09/12/2014
Taggus interruptus
Je n'avais jamais vu quelqu'un faire un tag. Comme tout le monde, j'ai vu des tags, des graffs et ce genre de bariolage urbain mais jamais quelqu'un en faire un. Ce soir donc, en rentrant du cinéma, j'ai enfin vu un tagueur à l’œuvre. Il était face à un rideau métallique encore vierge des gribouillis qui constellaient toutes les parois verticales de la rue ; et il était semblable à l'idée que je m'en faisais : jogging-baskets-sweet à capuche. Il a agité sa bombe de peinture, et tout absorbé par sa calligraphie il ne m'a pas entendu arriver sur l'autre trottoir. J'ai donc eu tout le loisir de sortir mon .22LR de son étui et de l'ajuster. "NIKE LA", il en était à tracer la barre horizontale du "A" quand j'ai sifflé pour le faire se retourner, doucement, entre les dents. Tirer dans le dos, je n'aime pas vraiment. Il a pivoté prestement prêt à fuir ou à se défendre, et j'ai tiré, deux fois très rapidement, dans la zone sombre que sa capuche formait sur son visage. Il a eu un petit mouvement de la tête vers l'arrière, rien de très spectaculaire, et il a glissé le long du rideau métallique. Le sang faisait un petit disque irrégulier au dessus du "A", un peu comme ce qu'on appelle un rond en chef dans certains alphabets scandinaves. "NIKE LA", qui appelait-il à "niker" ; la police, la justice, la France ? J'aurai dû attendre un peu.
20:16 | Lien permanent | Commentaires (2)
08/12/2014
La patrouille
Il n'y avait plus de doute, c'était bien le bruit de gravillons qui tombaient sur le pavillon de la voiture.
- Mais qu'est-ce tu fais ? T'arrête pas ! Roule !
- Mais les cailloux...
- Putain ! C'est tout de même pas des pavés qu'on nous balance.
Le véhicule repris sa vitesse normale : celle d'un pas rapide, histoire de faire de la présence policière en évitant les ornières qui truffaient le chemin de terre.
Il y a quelques années l'agrandissement de la cité des Fauvettes avait été décidé. On avait amené des engins de chantier, creusé des trous gigantesques, accumulé la terre en collines, puis tout s'était arrêté. Une inextricable histoire de dépôt de bilan frauduleux avait gelé les travaux. On avait démonté les grues, remballé le matériel, entouré la zone d'une grillage pour l'interdire au public et tout était resté en l'état. Très rapidement la perméabilité de la clôture fit que l'endroit devint le terrain de jeux favori des enfants des Fauvettes et un lieu de trafic en tout genre. La police avait donc reçu l'ordre de faire des patrouilles régulières dans ce décor de champ de bataille grâce au chemin qui le traversait avec, bien-sûr, consigne de ne pas faire de provocation.
Consigne à vrai dire plutôt vague quand on était un jeune policier qui réalisait sa première patrouille dans la secteur. Heureusement que dans sa bienveillance son chef de poste le faisait cornaquer par un ''ancien''. Il se contentait donc de regarder consciencieusement autour d'eux tout en essayant autant que possible de ne pas rouler dans un nid de poule.
Des enfants couraient le long des talus qui surplombaient le chemin en leur criant des choses incompréhensibles à cause de la distance, mais que l'on pouvait imaginer peu amicales, tout en leur faisant des gestes obscènes. D'ailleurs il était fort probable que c'était eux qui les avaient bombardé de cailloux auparavant. Après avoir baissé leur pantalon pour leur montrer leurs fesses ils s'en allèrent vers d'autres occupations.
- Tiens, ça n'y était pas la dernière fois, fit l'"ancien'' en désignant les restes d'un voiture calcinée.
- On s'arrête ? hasarda le ''nouveau'' sans trop y croire.
- Non, on reviendra plus tard.
Un peu plus loin, un petit groupe de garçons en jogging et casquette accompagnés de leurs compagnes, portable vissé à l'oreille et vêtues avec l'élégance de starlettes de films X, discutaient à grands renforts de gestes près de deux BMW garées sur le côté. Ils s'arrêtèrent le temps de jeter un œil noir aux occupants de la voiture de police - l'un d'entre eux fit même le geste de leur tirer dessus avec son index pointé – puis ils reprirent leur conversation. Les filles n'avaient pas sembler s'apercevoir de quoi que se soit et continuaient leur conversation téléphonique. Cette fois le ''nouveau'' ne dit rien : le métier commençait à rentrer.
Tout à coup, la radio de bord leur signala qu'à la terrasse d'un restaurant un homme refusait d'éteindre son cigare. Le central avait reçu plusieurs appels des autres clients et du propriétaire pour demander une intervention.
- C'est pour nous ! C'est juste à deux rues d'ici. Mets la gomme !
Toute sirène hurlante la voiture s'extirpa du chemin défoncé et rejoint la route bitumée.
- Enfin un peu d'action, pensa tout haut son conducteur.
20:42 | Lien permanent | Commentaires (8)
07/12/2014
Tondeuse
On ne l'a appris que bien des années après la Seconde guerre mais cette femelle écureuil qui pactise avec Hitler a été retrouvée à la Libération et a été tondue comme il se doit. En exclusivité pour les lecteurs de ce blog voici la seule photo connue de la coupable dans sa geôle :
21:19 | Lien permanent | Commentaires (10)
04/12/2014
La thérapie
Une salle avec un pupitre derrière lequel une femme d'une cinquantaine d'années se tient debout, sourire aux lèvres, devant elle, un parterre d'une trentaine de chaises à moitié occupé.
L'animatrice, rayonnante :
- Bonsoir à tous et merci d'être venus aussi nombreux encore une fois. Ce soir, nous accueillons un nouvel ami ; je vous présente Pharamond.
Au premier rang un homme se lève et va rejoindre le pupitre, embarrassé.
Le public, en chœur :
- Bonsoir Pharamond !
L'animatrice s'écarte avec un large sourire et laisse la parole au susnommé.
Celui-ci, après s'être raclé la gorge :
- Bonsoir à tous... euh... je ne sais pas trop par quoi commencer... C'est un peu confus pour moi... bon, tant pis ! je me lance. Voilà, ça doit maintenant remonter à 2 ou 3 ans, ça a commencé par ce que le soir je n'avais plus envie de regarder la télé. Au début, je n'ai pas fait attention, c'était que de temps en temps, ensuite c'était de plus en plus souvent, et puis j'ai finis par ne plus la regarder du tout. À la place je lisais, je surfais sur le net ou j'allais voir des amis. Quoique, malheureusement, chez eux il y avait souvent la télé allumée, et ça m'agaçait. Il m'arrivait parfois - j'ai honte de le dire - de leur demander de l'éteindre puisque personne ne la regardait, ni eux ni leurs enfants, qui de toute façon l'avaient dans leur chambre.
Dans le public, certains hochent la tête pour acquiescer, en connaisseurs.
- Oui, j'ai fait ça... et même bien pire ensuite. Des choses bizarres se passaient en moi, je n'arrivais plus à écouter la radio sans trouver affligeant ce que disaient les animateurs qui, les pauvres - j'en ai conscience maintenant - , ne faisaient que leur travail, c'est-à-dire amuser leurs auditeurs. Les journaux me paraissaient tout à coup remplis de mensonges, les discussions amicales autour d'un verre, truffées de lieux communs et d'incohérences.
Il s'arrête une seconde, boit une gorgée à la bouteille d'eau minérale certifiée "commerce équitable" placée devant lui et reprend :
- Et puis ça a été la dégringolade, tel copain d'enfance devenu responsable marketing dans une boîte d'informatique, une personne estimable entre toutes, m'apparut soudain fat et inintéressant, tel autre qui me racontait régulièrement ses ébats sexuels dans le détail et les subtiles astuces sans cesse renouvelées pour tromper sa femme me parût tout à coup immorale et même vaguement répugnant. Je n'étais plus moi-même. Un soir, alors qu'une ex était venue chez moi pour me raconter ses déboires amoureux comme à chaque fois qu'un ignoble macho la larguait, je me suis endormi sur le canapé en l'écoutant alors qu'il n'était à peine que 3 ou 4 heures du matin... Oh ! que j'ai honte, si vous saviez comme j'ai honte ! Parfois, c'est comme si quelqu'un d'autre parlait avec ma bouche sans que je puisse rien faire, et je disais des trucs affreux, qui font mal. Un soir, j'ai dit à des amis - puissent-ils me pardonner - qui voulaient offrir un DVD de Bigard à leur grand-mère que personnellement je le trouvais de moins en moins drôle et de plus en plus vulgaire. Une autre fois, j'ai dis à ma nièce que je n'aimais pas Patrick Bruel, oui, vous avez bien entendu : Patrick Bruel, un gentil gars comme lui qui chante avec les Enfoirés. J'ai même - quelle horreur ! - ouvert un blog.
Dans le public il y a des "Oh !" choqués mal retenus.
- J'y déversais ma méchanceté, ma haine pathologique du monde et de mes semblables, avec dans l'idée - j'en suis sûr maintenant que j'y vois plus clair - de blesser mes contemporains, de salir toutes ces personnalités qui ne pensent qu'à notre bonheur.
Il s'arrête encore, essoufflé, puis reprend, la gorge un peu nouée :
- Je crois aussi que je voulais entraîner d'autres personnes avec moi. Je sais, c'est dégueulasse, mais je l'ai fait. J'étais devenu une bête immonde, un suppôt du mal. Oh ! par pitié, ne riez pas. Ces mots me semblent bien faibles par rapport à ce que j'étais devenu. J'en étais venu à passer devant une affiche de de Villiers sans penser à l'arracher, à ne pas être attendri par une interview d'Emmanuelle Béart, à dire à des jeunes qu'il ne fallait pas croire tout ce qu'on entend et quantité d'autres choses aussi épouvantables... Il m'arrivait même d'être fier de moi à certains moments. Et puis un jour, je ne sais pas trop pourquoi, j'ai douté. Et un ami - l'un des rares qu'il me restait - me parla de l'AMPA, l'Association des Mal-Pensants Anonymes. J'ai tout d'abord refusé : "c'est vrai, il m'arrive de ne pas penser comme la plupart des gens, mais ça arrive à tout le monde !" ou "ce n'est que de temps en temps" ou encore "j'arrête quand je veux" et toutes les fadaises que l'on peut dire quand on est gravement malade... Et puis j'ai franchi le pas, et me voilà devant vous. J'espère n'avoir choqué personne. Merci.
Dans l'auditoire il y a une ou deux secondes de silence et puis ce sont les applaudissement et des "Bravo Pharamond !" L'animatrice s'approche du pupitre en applaudissant, attendrie.
- On applaudit bien fort Pharamond pour sa courageuse prestation.
Le public s'exécute, Pharamond baisse les yeux, ému.
- Nous souhaitons tous une bonne guérison à notre nouvel ami. Il va sans dire que j'ai bon espoir, il m'a confié qu'il recommençait déjà à regarder la télévision.
Pharamond gêné quoique flatté :
- Vous m'aviez promis de ne pas en parler la première fois.
L'animatrice, complice :
- Allons, il faut savoir se mettre en valeur pour progresser.
Puis, pour l'assemblée :
- C'est tout pour ce soir. Au revoir, merci à tous, et n'oubliez pas : à la semaine prochaine, même jour, même heure.
Le public se lève, certains vont serrer la main du héros de la soirée pour le féliciter ou échanger quelques mots avec lui, une femme s'essuie les yeux.
Sur le chemin du retour, la radio diffuse une chanson de Yannick Noah et quand elle s'achève Pharamond constate, euphorique, que l'idée de changer de station ne lui a même pas effleuré l'esprit. Peut-être même, se dit-il, ce week-end irait-il acheter l'album. Pourquoi peut-être ? C'était sûr et certain, il irait l'acheter ! Pharamond pense alors avec délectation qu'indéniablement il est sur la voie express de la guérison.
19:06 | Lien permanent | Commentaires (10)
03/12/2014
Sites mal-pensants francophones (12)
Attention aux amalgames ! La liste suivante a été uniquement constituée dans un but informatif, y figurer n'implique en aucune manière être nécessairement en accord avec les idées défendues dans les autres sites en lien sur cette même liste... ni avec les miennes.
34 nouveaux liens ajoutés au Pandémonium
17:20 | Lien permanent | Commentaires (2)
Le projet
Le nouveau roi était un bon roi ; il n’aimait pas la guerre. Il se mit à chercher comment l’éviter à son peuple pour toujours et après avoir longuement réfléchit au problème, il trouva enfin la solution. Il était si heureux de sa découverte qu’il fit convoquer ses ministres dans l’heure et leur dit :
- J’ai enfin trouvé le moyen d'apporter le bonheur à mon peuple ; il suffit de lui assurer la paix et pour cela de ne plus avoir d’ennemis. Comment faire, me demanderez-vous ? Rien n’est plus aisé, mes prédécesseurs ont toujours cru que l’ennemi nous obligeait a posséder des remparts, alors que c’est exactement le contraire, ce sont les remparts qui créent l’ennemi. Donc, dès demain nous allons entreprendre la démolition de toutes nos fortifications et dissoudre l'armée.
L’assemblée resta silencieuse un instant, abasourdie, puis un ministre se mit à applaudir, puis un autre et un autre encore. Bientôt la grande salle du Conseil résonnait des applaudissements et des vivats de tous les ministres. Tous ? Non, au fond de la salle, un vieux ministre attendait la fin des acclamations pour donner son avis.
Quand le calme revint, il leva la main pour demander la parole.
Le Roi le vit :
- Monsieur le Ministre de la Guerre, je crois deviner la liste des arguments que vous allez nous soumettre afin que je ne mette pas mon projet à exécution, et surtout vous vous demandez ce que vous allez devenir sans guerre, n’est-ce pas ?
Le Ministre de la Guerre essaya de se faire entendre malgré les rires moqueurs :
- Votre Altesse, je crois que...
- Monsieur le Ministre, vous m’avez toujours servi avec fidélité et compétence et en récompense de vos bons et loyaux services je vous nomme Ministre de la Paix, reste à vous d’en faire quelque chose d’efficace avec le même zèle que vous mettiez jadis à faire la guerre.
Les paroles étaient presque insultantes et les ricanements allèrent de plus belle. Le ministre ne releva pas et essaya de nouveau de se faire entendre :
- Votre Altesse, il ne s’agit pas de cela mais...
Le Roi ne le laissa pas finir :
- Messieurs, je vous remercie.
Le Grand chambellan s’avança et frappa le sol de sa lourde canne pour signifier que la séance était levée. Dans les couloirs, le ministre de la Guerre reçu quelques tapes qui se voulaient amicales et beaucoup de regards ironiques. "Ainsi vont les choses, pensa-t-il, hier encore, on n’osait faire quoi que se soit sans demander mon avis, et aujourd’hui, je suis sujet à la moquerie et à la pitié."
Les travaux allèrent bon train bien que le peuple, qui pourtant haïssait la guerre, mit quelque temps à accepter de voir ses murailles s’abattre une à une. Mais bientôt, pris dans l’euphorie, il s’enthousiasma plus encore que les Grands du Royaume. Les militaires démobilisés furent mis à contribution et firent preuve d'autant de conscience à détruire leurs forteresses que s'il s'agissait de bastions ennemis. À travers le pays ce n'était que festivités et farandoles autour des décombres de l'ancien monde.
L'ex-ministre de la Guerre tenta plusieurs fois d’approcher le Roi pour lui faire part de ses inquiétudes, mais il se fit à chaque fois éconduire sous quelque prétexte et les lettres qu'il lui envoya ne reçurent nulle réponse. Il refusa sa nouvelle charge et finit par se retirer dans son domaine campagnard. Il y continuait, bien sûr, entre promenades et lecture, à se tenir au courant du déroulement du projet royal. Les villes n’avaient plus de remparts, les forteresses avaient été démantelées et les armées dissoutes. Et plus incroyable, les pays voisins commençaient à être pris de la même frénésie. Les petits royaumes du nord, ceux de l’est, les myriades de principautés, tous s’y mirent. Il ne restait que l’empire situé le plus à l’est, à la lisière de la civilisation, face aux steppes. Il tint quelques temps, mais sous la pression des autres nations, de ses diplomates ostracisés, de ses banquiers inquiets et de ses commerçants affaiblis par le boycott de leurs marchandises, il y vint aussi. Et comme très souvent dans ces cas-là, ceux qui prennent du retard finissent par se montrer les plus zélés pour faire oublier leurs réticences passées.
Un jour pourtant, l’ex-ministre de la Guerre reçu une invitation pour assister à des festivités à la cour. Peut-être, le Roi avait-il finit par lui pardonner ou plus vraisemblablement s’agit-il d’une erreur ou d’un coup de pouce d’un ami influant resté fidèle ? Peu importait, il n’irait pas s’humilier chez ses ingrats. Il allait jeter la missive dans l'âtre de la cheminée quand il se ravisa, il irait. Une dernière fois, il essayerait de faire son devoir qui était de protéger le Royaume et les sujets de Sa Majesté.
Le jour venu, alors que les réjouissances battaient leur plein au Palais royal, il s’approcha du Roi pour lui parler. Sur son passage, les courtisans s'écartaient comme s'il s'agissait d'un malade contagieux ou d'un spectre. Bien peu le saluèrent.
- Votre Altesse.
- Oui ?
Le Roi se retourna, et en voyant son ex-ministre de la Guerre, il eu un mouvement de surprise contrarié :
- Vous ici ?
- J’ai une invitation, Votre Altesse.
- Je n’en doute pas, vous n’êtes pas homme à frauder. Que voulez-vous ?
- Une dernière fois je supplie Votre Altesse, maintenant que nos places fortes n’existent plus, de reconstituer une armée afin de défendre le Royaume en cas de conflit.
Le Roi soupira et regarda son ancien ministre, mi-irrité mi-amusé, comme un père indulgent regarde un fils un peu têtu.
- Monsieur, vous n’avez donc pas encore compris. Êtes-vous à ce point aveuglé pour ne pas voir l'évidence ? Regardez autour de vous, tout le monde se réjouit car les temps ont changé. Dorénavant, il n’y aura plus de guerres. Et vous savez pourquoi ? Parce que tout le monde aime la paix, l’a toujours aimée. C’est aussi simple que cela.
- De grâce, Votre Altesse, juste quelques bataillons. Qu'est-ce que cela peut bien changer au déroulement des événements actuels ?
- Mais tout, voyons. Mon projet n'est cohérent qu'unanimement accepté et respecté, concéder la plus petite compromission serait croire à son échec éventuel et le provoquerait par là même, j'en suis persuader. Maintenant, laissez-moi et allez vous amuser...
Il voulu rajouter "si vous en êtes capable", mais se retint.
Des mois passèrent et l’ex-ministre finit par douter du bien fondée de son obstination. Et si, finalement, le Roi avait raison ? Et si l’Homme n’était pas cette créature dont il fallait toujours se méfier ? Et si sa destinée était de vivre heureux dans la paix ? Peut-être toutes ces années de guerre lui l’avait-elles données une vision erronée et négative de l’humanité, en vint-il à penser. Pourtant quelque chose en lui restait à l'affût, une sourde angoisse le réveillait la nuit.
Les premières nouvelles arrivèrent au printemps de l’année suivante. Ceux des steppes avaient attaqué l’empire qui leur était frontalier. À chaque nouvelle dépêche, on apprenait que les envahisseurs s’étaient enfoncés encore plus loin dans l’empire. Bientôt, on apprit que sa capitale était tombée. Puis se fût le tour des royaumes du centre. Il succombèrent les uns après les autres. Les rescapés rapportaient d’épouvantables histoires de massacres et de déportations. Pendant que les hordes saccageaient les états du nord et s’approchaient à la vitesse de leurs chevaux des frontières du Royaume, le Roi envoya un courrier à son ex-ministre de la Guerre en lui ordonnant de former une armée de toute urgence pour défendre le pays dans le cas où ses émissaires n’arrivaient pas à convaincre "Ceux des steppes" de faire la paix. Les émissaires ne revinrent pas de leur mission. Et quand l’ennemi franchit la frontière, le chef des armées rétabli dans ses fonctions ne put leur opposer que de maigres levées mal entraînées et démoralisées. Au premier choc, la plupart se débandèrent. Ceux qui résistèrent se firent massacrer, le ministre de le Guerre en fit parti.
Bientôt toute résistance cessa. Le Roi avait été fait prisonnier lors de l’assaut de la capitale. Chargé de chaînes, il comparut devant son vainqueur afin que celui-ci décida de son sort.
- Peu m’importe le destin que vous me réservez puisque plus rien n'a désormais d'importance pour moi, mais je voudrais seulement comprendre : pourquoi ?
Le Maître des steppes et aujourd'hui souverain de la presque totalité des terres connues parut surpris par l’incongruité de la question, mais il daigna tout de même répondre :
- Pourquoi l'aigle s'abat-il sur le lièvre ?
16:45 | Lien permanent | Commentaires (4)
02/12/2014
Musique (362)
Loreena McKennitt
Night ride across the Caucasus
Yann Tiersen & Claire Pichet
Rue des cascades
Shantel
Disko Boy
21:50 | Lien permanent | Commentaires (2)