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18/12/2011

La charge

 

La charge 

Frederico aurait aimé que cette tension douloureuse au creux de son ventre soit de l’excitation, le fruit d’une poussée d’adrénaline qui l’aurait rendu impatient et avide du choc, mais c’était bien la peur qui lui martyrisait l’estomac.

Une peur pesante, presque brûlante, qui lui faisait honte mais qui se diffusait progressivement dans tout son corps, jusqu’aux paumes de ses mains agrippées au manche de pioche et qui commençaient à transpirer légèrement.

C’était sa première confrontation de rue. Il aurait tant voulu être enthousiaste, confiant, sûr de lui et même un peu bravache… Comme dans les livres. Comme dans les films.

Mais la masse hostile, armée et casquée, qui avançait lentement vers eux, glissant dans la rue étroite comme un vers monstrueux, avait eu raison de ses visions romanesques. Le nombre impressionnant des assaillants, leurs hurlements haineux, les boulons et les canettes qui commençaient à pleuvoir quelques mètres devant lui, le caractère désormais inévitable du contact, des coups, de la douleur et du sang, le plongeaient dans un état de panique intérieure dont il redoutait qu’elle soit visible par les camarades alignés à ses côtés.

C’est alors qu’il croisa le regard de Massimo, le chef de leur petit groupe de collage. Celui-ci, d’abord dur et concentré, se détendît soudainement pour accompagner un petit sourire en coin qui semblait dire : « Sacré dépucelage, hein, gamin ? ».

Massimo s’approcha alors de lui, détacha le casque de moto qui pendait encore au mousqueton accroché à sa ceinture et le lui tendit :

« Allez, mets ça, tu as une plus jolie gueule que moi, ce serait dommage pour ta fiancée que tu finisses avec la même tronche délabrée que ceux d’en face… »

Cette sentence provoqua un long rire salutaire au sein de la petite troupe dont les nerfs étaient à vifs depuis plusieurs minutes. Car Frederico n’était pas le seul à avoir peur, et c’était bien normal, car le courage n’est pas l’absence de peur mais la domination de celle-ci. Sans peur, il n’y a pas d’héroïsme, il n’y a que de l’inconscience et de l’irresponsabilité. Être courageux, c’est maîtriser sa peur et refuser d’être guidé par elle.

C’est ce que commençait à comprendre Frederico en sentant ses jambes se mettre brutalement en action dès que l’ordre de charger fût donné par Massimo. En infériorité numérique, il n’y avait pas d’autre stratégie possible. Aucune conforme à la dignité en tout cas. Et Frederico courrait maintenant avec rage et détermination vers ce qui le terrorisait un instant auparavant. Parce qu’il n’était pas seul, et parce qu’il avait un chef qui courrait en souriant à quelques pas de lui.

JesusFranco

Source Zentropa

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