02/06/2016
Le pessimiste et l’optimiste
« Les gens qui me veulent trop de bien me traitent de prophète. Ceux qui ne m’en veulent pas assez me traitent de pessimiste. Le mot de pessimisme n’a pas plus de sens à mes yeux que le mot d’optimisme, qu’on lui oppose généralement. […] Le pessimiste et l’optimiste s’accordent à ne pas voir les choses telles qu’elles sont. L’optimiste est un imbécile heureux. Le pessimiste est un imbécile malheureux. […] Je sais bien qu’il y a parmi vous des gens de très bonne foi, qui confondent l’espoir et l’optimisme. L’optimisme est un ersatz de l’espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c’est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une revue nudiste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté.
Neuf fois sur dix l’optimisme est une forme sournoise de l’égoïsme, une manière de se désolidariser du malheur d’autrui.
C’est un ersatz de l’espérance, qu’on peut rencontrer facilement partout, et même, tenez par exemple, au fond de la bouteille. Mais l’espérance se conquiert. On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts et d’une longue patience. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
Le pessimisme et l’optimisme ne sont à mon sens, je l’ai dit une fois pour toutes, que les deux aspects, l’envers et l’endroit d’un même mensonge. Il est vrai que l’optimisme d’un malade peut faciliter sa guérison. Mais il peut aussi bien le faire mourir s’il l’encourage à ne pas suivre les prescriptions du médecin. Aucune forme d’optimisme n’a jamais préservé d’un tremblement de terre, et le plus grand optimiste du monde, s’il se trouve dans le champ de tir d’une mitrailleuse, est sûr d’en sortir troué comme une écumoire.
L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté.
Mais l’espoir lui-même ne saurait suffire à tout. Lorsque vous parlez de « courage optimiste », vous n’ignorez pas le sens exact de cette expression dans notre langue et qu’un « courage optimiste » ne saurait convenir qu’à des difficultés moyennes. Au lieu que si vous pensez à des circonstances capitales, l’expression qui vient naturellement à vos lèvres et celle de courage désespéré, d’énergie désespérée. Je dis que c’est précisément cette sorte d’énergie et de courage que notre pays attend de nous. »
Georges Bernanos
La Liberté pour quoi faire ?
(Merci à Anton)
18:38 | Lien permanent | Commentaires (20)
Commentaires
je lisais ça pour la première fois apparement, je lisais en approuvant tout, comme du "petit lait". Tout même la forme. j'adhérais. Quel clarté, quel absence de pédantisme ! Le style c'est l'écriture du "ton". Le ton ici est volontaire. Qu'est-ce que c'est bien écrit – je me disais – qui a écrit ça ? un vrai écrivain. Et puis en bas je lis : c'est Bernanos.
Le grand-père du célèbre mongoloïde et casseur antifa ? Hélas !
"Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir."
Écrit par : Dia | 02/06/2016
Je n'ai pas d'enfants et je ne le regrette pas. La génétique est parfois facétieuse.
Écrit par : Pharamond | 02/06/2016
Cette langue qui est la nôtre est vraiment bien belle !
Écrit par : téléphobe | 02/06/2016
@Pharamond
La dédicace de "Grande Peur des Bien-Pensants" à Maxence de Colleville (un camelot du roi) est rédigée ainsi :
"en mémoire des grand rêves de notre jeunesse que la vie a humiliés mais que nos fils vengeront peut-être demain"
http://ripostelaique.com/antonin-bernanos-milicien-antifa-beaux-quartiers.html
Écrit par : Dia | 02/06/2016
O tempora, O mores...
Écrit par : Jean Aymard | 03/06/2016
téléphobe > Tout à fait, et dire que le globish nous envahit, un peu par nécessité, un peu pour faire moderne.
Dia > Il a tout faux le pauvre Georges sur le coup.
Jean Aymard > *soupir*
Écrit par : Pharamond | 03/06/2016
Oui enfin Bernanos a fini dans l'antifascisme, l'anti-pétainislme et l'anti-maurassisme... Le tournant est la guerre d'Espagne qui a mis à mal son petit coeur de chrétien... Avec en prime des pages de répugnante dégoulinerie gaulliste... Bref, mauvais sang ne saurait mentir...
Écrit par : Ivane | 04/06/2016
ouais.....n'étant pas chrétien, mais athée, j'arrive à piger à peu près....
quand réouvrez vous au milieu des ....?
Écrit par : kobus van cleef | 04/06/2016
Ivane, je vous trouve bien injuste. Bernanos sut dire aussi ce qu'il pensait des joies de l'Epuration. Le jugera-t-on, au plus, grand naïf, pour avoir fin 36 découvert avec désillusion que l'Espagne vivait d'abord une guerre civile, avec tout ce que ça pouvait régurgiter, des deux côtés, de basse violence, de vengeance et de trouille (ceci produisant cela), puis en 45 que la Libération remettait le même couvert au nord des Pyrénées ?
Au moins reconnaissons lui d'avoir toujours été un esprit libre, comme son maître Drumont.
Écrit par : Nathanaël | 05/06/2016
Ivane > Au sortir de la guerre de Gaulle était peut-être ce qu'on avait de mieux, non ?
Écrit par : Pharamond | 05/06/2016
ce que Ivane veut dire il me semble c'est que pendant la guerre civile espagnole Bernanos va choisir le camps des égorgeurs de curés et des violeurs de nones. Un peu comme leur pape aujourd'hui quoi. Comme quoi les cathos c'est tous les mêmes...
Écrit par : Mistersmith | 07/06/2016
Mistersmith, Bernanos n'a pas tant "choisi" le camp des égorgeurs de curés, etc, mais plutôt jugé - à tort ou à raison - que leurs adversaires ne valaient pas mieux ou, pire, qu'ils trahissaient dans leurs actes la cause qu'ils étaient censés défendre. "Le pire estoit qu'en ceste guerre, les armes qu'on avoit prises pour la défense de la religion anéantissoient toute religion" écrivit Michel de Casteleneau au XVIe siècle.
Par ailleurs, pointe en votre propos l'aporie de l'antichristianisme nietzschéen, consistant à reprocher aux chrétiens de ne pas être de bons chrétiens, supposant donc que s'ils en étaient, ils seraient irréprochables, et donc encore que le bien serait finalement chrétien. Bref, il faut choisir. Si les curés sont des manipulateurs et les bonnes-sœurs des névrosées, alors les Rouges auraient eu bien tort de se gêner.
Écrit par : Nathanaël | 07/06/2016
Mistersmith > Le régime réactionnaire et clérical de Franco était à mon avis archaïque et pas très social, mais il a évité à l'Espagne la terreur rouge.
Écrit par : Pharamond | 07/06/2016
ne serait-ce pas là exactement le catéchsime à la con qui justifiera toujours – à la fin – qu'on laisse des millions de crevards submerger notre continent ?
Écrit par : Mistersmith | 08/06/2016
Mistersmith > Votre commentaire s'adresse à Nathanaël ou à moi ?
Écrit par : Pharamond | 08/06/2016
je réagissais là-dessus
"Bernanos (...) jugé - à tort ou à raison - que leurs adversaires ne valaient pas mieux ou, pire, qu'ils trahissaient dans leurs actes la cause qu'ils étaient censés défendre."
c'est curieux pour des gens qui croient (paraît-il) à la vie après la mort cette attention à ce que personne ne soit tué !
Écrit par : Mistersmith | 08/06/2016
Mistersmith > Le Christianisme est ce qu'en font ces serviteurs. Le Christ a dit justement que son royaume n'était pas de ce monde, si je me rappelle bien.
Écrit par : Pharamond | 08/06/2016
Monsieur le Forgeron, tss-tss... et le sixième commandement ?
Ph. : le franquisme fut modérément social, au moins autant que le Front Populaire - le nôtre, car à vrai dire, même en catalogne très gauchiste, le progressisme a surtout consisté à brûler les églises et s'entre-tuer entre prolétariens - bref le père Franco a mené une politique agraire qu'on dirait de nos jours volontariste et instauré une sécurité sociale devançant le rapport Beveridge des Roastbeef travaillistes. Surtout, après avoir eu certes la main lourde en 39 (même les Italiens trouvaient que ça fusillait dur à Madrid), il a garantit la paix civile et un développement économique évident à partir des années soixante. Enfin, on ne rappellera jamais assez qu'on entrait et sortait alors d'Espagne comme dans un moulin de la Manche, qu'on s'y promenait les mains dans les poches sans rencontrer à travers Nouvelle ou Vieille Castille l'ombre d'un garde civil sauf peut-être de temps en temps assoupi à une terrasse de bodega de village - j'en puis témoigner - quand existait le mur de Berlin, les refuzniks etc. Mais je pense qu'ici tout le monde en conviendra.
Écrit par : Nathanaël | 09/06/2016
Aux éléments mis en avant, j'ajouterais que Franco a organisé sa sortie vers un régime démocratique en phase avec le reste de l'Europe, sans heurt ni violence.
L'URSS est sorti du communisme au prix d'un effondrement économique.
Quant à la Roumanie, Ceaucescu a pour sa part A-DO-RÉ comment elle est sortie du communisme...
Au fait, cet autre odieux dictateur fassisste qu'est Pinochet a laissé un pays en bien meilleur état que quand il s'est emparé du pouvoir, et il a assuré, lui aussi, une transition en douceur. Il est vrai qu'il faut reconnaître un détournement évident de l'utilisation des stades...
Écrit par : Popeye | 09/06/2016
Nathanaël > Il est sûr que même si les gauchistes ont présenté Franco comme un monstre il n'arrive pas à la cheville des grands leaders cocos. par contre il était plus réactionnaire que fasciste et par là moins porté sur les réformes.
Popeye > Et pourtant : combien de films et de livres sur les fascistes et assimilés pour une œuvre sur les régimes marxistes ?
Écrit par : Pharamond | 09/06/2016
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