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24/02/2012

Bobocratie


Les médias, la finance, les élus, le show business, ce qu'on lit, ce qu'on voit, ce qu'on pense c'est eux. Pouvoir et pseudo contre-pouvoir, ils débattent pour des points de détail, occupent l'antenne et les colonnes des journaux à longueur d'année. Minorité volumineuse, elle ne laisse de place pour personne. Les autres ? ils n'existent que par la manière dont ils sont définis par eux, étrangers éternelles victimes malgré leurs bonnes intentions, peuple ignorant bon à amuser lourdement entre deux informations formatées pour leur bien, nébuleuse fasciste sans cesse renaissante à combattre quotidiennement sans aucune pitié. Le monde et l'histoire vu par eux sont en noir et blanc, contraste au maximum. Qui s'en plaint d'ailleurs ? La quasi totalité de la population souhaite faire partie de ce monde privilégié, singe son mode de vie, rêve d'être cooptée grâce à sa profession, à la faveur d'une amitié ou, pourquoi pas, en participant à un reality show, il suffit parfois d'être vu, peu importe ce qu'on a à dire. Bourgeoisie bohème, elle a réussit le tour de force de concilier l'argent et le progressisme. C'en est fini de l'image de l'ancien bourgeois frileux et réactionnaire, plus de complexes, l'avenir est à eux. Ils essaient d'ailleurs de façonner le monde futur à leur image, celle qu'ils ont d'eux-mêmes, léger, ouvert, citoyen, écologique, généreux, ludique, pacifique, démocratique ; une sorte de Jérusalem céleste ou d'Eden laïque. Bien sûr, la belle mécanique grippe encore par endroits mais ce n'est pas de leur faute mais celle des autres, les méchants, les sournois, les aigris, les incultes accrochés à d'anciennes valeurs moribondes et nauséabondes, la nation, la religion, la volonté de vivre chez soi selon ses coutumes... La potion magique pour que leur monde voit enfin le jour : l'argent. Eh oui, ces êtres quasi éthérés en sont là ! Pour eux l'argent, qu'ils appellent pudiquement le progrès, peut tout dissoudre, les frontières, la violence, la religion, la guerre, la nation, le racisme... Et pour avoir plus de progrès il faut plus de mondialisation ; si les choses se passent bien cela prouve que cela marche et donc qu'il faut continuer dans ce sens, si les choses se passent mal c'est que l'on ne va pas assez vite et qu'il faut accélérer les choses parce que le bobocrate ne doute jamais. Sa sagesse absolue il ne l'a pas reçue de Dieu qui n'existe pas mais de lui-même, triomphe de l'humanisme, l'homme boboïde est au centre de l'Univers. Que tout le monde ne puisse pas penser comme lui, que la religion ne soit pas forcément soluble avec le consumérisme, que des personnes n'aient pas envie de vivre avec certaines autres qu'on leur impose, que l'on puisse être attaché à son bout de terre ou à ceux qui nous ressemblent, qu'ils y aient des individus mal intentionnés même chez les opprimés, que les hommes privés de racines ne deviennent pas légers pour autant mais seulement à la merci des bourrasques, et quantités d'autres petits détails de ce genre le bobo s'en moque ; c'est dimanche, le nez au vent, il fait du roller avec sa femme et ses enfants sur l'avenue devenue piétonne le temps d'un week-end.

Commentaires

Excellent ! Je vous félicite pour ce texte percutant et si juste.

Écrit par : Gaëlle Mann | 24/02/2012

Merci ;-)

Écrit par : Pharamond | 24/02/2012

c'est bien dit

Écrit par : Paul-Emic | 24/02/2012

Bref le bobo est un enfant.

Écrit par : Jean-Pierre | 24/02/2012

Paul-Emic > Merci.

Jean-Pierre > Un ado, je dirais, mais qui tient les rênes de la cité.

Écrit par : Pharamond | 25/02/2012

Bien vu !
Phillippe Muray ou Jean-Claude Michéa auraient pu écrire celà !

Écrit par : NonPossumus | 15/04/2012

Merci, vous me flattez.

Écrit par : Pharamond | 17/04/2012

Les commentaires sont fermés.