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01/06/2020

Fâchés

La chanteuse et peut-être sociologue Camélia Jordana a commis quelques erreurs dans sa dénonciation argumentée et nuancée des forces de l'ordre lors de l'émission "On n'est pas couché" du samedi 23 mai.

"[...] En fait, il y a des hommes et des femmes qui se font massacrer quotidiennement en France, tous les jours, pour nulle autre raison que leur couleur de peau. Donc en fait, c’est l’une des raisons pour lesquelles les gens sont fâchés après la police."

Je me permets par conséquent d'apporter quelques rectifications mineures à son analyse. En fait il ne s'agit pas de "massacrer", mais d’arrêter arbitrairement, de frapper inconsidérément et parfois de mutiler impunément. Ce n'est "quotidiennement, tous les jours", mais plutôt le premier jour du week-end. Enfin, le problème n'est pas une question de "couleur de peau", mais de couleur de gilet. J'ajouterai qu'il est un peu maladroit de sa part de rappeler des faits somme toute anecdotiques et qui appartiennent maintenant au passé.

Carte blanche (19)

Blumroch ne me l'ayant pas défendu je m'autorise à faire ce billet d'un de ses commentaires. J'espère qu'il ne m'en tiendra pas rigueur.

En hommage à *Brave New World*, Jean-Louis Curtis avait rassemblé dans *Un saint au néon*, publié en 1956, quelques récits exemplaires. Le ton était donné dès l'*Avertissement*, qui interdisait par avance toute interprétation malveillante de son propos :

"Toute ressemblance avec des personnalités ou des institutions contemporaines ne serait due qu'à une pure étourderie de la part de l'auteur, dont la révérence à l'égard des valeurs de son siècle ne saurait être mise en doute."

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"Les honneurs et la publicité. C'est peut-être la version moderne de la persécution. Autrefois, on se débarrassait de certains hommes en les lapidant ou en les laissant mourir de faim dans une prison. Aujourd'hui, on a trouvé mieux pour se débarrasser d'eux : on les transforme en vedettes. C'est diabolique."

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"Je n'ai pas devant moi des hommes vivants. Car les hommes vivants sont des hommes de refus ; et vous acceptez tout, passivement : la propagande, le tam-tam des slogans publicitaires, les mots d'ordre, les idées préfabriquées, un sentimentalisme de dessins animés, une religion pour théocratie aztèque. Vous êtes brimés et vous vous croyez protégés. Vous êtes des faisceaux de réflexes conditionnés et vous vous croyez libres. [...] Vous acceptez que la science modifie les structures de votre cerveau, sous prétexte de vous rendre meilleurs et de vous intégrer plus étroitement à la collectivité ; en fait pour vous dépouiller un peu plus de votre qualité humaine et vous rapprocher un peu plus du robot heureux. Vos savants auront tué la vie et la conscience – et naturellement, vous n'en saurez rien, parce que vous êtes déjà morts : des morts spirituels, dotés de réflexes et de tropismes. Vous êtes entrés déjà dans l'Utopie. L'âge d'or est venu. Les temps sont venus : les temps de la mort de l'Homme. Jamais l'espèce humaine n'a été plus confortable. Il n'y a plus de mal. Il n'y a plus de désordre. Il n'y a que de la culpabilité : ce qui n'est pas conforme est coupable. Un jour, je vous le prédis, votre âge d'or créera des camps de concentration pour les non-conformes. Un jour, vous jetterez les non-conformes dans des camps d'expiation et de destruction. Partout où brillera une étincelle d'humanité véritable, vos polices se précipiteront pour l'éteindre. Car l'humanité véritable, c'est la mort, la souffrance et le désordre. [...] Il n'y a plus de religion, mais on l'a remplacée par une théocratie. Il n'y a plus de morale, il n'y a plus que des lois et un conformisme. Il n'y a plus d'hommes libres, il n'y a que des robots."

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D'un rebelle, d'un réfractaire :

"Il a horreur de la vulgarité. Il pardonnerait à la civilisation moderne sa férocité, son hypocrisie, son cabotinage. Il ne lui pardonne pas son aveuglement, sa bêtise, ses contradictions. Il ne lui pardonne pas d'avoir pris le confort pour le bonheur, la sécurité pour l'équilibre, la sous-vitalité pour la vertu, la publicité pour la grandeur. Il ne lui pardonne pas de brimer l'être humain et d'avoir complètement étouffé en lui jusqu'à l'esprit de révolte."

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"Évidemment, qu'une humanité qui s'était autrefois distinguée par les invasions, les croisades, les guerres civiles, Maître Eckhart, Dante, Shakespeare, Mozart, par les hérésies religieuses, par saint Ignace de Loyola, par des reîtres et des mystiques, des papes criminels et des révolutionnaires inspirés, par l'orgueil, la luxure et la folie, mais aussi par le sacrifice, -- que cette humanité bornât désormais ses ambitions à l'achat d'un balai perfectionné, c'était un assez maigre progrès à inscrire au tableau de l'amélioration de l'Espèce..."

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Les valeurs à piétiner pour tenter de rester libre :

"La religion communautaire. La tyrannie policière. La soumission de l'individu aux impératifs de la collectivité. La standardisation. La série. La morale commune. La vulgarisation des connaissances. Tous les idéaux du siècle : confort, argent, réussite, efficacité."

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"Le monde ne sait plus jouer, il a perdu le secret, il ne comprend plus ni l'ironie, ni un humour un peu subtil, ni aucune espèce de voltige intellectuelle. Le monde est affreusement lourd, il prend tout au pied de la lettre, il marche à travers d'épaisses notions avec de gros sabots ; il n'a aucun sens de l'élégance qu'il y a à se moquer de soi-même et de ce qu'on aime le plus et à fournir des armes contre soi ; l'antiphrase l'égare ; la parodie lui échappe ; un minimum de raillerie le déconcerte."

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Le pouvoir central, récupérateur par essence, entend contrôler une fausse opposition en créant un Club des Happy Few, reconnu d'utilité publique, patronné par le ministère de la propagande et par le ministère de l'éducation nationale. Un club sélectif ouvert à tous :

"Naturellement, il faudra distiller l'irrespect et la révolte à petites doses prudentes, inoffensives. Oh, ils ne sont pas difficiles, ils se contenteront de peu."