Tout en carton

Je le vois entrer dans la banque comme un rappeur qui entrerait sur scène. Lunettes de soleil, pendentif clinquant et brinquebalant, hip-hop à fond dans les oreilles, rien ne manque.

Il s'approche du guichet très lentement, avec cette démarche typique de ceux qui semblent avoir une jambe plus courte que l'autre, balançant ses épaules, il regarde les autres clients de haut et arrive à mon niveau.

A ce moment-là, tout son cinéma s'arrête. Habitué à parler fort, il se baisse et me dit discrètement Euh... c'pour voir c'qu'y a sur mon compte m'sieur s'vous plait. Le ton est très doux, très humble, très faible. Cet Aldo Maccione de banlieues vient de perdre ses couilles. Le paon ne fait plus la roue.

Parce que tout ce cirque, il sait que ça prendra pas, avec moi. Les seules personnes à qui ces racailles parlent avec un tout petit peu de respect ce ne sont pas les flics, ni les vieilles dames, ce sont leurs banquiers.

Inutile, avec moi, de faire comme s'il vivait à L.A. et que des putes l'attendaient dans la piscine de sa villa parce que j'ai son compte sous les yeux, et que je sais qu'à 28 ans ce type a moins d'argent qu'il y en a dans la casquette du clochard qui est allongé devant l'entrée de la banque.

 

Lu sur le blog de Xyr