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20/01/2016

Signaux

Dans les salles de rédaction, on s'interroge d'ailleurs souvent et avec gravité pour savoir comment présenter une situation afin que l'opinion mesure enfin l'importance, voire la centralité, des informations que l'on souhaite publier. La parution d'un nouveau rapport sur la pollution, les prémisses d'une guerre, la survie de la planète donnent lieu à de multiples tractations, pour décider quelles balises allumer, quelle taille donner au titre, quels mots employer afin de réveiller la planète et provoquer l'effet d'un signal d'alarme.

Il ne s'agit pas là d'un phénomène à prendre à la légère. Au contraire, il s'inscrit peut-être dans l'un des rares espaces de réelle sincérité entre le journaliste et tout citoyen qui s'inquiète du devenir de la société ou du monde. Pour les uns et les autres, il se joue là quelque chose d'intime et de profond, une question nichée au creux de la conscience. Dans chaque situation à laquelle il est confronté, le journaliste va tenter de déceler ces indices qui lui indiqueront qu'un point de non-retour est désormais atteint. De son côté, en écoutant ensuite les informations, le public va à son tour tenter de distinguer ces lumières, qui pourraient lui annoncer que «dorénavant, ce n'est plus comme hier». L'auditeur écoute, se demande si le jour n'est pas arrivé, si cette fameuse goutte d'eau ne serait pas justement en train de tomber, exigeant désormais qu'il réagisse. Avec un sérieux teinté parfois. La fabrication de l'information d'une certaine angoisse, il dévorera les journaux en cherchant cette seule information : celle qui lui dira avec certitude que l'on est « officiellement » dans l'inacceptable.

Cette croyance a créé un rapport à l'information de plus en plus irrationnel, révélant deux types d'attitudes extrêmes, opposées en apparence mais qui reviennent au même. D'un côté, une partie du public veut toujours davantage d'informations. Ceux-là ne décrochent jamais, branchés en continu sur les sources d'informations disponibles, taraudés par le sentiment que, s'ils éteignent le poste, ils risquent d'être largués dans un monde de plus en plus menaçant-compliqué-rapide. À l'inverse, d'autres ont tout à fait lâché prise, avec la claire sensation d'avoir raté le début du film : les nouvelles relèvent désormais d'un monde tout aussi menaçant-compliqué-rapide, mais qui ne les regarde pas ou plus. Le timbre d'une radio provoque même une sorte de rejet. Si les premiers restent sur un qui-vive permanent, craignant de rater le «signal d'alarme», les seconds en revanche ont l'impression de l'entendre perpétuellement carillonner à leurs oreilles, à tort et à travers. Ils ressentent une sorte de saturation face à une presse qu'ils vivent dans la surenchère permanente, donnant le tocsin à la moindre alerte.

 

Florence Aubenas et Miguel Benasayag

La fabrication de l'information

Les journalistes et l'idéologie de la communication

 

Le livre est en lecture gratuite ici. Des choses intéressantes mais écrites par une journaliste de Libération, alors même si elle semble s’y interroger avec une certaine honnêteté elle reste prisonnière de son univers mental manichéen et étroitement borné.

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