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27/03/2010

Rencontre

Rencontrer un autre monde n’est pas uniquement un fait imaginaire. Cela peut arriver aux hommes. Aux animaux aussi parfois. Les frontières glissent ou s’interpénètrent : il suffit d’être là au bon moment. J’ai vu la chose arriver à un corbeau. Ce corbeau là est mon voisin. Je ne lui ai jamais fait le moindre mal, mais il prend soin de se tenir à la cime des arbres, de voler haut et d'éviter l’humanité. Son monde commence là où ma faible vue s’arrête.

Or un matin, toute notre campagne était plongée dans un brouillard extraordinairement épais. Je marchais à tâtons vers la gare. Brusquement, à la hauteur de mes yeux, apparurent deux ailes noires immenses, précédées d’un bec géant, et le tout passa comme l’éclair en poussant un cri de terreur tel que je ne souhaite ne plus jamais rien entendre de semblable. Ce cri me hanta tout l’après-midi. Il m’arriva de scruter mon miroir, me demandant ce que j’avais de si révoltant.

J’ai fini par comprendre… La frontière entre nos deux mondes avait glissée, à cause du brouillard. Ce corbeau, qui croyait voler à son altitude habituelle, avait soudain vu un spectacle bouleversant, contraire pour lui aux lois de la nature. Il avait vu un homme marchant en l’air, au coeur même du monde des corbeaux. il avait rencontré une manifestation de l’étrangeté la plus absolue qu’un corbeau puisse concevoir : un homme volant…

Maintenant, Quand il m’aperçoit, d’en haut, il pousse des petits cris et je reconnais dans ces cris l’incertitude qui l’a ébranlé. Il n’est plus, il ne sera jamais plus comme les autres corbeaux.

Louis Pauwels et Jacques Bergier

Le Matin des magiciens

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