12/02/2007
De la sélection des taches en matière d'élitisme
Je l'avoue humblement, l’art contemporain, moi, ça m’épate. Jadis, aux temps du figuratif, de l’impressionnisme, du surréalisme… bref, aux périodes où il n’avait pas besoin d’expliquer son oeuvre, l’artiste sortait pour trouver un sujet à peindre ou à sculpter ou bien le faisait entrer dans son atelier. Maintenant, on gagne du temps, les taches, les lignes et autres bizarreries informes, le peintre ou le sculpteur les cherche dans sa tête, il faut avouer à sa décharge qu’il aurait du mal à les trouver ailleurs. Donc, il reste chez lui et cogite. C’est une sorte d’art autiste. Mais bon, il a parfois fait plein d’études et il sait.
Pourtant, il arrive qu'un doute m’effleure, et si tout ça n’était qu’une vaste fumisterie payée en grande partie par nos deniers voire une escroquerie planétaire aux frais du contribuable. Pour le savoir il suffirait de ne plus subventionner l'art et laisser cela au mécénat privé. On verrait bien si la production serait la même qu’aujourd’hui. Et puis quelque part cela m’interpelle au niveau du portefeuille qu’une partie de mes impôts parte dans la poche de Machin qui empile des bouteilles vides ou de Truc qui peint des triangles de 12 mètres de côté. Bien sûr, le premier critique subventionné venu m'expliquerait sans aucun doute que « Machin détourne avec une rare hardiesse des artefacts usuels pour créer un nouvel univers modal et déstructure le quotidien post-moderne pour repositionner l’Humain à sa vrai place » et que « Truc par la monotonie et la verticalité des formes transcende la réalité spatiale pour obliger le spectateur à regarder son propre néant » et que de toute façon Machin et Truc sont exposés à Berlin, New York et Sydney…
Personnellement, je déféquerais volontiers sur leurs œuvres, mettrais le feu à leur atelier et enverrais ces vampires pointer à l’ANPE, où ils ne manqueront pas d'apprécier au passage la hardiesse du logo. Vous trouvez ça choquant et scatologique ? Alors j’explique : « Grâce à ma production intestinale spontanée, je créerais une confrontation violente et constructive entre la matière brute et l’œuvre pensée. Puis, par l’autodafé du lieu de production objectale de sa créativité, je repositionnerai l’artiste face à la précarité de son statut de démiurge. Enfin, en lui proposant de procéder à la complémentarité des files ondoyantes et croissantes de demandeurs d’emploi rémunérés, j’opposerai la réalité horizontale à la verticalité de l’illusion. » Et si j’osais j’ajouterais que « au cas où des vitupérations aux sonorités dissonantes sortaient de la cavité buccale du dit artiste l’obligation serait faite à l’État forcement fasciste et réactionnaire de déconstruire la perpendicularité de son appendice nasal et la rotondité de sa boîte crânienne à l’aide d’un objet saucissoïde en matière synthétique tenu avec professionnalisme et efficacité par la mâle dextre gantée de la gente policière. » Et là c'est tout de suite mieux, l'essentiel est de rester entre personnes de goût...
19:48 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
1) merci pour les éclats de rire
2) "l'art contant pour rien ".. pourtant y en a qui m'éclatent vraiment bien !
3) en tant qu'Honorine , je me situe où ?
Un mécène me réclame ???
Écrit par : Cile et Honorine !!!! | 12/02/2007
Très amusant. Très pertinent.
Cependant. Je ne vois pas comme vous le mal dans la subvention (regardez la collection d'un mécène privé comme François Pinault) mais plutôt dans la transmission des savoirs artistiques : comment le métier s'acquiert et le goût se forme. Dans les mouvements artistiques que vous évoquez, l'acte de transmission se faisait entre maître et apprenti. Aujourd'hui cet acte passe par les écoles d'art. Cette rupture moderne est importante. Ces écoles font table rase d'une certaine tradition, technique notamment (le savoir-faire) au profit d'une intellectualisation de l'Art : il faut une attitude, qui sera décryptée par une notice écrite par qui de droit en bas à droite de chaque œuvre contemporaine. Paradoxalement, ces écoles ont été créées dans un souci d'égalitarisme et démocratique, contre un certain élitisme. Comme quoi.
Écrit par : saint-rich | 13/02/2007
c'est une opinion ...exprimée , de plus , avec beaucoup d'humour .. mais saint-rich n'a pas tort en ce qui concerne les écoles ....néanmoins je crois qu'il existe encore à ce jour dans le monde de très bons peintres figuratifs et expressionnistes...
cordialement
Écrit par : bernard | 13/02/2007
cile : 1) Ouf ! j'arrive encore à être amusant...
2) Tant mieux !
3) Cherches bien...
saint-rich : Merci. Ma note est, je te l'accorde, très réductrice et, je suis de ton avis, la nuisance des Ecoles est loin d'être négligeable.
bernard : oui, il en existe, même si en France ils ne sont pas très bien vus, mais grâce à certaines expos et surtout au Net on peut les découvrir. Cordialement.
Écrit par : Pharamond | 13/02/2007
Pour avoir fréquenté, trois ans durant, une école des"bozar" provinciale, je fus forcé de constater que l'on y apprenait ni le dessin, ni l'histoire de l'art (sinon les 50 dernières années), ni la peinture, à peine la photo, la gravure et la sérigraphie, mais qu'on y jouait plutôt aux apprentis philosophes munis de boîtes à outils : les enseignants nous encourageaient à traduire des concepts sous forme d'objet (un impératif catégorique en bois et acier, l'Un parménido-platonicien en viande avariée et vidéoprojecteurs ou la lutte des classes sous forme de boîtes de conserve et de flûtes traversières peintes en rose).
Bon, j'exagère, c'est vrai, mais je vous assure que ce passage (il y'a 15 ans) m'a profondément déçu...
(A la limite, j'aurais préféré "lutter" contre de vieux barbons m'imposant de peindre des pots de fleurs. Las ! Ce furent finalement qui m'apprirent le plus de choses, lorsque les jeunes conceptuels étaient "chiants comme la pluie fine" ).
Mais il y'avait eu mobilisation pour telle ou telle manifestation de combat contre l'état fasciste qui avait uni les consciences. L'honneur de l'art était donc sauf.
Du reste, on y buvait beaucoup, et c'est plutôt un bon souvenir.
Écrit par : Groublouz | 13/02/2007
Allez Pharamond, si on créait une avant-garde !
Un très bon livre (réac) sur le sujet : Cultures et contre-cultures de Jean-Louis Harouel.
Écrit par : profdisaster | 13/02/2007
Groublouz : Merci pour votre témoignage.
profdisaster : Merci pour l'info, mais il trône déjà en bonne place dans ma bibliothèque. (Je vois que nous avons certaines mêmes lectures.)
Écrit par : Pharamond | 14/02/2007
Tout compte fait, j'adore mes fautes d'orthographe !
Contant : comptant ou content ?!
Les deux mon capitaine ! rire
Écrit par : cile | 15/02/2007
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