellente *Histoire de France*.
Voici la raison de ce choix : dans ses *Mémoires*, Maurois nous donne le récit de sa propre élection en 1938, quand sa candidature était vigoureusement combattue par un académicien au motif que l'alors assez honorable compagnie comptait déjà un (biiip !) parmi ses membres, Henri Bergson, et qu'en recruter un autre ne s'imposait en rien. Pétain s'adressa ainsi au personnage : "Monsieur, la question n'est pas là, la seule question est de savoir si M. Maurois est un bon écrivain français, et cela vous-même ne songez pas à le nier." L'appui du maréchal emporta la décision, et Maurois fut élu.
Le fait est ordinairement peu cité par les ceusses qui veulent voir en Pétain un méchant misosémite.
On sait encore moins que c'est une intervention du même Pétain qui, deux ans plus tôt, avait fait échouer la candidature de Maurois, au profit d'un certain Joseph de Pesquidoux, héros de la Grande Guerre. Il y a en toutes choses un ordre des priorités.
"If--", Pétain, l'Académie française : ces trois indices ne pouvaient mener qu'à un André Maurois injustement sous-estimé et injustement oublié. S'il n'est pas une étoile de première grandeur (il disait lui-même ne pas écrire de grands romans mais des livres honnêtes avec une prose d'instituteur), Maurois brille honorablement dans le ciel des lettres françaises, et pas uniquement à cause des *Silences du colonel Bramble* et des *Discours du docteur O'Grady*, tous livres délicieux -- d'une ironie infrasonique, comme disait Curtis. Ce précurseur de Daninos (autre nom trop oublié) a aussi écrit quelques biographies sans génie mais instructives (les Dumas, Balzac, Hugo, Disraeli, Lyautey...), ainsi qu'une honorable *Histoire de la France* dont seule la fin, trop marquée par son époque, est ratée. Les anglophones de son temps avaient apprécié ses *Histoire d'Angleterre* et *Histoire des Etats-Unis*. Dans l'oeuvre variée de ce disciple d'Alain figurent même quelques textes de science-fiction ! Plus étonnant encore, cet intellectuel avait gagné, sur les conseils avisés de son mentor, une véritable expérience pratique de l'industrie dans l'entreprise familiale.
Certains mauvais esprits prétendent que Maurois dirigeait plus qu'il ne rédigeait, et qu'il régnait sur une équipe de documentalistes : si c'est vrai (et ce n'est pas prouvé, à ma connaissance en tout cas), il savait les choisir -- ce qui n'est pas un mince talent.
Maurois m'aura réservé une dernière et agréable surprise alors que j'écrivais à la diable les quelques lignes de ce *blurb* ayant pour but de rappeler l'existence d'un auteur certes pas essentiel, mais d'un intérêt et d'un agrément incontestables : en 1964, il donnait une excellente préface pour une anthologie de textes de Borges, ce qui témoigne d'un excellent jugement.
Certains (biiip !) d'*avant* faisaient de très respectables Français.
Merci aux deux ceusses qui ont participé et trouvé à la vitesse de l'éclair. Pharamond, vous n'avez été devancé que de justesse. ;-)
P.S. : Forme d'hommage, le Wikiquote ricain contient quelques citations mieux choisies que le Wikiquote français, sur des sujets très variés. En voici quelques-unes, qui donneront peut-être envie de lire les textes originaux (Maurois n'étant pas un styliste, sa prose ne perd rien à être traduite) :
//
After 1930, political theorists had begun to realize that every democracy -- being a government of public opinion -- is largely in the hands of those who make public opinion -- that is to say, the newspaper-owners. In every country the big business men, the great financiers, were being compelled to purchase the influential newspapers and had little by little succeeded in doing so. They had been very clever in respecting the the external forms of democracy. The people continued to elect their deputies, who continued to to go through the forms of choosing ministers and presidents ; but the ministers, presidents, and deputies could hold on to their positions only so long as they did what the Masters of Public Opinion told them to do ; and, being well aware of this fact, they were duly submissive.
//
Revolt against a tyrant is legitimate ; it can succeed. Revolt against human nature is doomed to failure.
//
Not all men and women can devote themselves to those whom they respect. Some are jealous of superiority and are far more interested in revealing the faults than in imitating the virtues of a noble character. Others fear the option of a mind that is too lucid and prefer to be friends with someone less exacting.
//
Some people believe themselves to be independent of surrounding influences because their lives have made rebels of them. But rebellion is not a guarantee of independence. On the contrary, it is an acute form of prejudice. The writer who has been too much dominated in childhood will put himself forward as a free thinker in his attacks on religion and family life, but this revolt is the revolt of a slave.
//
A man's power and intelligence are limited. He who wants to do everything will never do anything. Only too well do we know those people of uncertain ability who say: "I could be a great musician." ... "Business would be easy for me." ... "I could surely make success in politics." We may be certain that they will always be amateur musicians, failures in business, and beaten politicians. Napoleon held that the art of war consisted of making oneself strongest at a certain point; in life we must choose a point of attack and concentrate our forces there. The choice of a career must not be left to chance.
//
To amuse is not to teach. The object of teaching is to erect a framework of knowledge in a child's mind and gradually to bring the child as near as may be to the average level of intelligence. Later in life the facts taught by experience and new discoveries will add themselves to this framework. It is wrong to attempt to upset this natural order and to appeal to a child's mind by diverting it with the spectacle of modern life. Teaching by means of pictures, radio, and the cinema is in itself ineffective ; these methods must not be used unless they involve (and this is possible) some effort or special enthusiasm. That which is learned without difficulty is soon forgotten, and for the same reason, oral instruction which does not require the pupil's personal participation is almost always rather useless. Eloquence slides in and out of young minds. To listen is not to work.
//
Teaching," wrote Alain, "must be determinedly slow in pace." This phrase is full of meaning for some modern educators with a dangerous tendency towards neglecting the ancient culture of the race, a necessary foundation for all education, and towards stressing recent doctrines and happenings. Information is not culture, and young men need culture much more than they need information.
//
Paul Valéry has no hesitation in saying that the greatest evils today are elections and diplomas.
//
Stupidity is a factor to be reckoned with in human affairs. The true leader always expects to encounter it, and prepares to endure it patiently so long as it is normal stupidity. He knows that his ideas will be distorted, his orders carelessly executed ; and that there will be jealousy among his assistants. He takes these inevitable phenomena into account, and instead of attempting to find men without faults, who are non-existent, he tries to make use of the best men at his disposal -- as they are, and not as they ought to be.
//
A leader should have a quick intelligence. Time is a factor in all action. An imperfect scheme put into action at the proper time is better than a perfect one accomplished too late. Sometimes time is so important that it becomes the principal consideration.
//
A great statesman, like a good housekeeper, knows that cleaning has to be done every morning.
//
It is unprecedented for the men who made a revolution to remain in power after it is over. Yet one still finds revolutionaries : that proves how badly history is taught.
//
We owe to the Middle Ages the two worst inventions of humanity - romantic love and gunpowder.
//
Le monde non vécu, celui des particules, contient le secret de la puissance. Le monde vécu, celui des sentiments, contient pour l’individu le secret de l’équilibre. Je vous demande d’être un scientifique amoureux des lettres et un littéraire curieux des sciences.
//
La vie est trop courte pour être petite.
//
P.P.S. : Je signale au camarade Blaise S. que le *Courrier de l'UNESCO* de mai 1961 propose un éloge, rédigé par Maurois, des bibliothèques publiques... à l'ancienne.
Écrit par : Blumroch | 28/11/2019
@ Blumroch
Une bonne part du mérite revient à Pharamond comme vous le signaliez.
Ne soyez pas trop sévère envers les ... C'est toujours le cas. Comme il existe encore de nombreux Français respectables dont la vie ne tourne pas autour de l'acquisition du dernier modèle de téléphone ou des promos sur les pots de Nutella.
Écrit par : Sven | 29/11/2019
@Sven : De moins en moins nombreux, les gens de cette espèce qui s'efface.
J'avais choisi Maurois comme sujet de l'énigme pour deux raisons : j'ai récemment relu avec plaisir les *Silences* et *Discours*, et je venais de relever une remarque inutile de trop contre E. Z. (who else ? ni Lévy ni Goldnagel) : "Des juifs qui expliquent ce que c’est qu’être français [...]". C'était chez... Eman. Tout se tient ! ;-)
Écrit par : Blumroch | 29/11/2019
Oui, un grand bravo à Sven pour son Blitzkrieg et non, j'étais encore très loin de la solution.
Je ne trouve pas inutile la remarque de Xavier Eman car malgré tout le respect que j'ai pour Eric Zemmour je constate tout de même qu'il faille être juif pour parler immigration et d'origine maghrébine pour parler de voile, comme autrefois il eut fallu attendre les essais des anciens communistes pour constater toute l’ampleur de l'horreur rouge. Je regrette que l'homme occidental ne soit plus capable d'affirmer des vérités de peur d'être traité de fasciste ou de n'être pas crédible. Je regrette qu'il doive laisser la défense des lambeaux de ce que fut notre monde au bon vouloir des autres.
Le Système ne saurait assurer la promotion de plusieurs incarnations du Diable. ;-)
Oublions que tout ce qui devait être dit pour défendre l'Occident se trouve depuis longtemps dans ces cimetières de la pensée que sont les bonnes -- et inutiles -- bibliothèques.
Même si, parmi les petites notoriétés de ce temps et de ce camp, quelques candidats suicidaires se présentaient, qui auraient les connaissances et capacités requises pour écraser l'Infâme (ce n'est pas très difficile à notre époque de nains), croyez-vous que l'Ennemi, malhonnête par essence en plus d'être allergique au réel et aux faits, serait chevaleresque au point de leur permettre une *disputatio* en règle ?
Déjà bien beau qu'il tolère un Zemmour pour assurer le *spectacle* d'une opposition évidemment impuissante parce qu'elle repose sur la raison et non sur l'émotion (Le Bon avait tout dit à ce sujet quand il exposait les pauvres ressorts du socialisme). Si aucun sondage, truqué ou non, ne mesure l'influence de Z., c'est qu'elle est *nulle*. Et *personne* ne ferait mieux. Ne l'écoutent que ceux qui savent *déjà* ce qu'il expose (et qui n'ont donc, en droite logique, pas besoin de lui) ; quant aux autres, ils sont renforcés dans leur haine pour tout ce qu'il représente *quand même*.
Le vrai souci n'est pas de voir le monde ancien défendu par un Zemmour plutôt que par un Viking ; c'est de voir le quidam moyen incapable de se passer de médiateurs -- haïssables d'où qu'ils viennent et quels qu'ils soient -- pour comprendre la situation et en tirer les conséquences.
Au reste, combien pour avoir la vocation, assez christique, du martyre ? "Perturbateur du repos public", c'est une très jolie fonction... qui exige de nombreux sacrifices.
A tout hasard : à part quelques extraits occasionnels, je ne regarde pas son émission, je ne lis pas ses papiers, et si j'ai bien quelques-uns de ses livres, ils ne sont évidemment pas dans la bibliothèque qui abrite les Grands Anciens. Je n'ai besoin ni de lui ni même d'eux pour être, depuis très longtemps, dans le camp du Mal. ;-)
Écrit par : Blumroch | 29/11/2019
@ Blumroch : connaissez-vous le curieux petit roman de science-fiction écrit en 1931 par André Maurois, intitulé « les Peseurs d’âmes » et qui s’inspire largement de la théorie de MacDougall. (Je vous en conseille l’agréable lecture).
La fameuse théorie des 21 grammes, développée en 1907 par le médecin étasunien, Duncan MacDougall (1866-1920) et voulant, comme son nom l’indique, que l’âme humaine ne pèse que 21 grammes (ou trois quarts d’once).
A noter que Kipling (un des premiers prix Nobel de littérature) fut un des précurseurs actifs du «droit d’auteur, monde entier» (à force d’être copier, voire plagier tout azimut).
Son poème «If», une sorte d’Evangile humaniste, («Si… tu seras un homme, mon fils») DOIT ABSOLUMENT être revu et corrigé comme il se doit de nos jours nos vaillant.e.s vigiles féministes, voire transgenres bio. Non mais ho ! (OK, je sors…)
Et rat homme : « lire : « à force d’être COPIÉ, voire PLAGIÉ tout azimut» (Putain de bordel de fouchtra de mille sabords de cornegidouille, j’ai honte !)
…
Blumroch : j’ai la chance (merci mes ancêtres) d’avoir l’édition de 1931 (Gallimard) et surtout d’avoir retrouvé illico ce livre dans mon foutoir et vous avez raison : le titre est bien «Le Peseur d’Âme».
J’irai voir vos liens cette semaine (le 5 décembre, j’en aurai le temps, je le sens…). Bien à vous et mes salutations loupiennes à Pharamond (que je n'oublie pas).
Commentaires
Nous avons un recueil de nouvelles fantastiques "historiques" de Kipling et un numéro de "L'Illustration" avec la réception à l'Académie française de Philippe Pétain le 22 janvier 1931 par Paul Valéry. Ensuite je sèche.
Écrit par : Pharamond | 28/11/2019
Complètement HS, mais puisque nous sommes l'année du centenaire, allons-y:
Ezra Pound.
Sur la couverture du livre de Kipling, il y a un avis de T.S. Eliot, proche de Pound, et lui même-adhérent de la BUF.
La deuxième image m'a fait penser à cette avis de Pound sur le changement de régime en Italie:
"Le premier acte du fascisme a été de sauver l'Italie des gens trop stupides pour savoir gouverner, à savoir les communistes sans Lénine. Le second a été de la sauver des parlementaires et des groupes politiques sans morale".
Écrit par : Sven | 28/11/2019
@Pharamond : Y'a pas que des nouvelles. Bravo pour avoir identifié aussi vite l'événement qui n'est *pas* le point important. Comptent ici le lieu et le principal protagoniste que vous avez bien identifié.
@Sven : Jacques Laurent raconte qu'un critique avait trouvé une signification profonde au fait que dans un de ses films, une héroïne lisait je ne sais plus quel roman de Dostoïevski. De fait, le roman avait été pris au hasard par un assistant, sans intention métaphysique.
Ici, la couverture a été choisie parce qu'elle était la moins moche, et le mot de T.S. Eliot est un hasard. ;-)
La suggestion est habilement justifiée, en tout cas, toute fausse qu'elle est. ;-)
Écrit par : Blumroch | 28/11/2019
Blumroch > Une couverture de livre et Pétain à l'Académie ?
Écrit par : Pharamond | 28/11/2019
@Blumroch
Je n'avais pas vu l'indice donné par Pharamond. Mon inculture, ma mauvaise vu ou les deux m'avaient fait prendre l'AF pour l'AN.
Pétain avait soutenu la candidature d'André Maurois à l'AF et Maurois est le traducteur d'If, poème présent dans Rewards and Fairies. Parlant d'AF, Pétain avait fait campagne contre la candidature de Maurras.
@ Pharamond
Merci!
Écrit par : Sven | 28/11/2019
Sven > Je t'en prie et je jurerais que tu as la bonne réponse.
Écrit par : Pharamond | 28/11/2019
La couronne de lauriers revient au Kamerad Sven[ner] qui a rapidement identifié Emile Salomon Wilhelm Herzog, plus connu sous un nom bien français : André Maurois.
Si la première image proposait une édition de *Rewards and Fairies* composé par Rudyard Kipling, c'est à cause d'un des poèmes figurant dans ce recueil, savoir le célèbre "If --", dont Maurois avait proposé une *adaptation* (et non une traduction) dans *Les silences du colonel Bramble*. Infidèle à la lettre du texte, elle en respecte l'esprit au point d'être probablement plus forte et plus mémorable que l'original.
Le sommaire du numéro 4587 de l'hebdomadaire *L'Illustration* permettait d'identifier l'événement représenté dans la seconde image, savoir la réception de Philippe Pétain à l'Académie française en 1931 (bien après son élection en 1929). Les deux indices étaient évidemment l'Académie, et le maréchal paradoxal à la fois sauveur de la Patrie et traître à la Patrie -- la facétie est des Jalons dans leur excellente *Histoire de France*.
Voici la raison de ce choix : dans ses *Mémoires*, Maurois nous donne le récit de sa propre élection en 1938, quand sa candidature était vigoureusement combattue par un académicien au motif que l'alors assez honorable compagnie comptait déjà un (biiip !) parmi ses membres, Henri Bergson, et qu'en recruter un autre ne s'imposait en rien. Pétain s'adressa ainsi au personnage : "Monsieur, la question n'est pas là, la seule question est de savoir si M. Maurois est un bon écrivain français, et cela vous-même ne songez pas à le nier." L'appui du maréchal emporta la décision, et Maurois fut élu.
Le fait est ordinairement peu cité par les ceusses qui veulent voir en Pétain un méchant misosémite.
On sait encore moins que c'est une intervention du même Pétain qui, deux ans plus tôt, avait fait échouer la candidature de Maurois, au profit d'un certain Joseph de Pesquidoux, héros de la Grande Guerre. Il y a en toutes choses un ordre des priorités.
"If--", Pétain, l'Académie française : ces trois indices ne pouvaient mener qu'à un André Maurois injustement sous-estimé et injustement oublié. S'il n'est pas une étoile de première grandeur (il disait lui-même ne pas écrire de grands romans mais des livres honnêtes avec une prose d'instituteur), Maurois brille honorablement dans le ciel des lettres françaises, et pas uniquement à cause des *Silences du colonel Bramble* et des *Discours du docteur O'Grady*, tous livres délicieux -- d'une ironie infrasonique, comme disait Curtis. Ce précurseur de Daninos (autre nom trop oublié) a aussi écrit quelques biographies sans génie mais instructives (les Dumas, Balzac, Hugo, Disraeli, Lyautey...), ainsi qu'une honorable *Histoire de la France* dont seule la fin, trop marquée par son époque, est ratée. Les anglophones de son temps avaient apprécié ses *Histoire d'Angleterre* et *Histoire des Etats-Unis*. Dans l'oeuvre variée de ce disciple d'Alain figurent même quelques textes de science-fiction ! Plus étonnant encore, cet intellectuel avait gagné, sur les conseils avisés de son mentor, une véritable expérience pratique de l'industrie dans l'entreprise familiale.
Certains mauvais esprits prétendent que Maurois dirigeait plus qu'il ne rédigeait, et qu'il régnait sur une équipe de documentalistes : si c'est vrai (et ce n'est pas prouvé, à ma connaissance en tout cas), il savait les choisir -- ce qui n'est pas un mince talent.
Maurois m'aura réservé une dernière et agréable surprise alors que j'écrivais à la diable les quelques lignes de ce *blurb* ayant pour but de rappeler l'existence d'un auteur certes pas essentiel, mais d'un intérêt et d'un agrément incontestables : en 1964, il donnait une excellente préface pour une anthologie de textes de Borges, ce qui témoigne d'un excellent jugement.
Certains (biiip !) d'*avant* faisaient de très respectables Français.
Merci aux deux ceusses qui ont participé et trouvé à la vitesse de l'éclair. Pharamond, vous n'avez été devancé que de justesse. ;-)
P.S. : Forme d'hommage, le Wikiquote ricain contient quelques citations mieux choisies que le Wikiquote français, sur des sujets très variés. En voici quelques-unes, qui donneront peut-être envie de lire les textes originaux (Maurois n'étant pas un styliste, sa prose ne perd rien à être traduite) :
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After 1930, political theorists had begun to realize that every democracy -- being a government of public opinion -- is largely in the hands of those who make public opinion -- that is to say, the newspaper-owners. In every country the big business men, the great financiers, were being compelled to purchase the influential newspapers and had little by little succeeded in doing so. They had been very clever in respecting the the external forms of democracy. The people continued to elect their deputies, who continued to to go through the forms of choosing ministers and presidents ; but the ministers, presidents, and deputies could hold on to their positions only so long as they did what the Masters of Public Opinion told them to do ; and, being well aware of this fact, they were duly submissive.
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Revolt against a tyrant is legitimate ; it can succeed. Revolt against human nature is doomed to failure.
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Not all men and women can devote themselves to those whom they respect. Some are jealous of superiority and are far more interested in revealing the faults than in imitating the virtues of a noble character. Others fear the option of a mind that is too lucid and prefer to be friends with someone less exacting.
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Some people believe themselves to be independent of surrounding influences because their lives have made rebels of them. But rebellion is not a guarantee of independence. On the contrary, it is an acute form of prejudice. The writer who has been too much dominated in childhood will put himself forward as a free thinker in his attacks on religion and family life, but this revolt is the revolt of a slave.
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A man's power and intelligence are limited. He who wants to do everything will never do anything. Only too well do we know those people of uncertain ability who say: "I could be a great musician." ... "Business would be easy for me." ... "I could surely make success in politics." We may be certain that they will always be amateur musicians, failures in business, and beaten politicians. Napoleon held that the art of war consisted of making oneself strongest at a certain point; in life we must choose a point of attack and concentrate our forces there. The choice of a career must not be left to chance.
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To amuse is not to teach. The object of teaching is to erect a framework of knowledge in a child's mind and gradually to bring the child as near as may be to the average level of intelligence. Later in life the facts taught by experience and new discoveries will add themselves to this framework. It is wrong to attempt to upset this natural order and to appeal to a child's mind by diverting it with the spectacle of modern life. Teaching by means of pictures, radio, and the cinema is in itself ineffective ; these methods must not be used unless they involve (and this is possible) some effort or special enthusiasm. That which is learned without difficulty is soon forgotten, and for the same reason, oral instruction which does not require the pupil's personal participation is almost always rather useless. Eloquence slides in and out of young minds. To listen is not to work.
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Teaching," wrote Alain, "must be determinedly slow in pace." This phrase is full of meaning for some modern educators with a dangerous tendency towards neglecting the ancient culture of the race, a necessary foundation for all education, and towards stressing recent doctrines and happenings. Information is not culture, and young men need culture much more than they need information.
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Paul Valéry has no hesitation in saying that the greatest evils today are elections and diplomas.
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Stupidity is a factor to be reckoned with in human affairs. The true leader always expects to encounter it, and prepares to endure it patiently so long as it is normal stupidity. He knows that his ideas will be distorted, his orders carelessly executed ; and that there will be jealousy among his assistants. He takes these inevitable phenomena into account, and instead of attempting to find men without faults, who are non-existent, he tries to make use of the best men at his disposal -- as they are, and not as they ought to be.
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A leader should have a quick intelligence. Time is a factor in all action. An imperfect scheme put into action at the proper time is better than a perfect one accomplished too late. Sometimes time is so important that it becomes the principal consideration.
//
A great statesman, like a good housekeeper, knows that cleaning has to be done every morning.
//
It is unprecedented for the men who made a revolution to remain in power after it is over. Yet one still finds revolutionaries : that proves how badly history is taught.
//
We owe to the Middle Ages the two worst inventions of humanity - romantic love and gunpowder.
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Le monde non vécu, celui des particules, contient le secret de la puissance. Le monde vécu, celui des sentiments, contient pour l’individu le secret de l’équilibre. Je vous demande d’être un scientifique amoureux des lettres et un littéraire curieux des sciences.
//
La vie est trop courte pour être petite.
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P.P.S. : Je signale au camarade Blaise S. que le *Courrier de l'UNESCO* de mai 1961 propose un éloge, rédigé par Maurois, des bibliothèques publiques... à l'ancienne.
Écrit par : Blumroch | 28/11/2019
@ Blumroch
Une bonne part du mérite revient à Pharamond comme vous le signaliez.
Ne soyez pas trop sévère envers les ... C'est toujours le cas. Comme il existe encore de nombreux Français respectables dont la vie ne tourne pas autour de l'acquisition du dernier modèle de téléphone ou des promos sur les pots de Nutella.
Écrit par : Sven | 29/11/2019
@Sven : De moins en moins nombreux, les gens de cette espèce qui s'efface.
J'avais choisi Maurois comme sujet de l'énigme pour deux raisons : j'ai récemment relu avec plaisir les *Silences* et *Discours*, et je venais de relever une remarque inutile de trop contre E. Z. (who else ? ni Lévy ni Goldnagel) : "Des juifs qui expliquent ce que c’est qu’être français [...]". C'était chez... Eman. Tout se tient ! ;-)
Écrit par : Blumroch | 29/11/2019
Oui, un grand bravo à Sven pour son Blitzkrieg et non, j'étais encore très loin de la solution.
Je ne trouve pas inutile la remarque de Xavier Eman car malgré tout le respect que j'ai pour Eric Zemmour je constate tout de même qu'il faille être juif pour parler immigration et d'origine maghrébine pour parler de voile, comme autrefois il eut fallu attendre les essais des anciens communistes pour constater toute l’ampleur de l'horreur rouge. Je regrette que l'homme occidental ne soit plus capable d'affirmer des vérités de peur d'être traité de fasciste ou de n'être pas crédible. Je regrette qu'il doive laisser la défense des lambeaux de ce que fut notre monde au bon vouloir des autres.
Écrit par : Pharamond | 29/11/2019
Le Système ne saurait assurer la promotion de plusieurs incarnations du Diable. ;-)
Oublions que tout ce qui devait être dit pour défendre l'Occident se trouve depuis longtemps dans ces cimetières de la pensée que sont les bonnes -- et inutiles -- bibliothèques.
Même si, parmi les petites notoriétés de ce temps et de ce camp, quelques candidats suicidaires se présentaient, qui auraient les connaissances et capacités requises pour écraser l'Infâme (ce n'est pas très difficile à notre époque de nains), croyez-vous que l'Ennemi, malhonnête par essence en plus d'être allergique au réel et aux faits, serait chevaleresque au point de leur permettre une *disputatio* en règle ?
Déjà bien beau qu'il tolère un Zemmour pour assurer le *spectacle* d'une opposition évidemment impuissante parce qu'elle repose sur la raison et non sur l'émotion (Le Bon avait tout dit à ce sujet quand il exposait les pauvres ressorts du socialisme). Si aucun sondage, truqué ou non, ne mesure l'influence de Z., c'est qu'elle est *nulle*. Et *personne* ne ferait mieux. Ne l'écoutent que ceux qui savent *déjà* ce qu'il expose (et qui n'ont donc, en droite logique, pas besoin de lui) ; quant aux autres, ils sont renforcés dans leur haine pour tout ce qu'il représente *quand même*.
Le vrai souci n'est pas de voir le monde ancien défendu par un Zemmour plutôt que par un Viking ; c'est de voir le quidam moyen incapable de se passer de médiateurs -- haïssables d'où qu'ils viennent et quels qu'ils soient -- pour comprendre la situation et en tirer les conséquences.
Au reste, combien pour avoir la vocation, assez christique, du martyre ? "Perturbateur du repos public", c'est une très jolie fonction... qui exige de nombreux sacrifices.
A tout hasard : à part quelques extraits occasionnels, je ne regarde pas son émission, je ne lis pas ses papiers, et si j'ai bien quelques-uns de ses livres, ils ne sont évidemment pas dans la bibliothèque qui abrite les Grands Anciens. Je n'ai besoin ni de lui ni même d'eux pour être, depuis très longtemps, dans le camp du Mal. ;-)
Écrit par : Blumroch | 29/11/2019
@ Blumroch : connaissez-vous le curieux petit roman de science-fiction écrit en 1931 par André Maurois, intitulé « les Peseurs d’âmes » et qui s’inspire largement de la théorie de MacDougall. (Je vous en conseille l’agréable lecture).
La fameuse théorie des 21 grammes, développée en 1907 par le médecin étasunien, Duncan MacDougall (1866-1920) et voulant, comme son nom l’indique, que l’âme humaine ne pèse que 21 grammes (ou trois quarts d’once).
A noter que Kipling (un des premiers prix Nobel de littérature) fut un des précurseurs actifs du «droit d’auteur, monde entier» (à force d’être copier, voire plagier tout azimut).
Son poème «If», une sorte d’Evangile humaniste, («Si… tu seras un homme, mon fils») DOIT ABSOLUMENT être revu et corrigé comme il se doit de nos jours nos vaillant.e.s vigiles féministes, voire transgenres bio. Non mais ho ! (OK, je sors…)
Écrit par : Martin-Lothar | 01/12/2019
@Martin-Lothar : "Dans l'oeuvre variée de ce disciple d'Alain figurent même quelques textes de science-fiction !". ;-) Yep, j'ai lu cette nouvelle quand je découvrais la science-fiction, il y a quelques décennies. Votre commentaire m'a incité à la retrouver ; la voici :
https://ginette-villeneuve.forumactif.com/t5218-dandre-maurois-le-peseur-dames-nouvelle-parue-en-1931#
Je n'ai jamais eu l'occasion de lire "La machine à lire les pensées".
Occasion de recommander *Un saint au néon* de Curtis et les textes de Maurice Renard, à commencer par *Le péril bleu*.
Suis bien d'accord avec vous : l'inspiration du poème "If --" est condamnable, comme le démontre cette anecdote éclairante :
https://fr.theepochtimes.com/le-poeme-de-rudyard-kipling-tu-seras-un-homme-mon-fils-retire-du-mur-par-des-etudiants-estimant-que-lauteur-est-raciste-424403.html
A côté, ça, c'est presque respectueux :
https://jeremynicholas.com/2012/06/this-months-parody/
Écrit par : Blumroch | 01/12/2019
Et rat homme : « lire : « à force d’être COPIÉ, voire PLAGIÉ tout azimut» (Putain de bordel de fouchtra de mille sabords de cornegidouille, j’ai honte !)
…
Blumroch : j’ai la chance (merci mes ancêtres) d’avoir l’édition de 1931 (Gallimard) et surtout d’avoir retrouvé illico ce livre dans mon foutoir et vous avez raison : le titre est bien «Le Peseur d’Âme».
J’irai voir vos liens cette semaine (le 5 décembre, j’en aurai le temps, je le sens…). Bien à vous et mes salutations loupiennes à Pharamond (que je n'oublie pas).
Écrit par : Martin-Lothar | 01/12/2019
Martin-Lothar > Je vous salue de même.
Écrit par : Pharamond | 01/12/2019
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