28/07/2021
Quelques poèmes...
Petit village
Petit village au bord des bois,
Petit village au bord des plaines,
Parmi les pommiers, non loin des grands chênes,
Lorsque j'aperçois
Le coq et la croix
De ton clocher d'ardoises grises,
De ton clocher fin,
A travers ormes et sapins,
D'étranges musiques me grisent ;
Je vois des yeux dans le soir étoilé :
Là je suis né...
Petit village au bord des champs,
Petit village entre les haies,
Tour à tour paré de fleurs et de baies,
Lorsque les doux chants
De ton frais printemps,
Quand l'odeur de tes violettes,
De tes blancs muguets
Pénètrent mon cœur inquiet,
J'oublie et tumulte et tempêtes ;
J'entends des voix dans le soir parfumé :
Là j'ai aimé...
Petit village aux courtils verts,
Petit village de silence,
Où la cloche sonne un vieil air de France,
J'aime les éclairs
De tes cieux couverts,
Ton soleil fin entre les arbres,
Les feux de tes nuits,
L'œil fixe et profond de tes puits,
Ton doux cimetière sans marbres,
Plein d'oiseaux fous et luisant comme pré :
Là je viendrai...
Phileas Lebesque
oOo
Sieste
Deux heures après dîner
Il est temps de se reposer
Ni mouvement aucun bruit
Deux heures après midi
Un chien prudent vient inspecter
La terrasse du café
Tout est fermé à la mairie
Item à la gendarmerie
Dans le vide de l'église
Le Crucifix agonise
Le jet d'eau chez le notaire
Suit son rêve protocolaire
Mais la chambre silencieuse
Dégage une odeur ombreuse
De feuillage et de lilas
De cire et de chocolat
Dans la corbeille à ouvrage
Le livre abandonné surnage
Et l’œil sous le long cil éteint
Tenant sa main avec sa main
Insensible à travers le store
Au rayon qui la colore
Sommeille dans le demi soleil
Une jeune fille vermeille.
Paul Claudel
oOo
Nocturne
Un long bras timbré d’or glisse du haut des arbres
Et commence à descendre et tinte dans les branches.
Les fleurs et les feuilles se pressent et s’entendent.
J’ai vu l’orvet glisser dans la douceur du soir.
Diane sur l’étang se penche et met son masque.
Un soulier de satin court dans la clairière
Comme un rappel du ciel qui réjouit l’horizon.
Les barques de la nuit sont prêtes à partir.
D’autres viendront s’asseoir sur la chaise de fer.
D’autres verront cela quand je ne serai plus.
La lumière oubliera ceux qui l’ont tant aimée.
Nul appel ne viendra rallumer nos visages.
Nul sanglot ne fera retentir notre amour.
Nos fenêtres seront éteintes.
Un couple d’étrangers longera la rue grise.
Les voix
D’autres voix chanteront, d’autres yeux pleureront
Dans une maison neuve.
Tout sera consommé, tout sera pardonné,
La peine sera fraîche et la forêt nouvelle,
Et peut-être qu’un jour, pour de nouveaux amis,
Dieu tiendra ce bonheur qu’il nous avait promis.
Léon-Paul Fargue
oOo
Delfica
La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants
Cette chanson d'amour qui toujours recommence ? ...
Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,
Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l'antique semence ? ...
Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l'ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d'un souffle prophétique ...
Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l'arc de Constantin
- Et rien n'a dérangé le sévère portique.
Gérard de Nerval
oOo
Les Conquérants
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
José-Marìa De Heredia
15:55 | Lien permanent | Commentaires (14)
Commentaires
Les deux derniers (les autres sont un peu cul-cul la praline si vous voulez mon avis...).
Écrit par : Fredi M. | 28/07/2021
@Pharamond : Nerval et Hérédia, évidemment. J'y aurais bien ajouté celui-ci :
https://fr.m.wikisource.org/wiki/Les_Destin%C3%A9es_(recueil)/La_Mort_du_loup
Écrit par : Blumroch | 28/07/2021
Lorsque j'étais interne des hospitaux, il y avait, dans le service d'hématologie, une salle nommée "lebesque"
J'ai jamais su pourquoi
Maintenant, je sais
C'est pasque le patwon était pouete
Écrit par : Kobus van Cleef | 28/07/2021
Le nom de la salle mentionnée par le Kamerad Kobus van Cleef avait peut-être été choisi pour honorer un personnage au parcours... sinueux et louvoyant, mais sans doute toujours au plus près de ses intérêts :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Morvan_Lebesque
;-)
Écrit par : Blumroch | 28/07/2021
nous voilà replongés à l'école, du temps où on y lisait et apprenait encore de la poésie
Écrit par : Paul.Emic | 29/07/2021
Ce florilège rappelle, par association, ce jugement formulé sur *L'anthologie de la poésie française* du jet setter Pompidou démarquant, pour l'essentiel, les choix du Lagarde & Michard : "Voilà bien une anthologie de banquier : un portefeuille de valeurs sûres." (Plusieurs variantes et attributions existent.)
Écrit par : Blumroch | 29/07/2021
Je n'ai pas souvenir que le Lagarde et Michard ait eu des choix poétiques périlleux
Écrit par : Paul.Emic | 29/07/2021
J'aurais voulu mettre mon grain de sel...
Je n'ai pas pu (pas su) choisir :
http://www.unjourunpoeme.fr/auteurs/dimey-bernard
Débrouillez- vous !
Écrit par : bedeau | 29/07/2021
@Paul-Emic : Pompidou avait, justement, fait des choix comparables à ceux d'un manuel, trahissant une culture terriblement scolaire -- qu'il faut certes avoir (c'est ce qui assure une culture commune à tous), mais qui ne doit pas interdire de faire découvrir des auteurs peu connus, comme Scève, par exemple.
Écrit par : Blumroch | 29/07/2021
d'un autre côté c'est un métier où l'on adore faire montre d'originalité tellement que ça en devient de la routine, du coup un retour aux bases ne fait parfois pas de mal.
Écrit par : Paul.Emic | 29/07/2021
Boh...
Mon pseudo c'est Fredi pas Pharamond...
Écrit par : Fredi M. | 29/07/2021
S’agit-il des paroles de la dernière production d’un rappeur?
Écrit par : Brindamour | 30/07/2021
Ce n'est pas à la mode, mais j'aime bien, chez Leconte de Lisle, ces deux poèmes :
// L’Incantation du Loup
Les lourds rameaux neigeux du mélèze et de l’aune.
Un grand silence. Un ciel étincelant d’hiver.
Le Roi du Hartz, assis sur ses jarrets de fer,
Regarde resplendir la lune large et jaune.
Les gorges, les vallons, les forêts et les rocs
Dorment inertement sous leur blême suaire,
Et la face terrestre est comme un ossuaire
Immense, cave ou plat, ou bossué par blocs.
Tandis qu’éblouissant les horizons funèbres,
La lune, œil d’or glacé, luit dans le morne azur,
L’angoisse du vieux Loup étreint son cœur obscur,
Un âpre frisson court le long de ses vertèbres.
Sa louve blanche, aux yeux flambants, et les petits
Qu’elle abritait, la nuit, des poils chauds de son ventre,
Gisent, morts, égorgés par l’homme, au fond de l’antre.
Ceux, de tous les vivants, qu’il aimait, sont partis.
Il est seul désormais sur la neige livide.
La faim, la soif, l’affût patient dans les bois,
Le doux agneau qui bêle ou le cerf aux abois,
Que lui fait tout cela, puisque le monde est vide ?
Lui, le chef du haut Hartz, tous l’ont trahi, le Nain
Et le Géant, le Bouc, l’Orfraie et la Sorcière,
Accroupis près du feu de tourbe et de bruyère
Où l’eau sinistre bout dans le chaudron d’airain.
Sa langue fume et pend de la gueule profonde.
Sans lécher le sang noir qui s’égoutte du flanc,
Il érige sa tête aiguë en grommelant,
Et la haine, dans ses entrailles, brûle et gronde.
L’Homme, le massacreur antique des aïeux,
De ses enfants et de la royale femelle
Qui leur versait le lait ardent de sa mamelle,
Hante immuablement son rêve furieux.
Une braise rougit sa prunelle énergique ;
Et, redressant ses poils roides comme des clous,
Il évoque, en hurlant, l’âme des anciens loups
Qui dorment dans la lune éclatante et magique.
// La Mort d’un lion
Étant un vieux chasseur altéré de grand air
Et du sang noir des bœufs, il avait l’habitude
De contempler de haut les plaines et la mer,
Et de rugir en paix, libre en sa solitude.
Aussi, comme un damné qui rôde dans l’enfer,
Pour l’inepte plaisir de cette multitude
Il allait et venait dans sa cage de fer,
Heurtant les deux cloisons avec sa tête rude.
L’horrible sort, enfin, ne devant plus changer,
Il cessa brusquement de boire et de manger,
Et la mort emporta son âme vagabonde.
Ô cœur toujours en proie à la rébellion,
Qui tournes, haletant, dans la cage du monde,
Lâche, que ne fais-tu comme a fait ce lion ?
Écrit par : Blumroch | 30/07/2021
Fredi M. > "Cucu la praline" ? Je l'ignore, pour moi ils sentent bons mon école communale, les jeux de billes et le monde d'avant.
Je ne comprends pas votre second commentaire.
Paul.Emic > C'est exactement ça.
bedeau > C'est un autre genre et je crains n'avoir jamais été un grand amateur de la poésie de Dimey.
Brindamour > J'en doute.
Blumroch > Elles sont d'un autre registre...
Écrit par : Pharamond | 01/08/2021
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