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29/04/2020

Historiettes, contes et vaticinations (16)

Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 15/04/2008 :

 

Au vent

 

Enfin sorti de sa chrysalide, il laissa l'air de l'été sécher et tendre ses grandes ailes colorés. Puis, ivre d'odeurs, il s'envola vers les fleurs qui parsemaient les prés et les jardins. Jour après jour, il vécu ainsi, libre et léger, ce que vivent les papillons. Quand son instinct lui signala que l'heure de se reproduire était arrivé il se mit en quête d'une femelle à féconder. Le sort en voulut autrement ; une méchante bourrasque d'orage l'envoya loin de ses congénères. Affaibli et meurtri, il ne put parcourir le chemin inverse et bientôt il fut bousculé et roulé par le moindre souffle de vent. Sa course et sa vie s'achevèrent quand son corps se coinça à l'angle d'un mur et d'une dalle en béton. Bientôt ses ailes s'écaillèrent et sa dépouille se dessécha. Avait-il donc vécu en vain, lui qui n'avait pu perpétuer son espèce ni même servi à nourrir un quelconque prédateur ? Peut-être pas ; le troisième jour de sa courte existence, un enfant l'avait aperçu et l'ayant trouvé beau le montra à sa mère. Quelques instants, ils étaient resté tous deux à le regarder voleter de fleur en fleur dans le jour finissant.

 

Commentaires

Pauvre papillon, ça lui fait une belle patte (ou une belle aile), que d'avoir apporté quelques minutes de grâce au petinenfant et à sa maman[1]. C'est dire à la victime d'une éruption volcanique qu'elle peut se consoler, que d'avoir été figurante dans le grandiose spectacle de la nature déchaînée. ;-)

Parlant de papillons, avis amusant d'Anatole France dans *Le jardin d'Epicure* :
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Je vais vous dire : Si j’avais créé l’homme et la femme, je les aurais formés sur un type très différent de celui qui a prévalu et qui est celui des mammifères supérieurs. J’aurais fait les hommes et les femmes, non point à la ressemblance des grands singes comme ils sont en effet, mais à l’image des insectes qui, après avoir vécu chenilles, se transforment en papillons et n’ont, au terme de leur vie, d’autre souci que d’aimer et d’être beaux. J’aurais mis la jeunesse à la fin de l’existence humaine. Certains insectes ont, dans leur dernière métamorphose, des ailes et pas d’estomac. Ils ne renaissent sous cette forme épurée que pour aimer une heure et mourir.

Si j’étais un dieu, ou plutôt un démiurge, -- car la philosophie alexandrine nous enseigne que ces minimes ouvrages sont plutôt l’affaire du démiurge, ou simplement de quelque démon constructeur, -- si donc j’étais démiurge ou démon, ce sont ces insectes que j’aurais pris pour modèles de l’homme. J’aurais voulu que, comme eux, l’homme accomplît d’abord, à l’état de larve, les travaux dégoûtants par lesquels il se nourrit. En cette phase, il n’y aurait point eu de sexes, et la faim n’aurait point avili l’amour. Puis j’aurais fait en sorte que, dans une transformation dernière, l’homme et la femme, déployant des ailes étincelantes, vécussent de rosée et de désir et mourussent dans un baiser. J’aurais de la sorte donné à leur existence mortelle l’amour en récompense et pour couronne. Et cela aurait été mieux ainsi. Mais je n’ai pas créé le monde, et le démiurge qui s’en est chargé n’a pas pris mes avis. Je doute, entre nous, qu’il ait consulté les philosophes et les gens d’esprit.
//
J'avais lu une nouvelle de S.F. sur ce thème, voici une éternité.

[1] Je sacrifie à la mode de l'heure, même si "parent #" était envisageable. En vieux français, j'aurais parlé de "mère".

Écrit par : Blumroch | 29/04/2020

Blumroch > Joli texte que celui d'Anatole France.
Quant à mon papillon tu te méprends avec la comparaison avec la victime d'une éruption volcanique. Je n'ai jamais dit que la mort de l'insecte dans la tourmente était esthétique, mais que sa brève existence avait contribué à la beauté et quelque part à l'équilibre du monde à son infime échelle.

Écrit par : Pharamond | 29/04/2020

@Pharamond : Je n'ai pas dit que c'était ton intention, mais qu'on pourrait interpréter ta fable ainsi *aussi*. Une éruption, c'est très joli quand on est spectateur ; de là à penser que les figurants de la pièce sont insignifiants sauf dans ce contexte esthétique... Avec un léger détournement de ma part, Lucrèce was damn right : "Suave mari magno turbantibus ventis aequora spectare e terra magnum laborem alterius..." ("Il est doux, quand la mer est grosse en raison des vents qui agitent l'étendue des flots, de regarder depuis la terre la grande peine que se donne autrui") -- yep, je sais que la suite tempère le propos, mais la citation tirée de son contexte, c'est un art. ;-)
Incidemment, évoquant Lucrèce, tout le monde semble avoir oublié son tableau de la peste d'Athènes :
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Lucrece/livre6a.htm
Autre chose que les ravages exagérés du vilain virus si *opportun* (par hasard ou non) pour faire *avancer* certains projets.

Écrit par : Blumroch | 29/04/2020

Blumroch > Pour rester dans les éruptions on pourra noter que les ruines de Pompéi font aujourd'hui les délices des archéologues et des touristes pourtant en 79...

Écrit par : Pharamond | 29/04/2020

Les commentaires sont fermés.