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27/03/2006

Chienlit (3)

- D'abord un article paru dans le Bordeaux 7 du lundi 27 mars 2006 :

Des étudiants, simplement

Loin de l'image du « casseur » de banlieue. Le profil des jeunes qui ont été jugés ces derniers jours après les violences lors des manifs est souvent le même : étudiants, au parcours souvent sans failles, ou travailleurs précaires, très majoritairement sans aucun antécédent judiciaire, « cadrés » par « un environnement familial solide », selon les enquêtes de personnalités réalisées avant les audiences. Julien, 21 ans, intérimaire sans emploi, regrette d'avoir « bêtement » jeté une bouteille sur des policiers, jeudi à Paris. Il s'explique à la barre : « Tout le monde était déchaîné. C'était vraiment impressionnant, je vous le jure. Il n'y avait pas de règles ». Une avocate, Me Valérie Ficot, a mis sur le compte d'une « contagion de la violence » ou d'« erreurs de jeunesse » les actes de ses clients. « Ce qu'on voit ici, ce sont des étudiants mais pas de casseurs qui tapaient des jeunes filles ou agressaient des CRS ».On ne s'en est « pas pris aux bonnes personnes », estimait samedi la mère d'un des manifestants jugés en comparution immédiate. Mais selon un magistrat du parquet de Paris, « il ne faut pas avoir une lecture binaire des affaires : d'un côté les casseurs habitués à venir en découdre et d'autres plus angéliques qui ne viendraient que manifester et qui sont pourtant arrêtés en flagrant délit d'exactions ».

- Ensuite, des éléments nouveaux concernant les événements de vendredi dernier :

Les deux groupes de manifestants dont je relate les exploits semblent être distincts. Le plus important, celui qui a défoncé le portail "s'est contenté" d'arracher une poubelle murale pour briser quelques vitres et d'occuper la cour pendant quelques minutes avant de ressortir par où ils étaient entrés. L'autre, celui qui s'est affronté au directeur et aux professeurs avait pénétré quelques instants dans le lycée par l'entrée opposée. C'est lui qui a commis le plus de déprédation et qui a bousculé élèves et adultes avant d'être repoussé dans la rue et tenter de revenir à l'intérieur sans succès.

La professeur pris à partie est arrêtée 15 jours. L'élève blessée à l'arcade sourcilière a eu 7 points de suture.

Pendant le week-end, des individus ont pénétré dans le lycée et ont brisé la vitre d'un bureau avant de partir précipitamment à cause du déclenchement de l'alarme intrusion. Une fenêtre de l'école primaire du même groupe scolaire donnant dans la rue a également été cassée.

 

Le principe de la grenouille dans la marmite d’eau (ou l’inconscience du changement)

Imaginez une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite. L’eau se chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager. La température commence à grimper. L’eau est chaude. C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille ; ça la fatigue un peu, mais elle ne s’affole pas pour autant. L’eau est maintenant vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien. La température de l’eau va ainsi monter jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir, sans jamais s’être extraite de la marmite.

Plongée dans une marmite à 50°, la grenouille donnerait immédiatement un coup de pattes salutaire et se retrouverait dehors.

Cette expérience (que je ne recommande pas) est riche d’enseignements. Elle montre que lorsqu’un changement négatif s’effectue de manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps pas de réaction, pas d’opposition, pas de révolte.

C’est exactement ce qui se produit dans la société où nous vivons. D’année en année, on observe une constante dégradation des valeurs, laquelle s’effectue cependant assez lentement pour que personne - ou presque - ne s’en offusque. Pourtant, comme la grenouille que l’on plonge brusquement dans de l’eau à 50°, il suffirait de prendre le Français moyen du début des années 80 et, par exemple, de lui faire regarder la TV d’aujourd’hui ou lire les journaux actuels pour observer de sa part une réaction certaine de stupéfaction et d’incrédulité. Il peinerait à croire que l’on puisse un jour écrire des articles aussi médiocres dans le fond et irrespectueux dans la forme que ceux que nous trouvons normal de lire aujourd’hui, ou que puissent passer à l’écran le genre d’émissions débiles qu’on nous propose quotidiennement. L’augmentation de la vulgarité et de la grossièreté, l’évanouissement des repères et de la moralité, la relativisation de l’éthique, se sont effectués de telle façon - au ralenti - que bien peu l’ont remarqué ou dénoncé.

De même, si nous pouvions être subitement plongés en l’an 2022 et y observer ce que le monde sera devenu d’ici là, s’il continue de dévaler la pente sur laquelle il se trouve, nous en serions sans doute encore plus interloqués, tant il semble que le phénomène s’accélère (accélération rendue possible par la vitesse à laquelle nous sommes bombardés d’informations nouvelles et en oublions le reste). Notons d’ailleurs que les films futuristes s’accordent pour ainsi dire tous à nous présenter un futur certes " hyper-technologique " mais surtout des plus lugubres.

Chaque fois qu’un changement est trop faible, trop lent, il faut soit une conscience très aiguisée soit une bonne mémoire pour s’en rendre compte. Il semble que l’une et l’autre soient aujourd’hui chose rare.

Sans conscience, nous devenons moins qu’humain.

Sans mémoire, nous pourrions passer chaque jour de la clarté à la nuit (et inversement) sans nous en rendre compte, car les changements d’intensité lumineuse sont trop lents pour être perçus par la pupille humaine. C’est la mémoire qui nous fait prendre conscience a posteriori de l’alternance du jour et de la nuit.

Gavée par trop d’informations inutiles, la mémoire s’émousse.

Abrutie par un excès de stimulations sensorielles, la conscience s’endort.

Et notre civilisation s’enfonce ainsi dans l’obscurité spirituelle, avec le délitement social, la dégradation environnementale, la dérive faustienne de la génétique et des biotechnologies, et l’abrutissement de masse - entre autres symptômes - par lesquels elle se traduit.

Le principe de la grenouille dans la marmite d’eau est un piège dont on ne se méfie jamais trop si l’on a pour idéal la recherche de la qualité, de l’amélioration, du perfectionnement, si l’on refuse la médiocrité, le statu quo, le laisser-faire.

Incidemment, ce principe fonctionne aussi au positif et même en cela il peut nous jouer des tours. Les efforts que l’on fait quotidiennement provoquent eux aussi des changements - positifs, cette fois - mais parfois trop faibles pour être immédiatement perçus ; ces améliorations sont pourtant bien là, et à ne pas les observer, certains se laissent décourager à tort.

Comment, alors, ne pas succomber au piège du principe de la grenouille dans la marmite d’eau, individuellement ou collectivement ?

En ne cessant d’accroître sa conscience, d’une part, et en conservant un souvenir intact de l’idéal et des buts que l’on s’est fixés.

L’entraînement et le développement de la conscience sont l’un des points communs de toutes les pratiques spirituelles : conscience de soi, conscience du corps, conscience du langage, conscience de ses pensées, conscience de ses émotions, conscience d’autrui, etc. Au-delà de tout dogme, de toute doctrine, de toute idéologie, l’élargissement et l’accroissement de la conscience devraient donc être considérés - bien plus que le développement des seules facultés intellectuelles - comme un comportement fondateur de notre statut d’humain et comme un moteur indispensable à notre évolution.

Olivier Clerc

 

Lu dans Le Scribarium d'Olivier Clerc 

 

Le tour de France des monuments (choix absolument arbitraire) : France

Les plus beaux parcs et jardins

 

25/03/2006

Banc public

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Anne Magill

By the river

Images (3)

L'art serein d'Edward Gordon.

 

Je m'interroge (5)

Un pouvoir continue-t-il d'être légitime quand il n'assure plus la sécurité des citoyens ?

Chienlit (2)

- D'abord une dépêche AFP du 24 mars 2006 :
 
La police accusée de laxisme face aux casseurs, Sarkozy muscle les consignes
 
Nicolas Sarkozy a donné vendredi de nouvelles consignes aux forces de l'ordre afin d'arrêter les casseurs, alors que l'opposition et certains témoins accusent CRS et gendarmes mobiles de ne pas intervenir quand les manifestants anti-CPE sont attaqués par des groupes violents.
"Face à l'évolution de la situation, je vous demande de mettre en place des dispositifs particulièrement adaptés à l'interpellation des fauteurs de troubles", a-t-il dit, ajoutant que, si nécessaire, "il faut rentrer à l'intérieur" des cortèges "aller chercher ceux qu'on doit aller chercher".
Jeudi soir à Paris, à la fin de la manifestation de 23 000 à 50 000 lycéens et étudiants opposés au contrat première embauche (CPE), des centaines de jeunes, le visage souvent dissimulé et armés de barres de fer, ont agressé des manifestants ou des passants, et commis des vols et dégradations.
"Intervenez, intervenez", leur criaient, parfois en pleurs, des étudiants ou lycéens victimes d'agressions, de vols ou de véritables passage à tabac, ont constaté les journalistes de l'AFP.
"Mon copain était au sol et une bande lui portait des coups à la tête et au ventre", explique Julie, lycéenne de 16 ans, qui participait à la manifestation "de manière pacifique". "J'ai hurlé aux CRS de l'aider mais ils n'ont pas bougé. Ils ont regardé".
"On se demande si le gouvernement ne cherche pas à "punir" les jeunes qui osent manifester contre lui en ne les protégeant pas des groupes violents", dit Romain, victime d'un vol de portable et d'un passage à tabac devant "des flics restés de marbre".
Des accusations relayées par le Mouvement des jeunes socialistes, qui a affirmé que des étudiants parisiens "pris au piège" se sont fait "tabasser par des casseurs sous les yeux des CRS". Les ténors du parti ont embrayé, François Hollande estimant notamment que le pouvoir n'était "pas fâché qu'il y ait des incidents".
Vendredi, recevant une centaine de membres des forces de l'ordre place Beauvau, le ministre de l'Intérieur a répondu en musclant les consignes, demandant aux forces de l'ordre des "dispositifs" pour interpeller les casseurs à l'intérieur des cortèges "s'il le faut".
Depuis le 16 mars, quand les manifestations ont commencé à être infiltrées par des groupes violents, les policiers sont placés devant un "choix cornélien", explique Jean-Claude Delage, d'Alliance (second syndicat des gardiens de la paix): "Il nous faut protéger de très jeunes lycéens qui défilent sans réel service d'ordre et en même temps aller chercher des voyous. Il nous est difficile d'appliquer à la fois la consigne de fermeté à l'égard des casseurs et de sang-froid à l'égard des manifestants autorisés".
Dominique Achispon, du syndicat national des officiers (SNOP,majoritaire) souligne la difficulté de l'exercice. "Dans les manifestations de jeunes, il faut à tout prix éviter les mouvements de foule, de panique qui risquent de se produire si nous intervenons en force".
Les "JV" (jeunes violents) comme les appellent les RG, ne sont pas homogènes, ont noté les journalistes de l'AFP. La tendance anarchiste et autonome veut s'en prendre aux symboles de l'Etat, notamment la police. Certains groupes organisés viennent pour commettre des vols, et pour d'autres, proches des émeutiers de novembre, casser est un moyen d'expression.
Enfin, certains étudiants estiment que la violence est devenue légitime dans la mesure où le gouvernement n'a pas tenu compte du mouvement pacifique.
 
- Ensuite, des événements dont j'ai été personnellement témoin ou qui m'ont été relatés dans les minutes qui suivirent leur déroulement :
 
Vendredi vers 11h30, deux ou trois cents "manifestants" arrivent devant un lycée suivit par deux policiers en scooter, trouvant le portail fermé, ils le poussent jusqu'à ce que la serrure cède. Ils envahissent la cour puis pénètrent dans un bâtiment. Sur leur passage, ils arrachent les affiches, brisent des vitres et les pots de plantes vertes, enclenchent les système d'alarme incendie, décrochent les poubelles et les extincteurs pour s'en servir comme projectile. Ils pénètrent dans une classe où a lieu un cours et s'en prennent au professeur qui est dégagée par ses élèves. Ils ressortent enfin du lycée de l'autre côté. Entre temps, une élève, poussée contre une porte, à l'arcade sourcilière ouverte et le sac à main d'un professeur est volé, en essayant de la reprendre, une autre élève reçoit un coup au visage, heureusement sans gravité. Ils restent une cinquantaine de manifestants qui essaient d'entrer à nouveau dans l'établissement, ils ont des tournevis et des clés anglaises afin de démonter le portail. Le directeur, quelques élèves et des professeurs leur font face. Ils sont hués, menacés, insultés, bousculés, mais après quelques échanges de coups, les jeunes finissent par partir en promettant de revenir dans l'après-midi. Arrive un motard de la police, pris à partie par le directeur, il ne répond rien et regarde ailleurs l'air agacé puis finit par répondre "moi aussi j'ai été caillassé". Le chef de l'établissement rentre dans son bureau pour appeler la police et lui demander une protection pour l'après-midi. Devant le refus des fonctionnaires, il décide de fermer le lycée jusqu'à nouvel ordre afin d'assurer la sécurité des élèves et du personnel. Le bilan des dégâts matériels et corporels ne sont pas trop important, mais c'est grâce au calme et à la détermination du personnel et aussi à une part de chance, les projectiles n'ayant atteint personne. De nombreux adolescents et la professeur bousculée ont été choqués devant tant de violence, le directeur adjoint me dira que ce qui l'a le plus impressionné c'est la haine que l'on pouvait lire dans les yeux de certains jeunes.