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03/01/2014

Pérennité de l'ordure

Texte trouvé sur Zentropa et que l'on pourrait croire écrit pour nos jours :

 

Qu’est-ce en effet que le despotisme ? c’est le plus changeant, le moins fixe de tous les gouvernements. Ce n’est pas même un gouvernement. Il est aussi absurde de le compter parmi les administrations naturelles à la société, que de mettre la paralysie ou l’apoplexie au rang des principes qui diversifient le tempérament des hommes. C’est une maladie qui saisit et tue les Empires à la suite des ravages du luxe, comme la fièvre s’allume dans le corps après les excès du travail ou de la débauche. Il n’est pas plus possible à un Royaume d’être soumis à un despotisme durable, sans se détruire, qu’à un homme d’avoir longtemps le transport sans périr.

Pendant la durée de cette fièvre politique, une frénésie incurable agite tous les membres de l’État, et surtout la tête. Il n’y a plus de rapport ni de concert entre eux. Les folies les plus extravagantes sont réalisées, et les précautions les plus sages anéanties. On traite avec gaieté les affaires les plus sérieuses; et les plus légères se discutent avec tout l’appareil du cérémonial le plus grave. On multiplie les règles, parce qu’on n’en suit aucune. On accumule les ordonnances, parce que l’ordre est détruit. La loi de la veille est effacée par celle du lendemain. Tout passe, tout s’évanouit, précisément comme ces images fantastiques, qui, dans les songes, se succèdent les unes aux autres, sans avoir de réalité.

Une Nation réduite à cet excès de délire et de misère, offre en même temps le plus singulier et le plus douloureux de tous les spectacles. On y entend à la fois les éclats de rire de la débauche, et les hurlements du désespoir. Partout l’excès de la richesse y contraste avec celui de l’indigence. Les grands avilis n’y connaissent que des plaisirs honteux. Les petits écrasés expirent en arrosant de larmes la terre que leurs bras affaiblis ne peuvent plus remuer, et dont une avarice dévorante dessèche ou consume les fruits, avant même qu’ils soient nés. Les campagnes se dépeuplent. Les villes regorgent de malheureux. Le sang des sujets continuellement aspiré par les pompes de la Finance se rend par fleuves dans la Capitale qu’il inonde. Il y sert de ciment pour la construction d’une infinité de palais superbes, qui deviennent pour le luxe autant de citadelles d’où il insulte à loisir à l’infortune publique.

Simon-Nicolas-Henri LINGUET (1736-1794), Théorie des Lois civiles, IV, 31 (1767)

 

Commentaires

Eh ! bien, la bonne nouvelle dans ce noir tableau, si l'on croit le sieur Linguet, c'est que ça n'est pas durable et que tout ça risque de s'effondrer bientôt. En attendant, bonne année !

Écrit par : Franck Ferdinand | 03/01/2014

Merci, je vous souhaite de même, et pour le reste nous verrons bien.

Écrit par : Pharamond | 03/01/2014

Il y a aussi des textes de Juvėnal (écrivain romain d'il y a 2000 ans) qui sont à pleurer de maintenant. Comme quoi, les cycles...

Écrit par : Martin-Lothar | 04/01/2014

Les techniques évoluent, les mentalité changent mais les hommes seront toujours les mêmes, pour le meilleur et le pire.

Écrit par : pharamond | 04/01/2014

Les commentaires sont fermés.