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09/11/2006

Le donjuanisme expliqué par Dom Juan

DOM JUAN : Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cours. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.  

Molière

Dom Juan

Acte I, scène II

Commentaires

Dommage que bien des gens passent à côté de cet auteur incontournable s'imaginant que Molière c'est "les fourberies de Scapin" et "le bourgeois gentilhomme", des farces bien sympathiques mais bien loin du génie qui habite les grandes pièces comme "le misanthrope", "Tartuffe" ou "Don juan".

Écrit par : profdisaster | 09/11/2006

"Dom Juan" est ma pièce préférée, son personnage principal, cruel, cynique, libertin mais en quête de la vérité m'a toujours fasciné, comme l'irruption du fantastique, unique dans l'oeuvre de Molière.

Écrit par : Pharamond | 10/11/2006

Je n'ai pas lu Molière depuis longtemps et j'avais oublié ce passage. On est effectivement loin des farces, quel talent!
Même si je n'apprécie pas dans la "vraie vie" ce genre de personnage, il a parfaitement décrit ce prédateur amoureux...

Écrit par : traitdejupiter | 10/11/2006

Moi non plus je ne les appprécie pas particulièrement, mais ils existent (mus par un "instinct" que Molière a parfaitement expliqué) alors autant essayer de les comprendre.

Écrit par : Pharamond | 11/11/2006

Bonsoir !

Dans Laclos, il y est décrit un séducteur bien plus raffiné et sadique : le vicomte de Valmont.

Dans le film Tanguy, le séducteur moderne du nom du film perd tout son panache et devient un anti héros lâche mais efficace.

Bref, les Don Juan modernes se font plus discrets et qui sait si derrière ces écrans de blog ne se cachent pas de terribles prédateurs sans scrupule ...

Au revoir !

Écrit par : Cendrinox | 14/11/2006

Bonsoir,
Plus discrets, ça reste à voir... et quand bien même, le Dom Juan de Molière explique le pourquoi pas le comment.

Écrit par : Pharamond | 14/11/2006

Les commentaires sont fermés.