22/05/2006
Sauvageons (3)
Lu dans le 20 Minutes du 22 mai 2006 :
Le boom du «Souriez, vous êtes frappé»
Après les cités, les quartiers favorisés. Depuis l'agression filmée d'une enseignante dans un lycée des Yvelines, fin avril, le nombre de violences filmées avec un téléphone portable ne cesse de se multiplier. La semaine dernière, un cas de « happy slapping » a été recensé dans un collège réputé calme de Marseille, un autre encore dans la petite ville de Gijean, dans l'Hérault. « Ce mode opératoire se développe de façon inquiétante sur tout le territoire », affirme Mohammed Douane, du syndicat d'officiers de police Synergie officiers. Il s'inquiète de « la banalisation de la violence gratuite », qui touche désormais « les mineurs de toutes les régions ». Phénomène de société ou engouement médiatique ? « Certes, il peut y avoir chez les jeunes des milieux aisés une tendance à imiter ceux des cités, répond Christian Papilloud, sociologue spécialiste du phénomène. Mais les émeutiers et les étudiants anti-CPE s'amusaient de la même manière à se filmer les uns les autres en train de défier les CRS. »
A l'origine, le « happy slapping » consiste à se donner de « joyeuses baffes » entre copains et à filmer la scène. « C'est déjà le premier degré de la violence gratuite, estime Mohammed Douane. Après, c'est l'escalade. » Face à un phénomène qui se répand « socialement et géographiquement », la police reste « persuadée qu'on n'a encore rien vu ».
Laure de Charette
«Filmer une baston, c'est marrant. Sauf s'il y a du sang »
A la sortie des classes, un groupe de collégiens du 9e arrondissement de Paris s'attarde au soleil. Le « happy slapping », ils commencent par dire qu'ils ne connaissent pas. En revanche, ils semblent très au courant des vidéos de bagarres qui circulent sur les portables ou Internet, même s'ils s'en défendent. « C'est leur trip, pas le nôtre », lâche l'un d'eux. « On n'a pas que ça à faire, de taper sur quelqu'un et de filmer, ajoute son voisin. On se prend pas pour des réalisateurs de cinéma. »
Pourtant, petit à petit, la plupart de ces ados âgés de 13 à 15 ans avouent avoir déjà vu ou filmé des vidéos de violences. « Entre nous, on se fait souvent des “chiquettes” », explique un des ados, qui illustre son propos en donnant plusieurs coups sur la tête de son voisin, qui ne réagit pas. « Ou alors, on se baisse le pantalon et on prend des photos, c'est un jeu. Et puis le soir, on se les envoie. » Mais un des garçons présents renchérit : « Si une grosse baston éclate entre nous, c'est clair qu'on sort le portable, pour immortaliser. » « C'est marrant », s'esclaffent ses copains, avant de préciser que pour eux, « le moment où ce n'est plus drôle de filmer, c'est quand il y a du sang ». En somme, ces garçons issus de familles parisiennes favorisées ont conscience des limites. « De toute façon, dans notre collège, il ne peut rien se passer. Les parents contrôlent tout et les profs serrent trop la vis », assurent-ils. Reste que tout le monde rigole quand l'un d'entre eux ose dire que « c'est pas très drôle de voir une victime en train de se faire frapper et humilier ». Et un seul des garçons, plus âgé semble-t-il, évoque le fait que la vidéo puisse servir de preuve à la police. Peu importe, pour eux, le principal est d'être là et de filmer « les gros coups qui partent ».
L. d. C.
18:45 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Avec la technologie l'expression de la connerie fait un nouveau pas en avant.
Écrit par : profdisaster | 22/05/2006
Le principal c'est de ne pas être au bord du précipice.
Écrit par : Pharamond | 23/05/2006
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