24/04/2020
Historiettes, contes et vaticinations (11)
Une petite histoire déjà mise en ligne sur ce blog le 01/01/2007 :
Demain
Monsieur et Madame Simon achevaient leur repas en silence devant la télévision. Le journal avait répandu son flot d’informations : la désertification de la forêt équatoriale africaine atteignait des proportions catastrophiques ; on avait obtenu un chien de six centimètres de haut par modification génétique ; un train avait déraillé au Bangladesh faisant au moins 200 morts ; Cynthia Mondino, la gagnante de la dernière Star Academy, allait épouser le député Norbert Brissac ; des attentats non revendiqués à Rome ont fait 9 morts et une trentaine de blessés ; une grève subite avait commencé à la SNCF pour exiger plus de moyens ; le dernier roman d’Amélie Nothomb "Pugnacité du limaçon" venait de sortir ; après le décès d’un homme de 95 ans noyé accidentellement dans sa baignoire, le gouvernement allait rendre obligatoire les surfaces de sanitaire antidérapantes et les boutons d’appels d’urgence dans les salles de bains... Le générique de fin commença à défiler sur l’écran.
- Ils ne parlent plus des Fauvettes, constata Madame Simon un peu vexée.
- Cela fait quatre jours que ça dure, qui tu veux que ça intéresse encore ? grommela Monsieur Simon en se levant.
Il plia délicatement sa serviette, la posa sur la nappe et se dirigea vers le balcon. Sur sa droite, à quelques pâtés de maisons, les barres et les tours de la cité des Fauvettes dépassaient des toits. Quelques colonnes de fumée s’en élevaient. Quatre jours d’émeute, de sirènes, de survol en hélicoptère n’avait pas ébranlé le moral des Simon, leur clôture anti-intrusion était la meilleure du marché et de toute façon ils n’allaient jamais aux Fauvettes. Un bruit de cavalcade dans la rue lui fit tourner la tête, deux policiers en tenue anti-émeutes poursuivaient un jeune. En relevant les yeux, il s’aperçut que le soleil couchant teintait la ville de mordoré et de pourpre. Il inspira profondément l’air du soir et se dit qu’il avait vraiment bien fait d’acheter ce pavillon avant la flambée de l’immobilier.
10:11 | Lien permanent | Commentaires (18)
Commentaires
@Pharamond : Pharamond, surnommé Le Prophète. ;-) Y'a un côté John Brunner dans cette "short short story" -- celui de *Tous à Zanzibar*.
Fin alternative : les Simon se retournent pour découvrir que les Fauve[tte]s* ont fait irruption chez eux. Par miracle, ils parviennent à se barricader dans la cuisine. Par chance, Madame a son téléphone portatif "intelligent". Les Simon contactent la société de protection privée à laquelle ils sont abonnés. Le répondeur leur apprend qu'elle a fait faillite ; d'ailleurs, le site Internet n'existe plus. Savoir pourquoi les prélèvements sont toujours faits restera un mystère. Candides, les Simon appellent alors le service public encore appelé, par habitude, "police". Pendant que les Fauve[tte]s s'agitent, nos victimes** finissent par tomber sur un être humain. Là, on leur rappelle que l'appel est payant, et que la mafia en uniformes n'a aucune obligation de les protéger -- une loi, sainte et démocratique, le garantit. Avant de couper, on leur suggère de prendre une assurance chez une autre société de protection privée, créée par un ministricule euromacroniste. Ils auront même droit à une réduction "cas d'urgence".
"Mais ce sera trop tard !" hurle madame Simon.
"Il est déjà trop tard." répond le flic stagiaire amusé avant de raccrocher.
* Je sais, c'est une insulte pour les *vrais* fauves. Licence poétique !
** Ils sont déjà morts, après tout.
Écrit par : Blumroch | 24/04/2020
Blumroch > Je t'assure tu devrais écrire des nouvelles, ta fin est excellente. Mon histoire ciblait l'égoïsme et l'aveuglement du quidam alors que tout s'effondre, la tienne ajoute une note cynique bien venue.
J'ai choisi Fauvettes pour la cité (la même que pour "La patrouille") en référence aux quartiers de non-droit aux noms souvent bucoliques contrastant avec les architectures atroces et les drames qui s'y déroulent. C'est aussi une référence aux fauves qui y habitent, fauves peu estimables qui attaquent les plus faibles en meute d'où le suffixe, mais tu avais dû deviner ;-)
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
@Pharamond : "Les Piranhas", "Les Charognards" ou "Les Hyènes", c'est moins vendeur. ;-)
Écrit par : Blumroch | 24/04/2020
Blumroch > :-D
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
pugnacité du limaçon, c'est un peu au dessus de ce qu'elle fait d'habitude
j'aurais plutôt vu "la niaque du lombric"
Écrit par : kobus van cleef | 24/04/2020
kobus van cleef > :-)
Vous êtes injuste, les titres des romans sont travaillés, je ne m'avancerai pas pour le contenu ; n'ayant lu que "Hygiène de l'assassin" que j'ai trouvé distrayant sans plus.
Je garde de côté "la niaque du lombric" au cas où j'aurai besoin d'un titre.
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
ça pourrait résumer sarkozy ça, la niaque du lombric
je n'ai jamais lu un seul nothomb et je m'en flatte
j'aurais envie de fonder un club
le club des ceusses qui refusent de lire amélie nothomb (pas de tombe?) marc lévi et guillaume musso (muzeau?)
rendez vous compte qu'on a injustement calomnié guy des cars pour littérature infra littéraire et l'auteur de sanatonio pour création de personnage ouaciste et macho
songez aussi que maurice leblanc, le créateur d'arsène lupin, est banni de chez ma fille, pour cause de suprémacisme blanc
or ces auteurs nous ont amusé, oui je persiste, ils nous ont amusé
et lorsque en pleine confination il n'y a plus rien à lire, on prie le ciel de pouvoir exhumer dans le reliquat des cartons du dernier déménagement, un bon sanatonio, ou un bon arsène lupin qui colle aux basquets
pour guy des cars je sais pas, mais je vois pas au nom de quoi on devrait l'interdire
Écrit par : kobus van cleef | 24/04/2020
ha.... doublon....j'ai glissé, chef!
Écrit par : kobus van cleef | 24/04/2020
Kobus van Cleef a raison : la vie est trop courte pour lire de l'Amélie Nohécathomb, malgré les recommandations qu'on lit parfois jusque chez les critiques un peu droitistes cherchant à montrer combien ils ont l'esprit *ouvert*. Vive Leblanc, pour ses qualités comme pour son nom qui sonne aujourd'hui comme une provocation. Quand on pense qu'existerait un feuilleton dans lequel Lupin, héritier des rois de France, serait joué par Omar Sy... La BBC elle-même, propagandiste du terrorisme à prétentions intellectuelles, n'a pas (ou pas encore) osé faire de Sherlock un pakistanais.
Écrit par : Blumroch | 24/04/2020
kobus van cleef > C'est réparé, chef ;-)
Je trouve assez terrifiant cette censure satisfaite du quidam progressiste. C'est ce même sentiment qui fait "signaler" un contenu mal-pensant sur un réseau social. Bien souvent ce n'est pas l'oeuvre d'un SJW haineux mais de l'internaute tranquille qui s'en va faire sa bonne action sans réfléchir plus loin. Cette société a fait de chaque individu un fanatique à son service. Et comme le disait Oscar Wilde "Le pire vice d'un fanatique c'est sa sincérité."
Blumroch > Avec le grand remplacement il va être de plus en plus difficile de trouver un casting blanc pour les films historiques.
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
Maurice Leblanc et Jules Verne sont des auteurs qui ont donné envie de lire à une multitude de Français.
Omar Sy va encore faire un bide.
Écrit par : Sven | 24/04/2020
@ kobus van cleef
Je pourrais faire partie de votre club
@ Pharamond
Quand j'étais gamin, j'ai habité dans une cité genre "les Fauvettes"
Les barres d'immeubles, c'est vrai que ce n'est pas très folichon du point de vue architectural
Mais les apparts à l'intérieur étaient lumineux, assez grands, équipés de tout le confort moderne, avec salle de bain et WC séparés. Choses que je ne connaissais pas et que j'ai découvertes à 10 ans, venant d'une maison ouvrière, simili coron où je me lavais dans une bassine.
Avec les copains, nous jouions dans les parkings et espaces verts, sous la surveillance discrète et bienveillante des voisins qui venaient voir si on ne s'était pas trop fait mal en prenant une gamelle en vélo et qui grondaient parfois, à bon escient d'ailleurs.
Mes copains s'appelaient François, Jean-Claude, Paul, Jean Denis avec pas mal de noms à consonance espagnole.
Les gens étaient des braves gens, des travailleurs modestes.
Le peuple des gilets jaunes, ceux du début sur les ronds points.
C'est quand on a changé la population que ces cités sont devenues invivables.
Écrit par : Philippe Dubois | 24/04/2020
Sven > Tu ne verrais Omar Sy en Arsène Lupin ?
Philippe Dubois > D'autres personnes m'ont aussi rapporté avoir été agréablement surpris par le confort offert par les "cités" et la promiscuité était rendu plus supportable par l'homogénéité ethnique des habitants. Evidemment on peut se poser des questions sur les choix architecturaux même de bâtiments construits dans l'urgence, mais la drogue dans les escaliers et l'urine dans les ascenseurs n'étaient pas livrés avec.
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
@ Pharamond
Promiscuité, pas tant que ça
Il y avait des parkings où les bagnoles ne s'enflammaient pas, des espaces verts.
Nous pouvions jouer à l'aise
Les apparts étaient à la taille des familles qui comprenaient en général un père, une mère et deux ou trois gosses
Evidemment, si dans le T4, tu mets Monsieur + les 3 co-épouses + les 15 chiards, ça fait déjà plus serré !
Quand tu vois les clapiers construits aux bassins à flot qui se vendent 350.000 euros le 65 m2, franchement, je préférerais mon HLM (qu'il était pas si blême que ça)
Écrit par : Philippe Dubois | 24/04/2020
@ Kobus
No thumb, et pourtant, magie de l'informatique, elle arrive à écrire!
@ Philippe Dubois
Un des frères de mon grand-père, qui avait fait partie des corps francs français en 1940, plusieurs tentatives d'évasion des camps de prisonniers en Allemagne, vivait avec ses quatre enfants dans la cité des 4000 en banlieue parisienne. S'y côtoyaient des Français avec des conditions de vie modestes. Les amis des enfants étaient Français, Espagnols, Portugais, Italiens, Polonais. Les deux aînés étaient ingénieurs, la troisième, instit. Et le petit dernier, qui est proche de la soixantaine, a eu la chance de grandir avec la délinquance, la drogue, ... car quelque chose avait changé entre temps.
Le quartier du Mirail à Toulouse, que tu connais bien et moi aussi, comporte des espaces verts, un lac et un château classé monument historique. Un de mes cousins y travaillait dans un centre de formation. Une fois, en allant le voir, on passe devant le lac sur lequel flottaient des détritus divers ... Nous n'avions vraiment les mêmes idées et il me dit, en voyant l'état du lac, que c'est la faute du vent qui a fait s'envoler des papiers et des marchandises des étals du marché qui avait lieu le matin même.
Écrit par : Sven | 24/04/2020
@ Philippe
Les T4 du Mirail ou d'Empalot se louait à des prix raisonnables. Un tiers de la ville inhabitable et l'immobilier flambe dans les autres zones.
Écrit par : Sven | 24/04/2020
louaient
Écrit par : Sven | 24/04/2020
Philippe Dubois > Je me suis mal exprimé, par promiscuité je voulais parler de densité. Quand j'étais adolescent mes parents étant divorcés je passais quelques jours dans l'année chez mon père qui habitait une tour dans une résidence. L'endroit n'était pas mal fréquenté et des bois l’entouraient, mais je ne m'y suis jamais senti à l'aise peut-être parce que j'ai passé mon enfance à la campagne.
Écrit par : Pharamond | 24/04/2020
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