22/05/2020
La bonne conscience
"Le progressiste prétend s'émouvoir de toutes les injustices et de tous les malheurs dans le monde. Il n'en prospère pas moins sur leur dos comme des asticots sur un cadavre. Son but n'est certainement pas le bonheur de l'autre. Le but de la bonne conscience n'est pas la vérité. C'est de jouir de soi. Du pouvoir que cette morale supérieure procure. C'est de mettre bien en règle ses papiers vis-à-vis de sa classe sociale. La bonne conscience ne s'interroge pas. Sinon elle détecterait son hypocrisie, et s'autodétruirait instantanément."
Laurent Obertone
La France interdite
22:07 | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Si la bonne conscience s'examinait, elle deviendrait de la mauvaise conscience, et serait donc encore plus nuisible et méchante sans cesser d'être hypocrite, parce qu'elle se découvrirait une faiblesse -- d'ailleurs peu exploitable. ;-)
La bonne conscience n'est que la satisfaction du pouvoir exercé sur autrui au mépris des compétences. Le médiocre aime à s'entourer d'autres médiocres, parce que c'est une manière d'humilier les vrais talents qu'il jalouse ; qu'il le sache sourdement doit même lui être un bonheur supplémentaire, car c'est la marque du pouvoir, que d'imposer des krétins à des krons. Satisfaction minable pour des esprits minables, c'est-à-dire pour tous ceux qui ont la folle prétention de diriger le monde -- à condition de ne jamais subir les conséquences de leurs décisions imbéciles ou mortifères ("J'assume" est le mot favori de ces menteurs, tout comme "Qu'ils viennent me chercher, les gueux !"). Thucydide avait tort quand il affirmait "Un gouvernement de gens médiocres est préférable en général à un gouvernement d'esprits supérieurs" (*Pél.*, III, xxxvii) parce que de fait, seuls les médiocres souhaitent imposer leurs lubies à autrui. A de rares exceptions près, les affaires publiques n'intéressent pas les bons esprits sauf quand ils y sont contraints par le malheur des temps ou pour tenter de remédier aux dégâts provoqués par les krons et les kriminels. Dans un monde normal, on devrait pouvoir ignorer le régime et ses intrigues -- c'est une des bonnes leçons de La Fontaine le politique. Un personnage de Monteilhet disait justement savoir à peine être en république, et ne vibrait qu'aux récits de l'histoire romaine.
Gamin, j'avais lu un conte admirable, chinois ou japonais, je ne sais plus : nouvellement nommé dans une province lointaine, un gouverneur apprend l'existence d'un homme réputé pour son immense sagesse, vivant à l'écart de tous. Il lui envoie un messager pour le faire venir à sa cour, désireux de profiter de conseils qu'il sait par avance avisés. Le sage refuse l'invitation avec la plus exquise politesse, se prétendant indigne de cet honneur.
Le gouverneur lui adresse alors un autre messager avec des présents et surtout une lettre qui le prie de revenir sur cette décision privant le gouverneur d'une aide précieuse dans l'administration des hommes. Nouveau refus, tout aussi respectueux mais tout aussi ferme.
Troisième tentative du gouverneur, cette fois sous la forme d'un ordre assorti de menaces subtiles. Le sage en prend connaissance, et ne daigne cette fois pas y répondre.
Le quatrième messager sera un bourreau avec ordre d'exécuter le sage. Aux ceusses qui osèrent s'étonner, respectueusement, de cette décision inattendue, le gouverneur donna cette réponse : "Cet homme, un talent supérieur, refusait d'employer ses facultés au service de l'Empire, de l'Empereur, de moi-même et de ses concitoyens, préférant employer ses dons à la poursuite de ses intérêts égoïstes. Il était un mauvais exemple."
Nos gauleiters contemporains n'auront jamais l'idée de rechercher des sages ; et s'ils le faisaient, ce serait pour passer directement à la quatrième étape, par conscience "en même temps" bonne et mauvaise. ;-)
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Blumroch > Il ne faut pas, je crois, confondre la pseudo bonne conscience hypocrite et manipulatrice des puissants et celle souvent naïves et stupides des petites mains du Système persuadé d’œuvrer contre les méchants et pour le bien. Ah, le sentiment d'être une âme supérieure contre la multitude égoïste ! c'est de cette bonne conscience qu'Obertone parlait.
Écrit par : Pharamond | 23/05/2020
@Pharamond : "Le but de la bonne conscience n'est pas la vérité." : si, justement. La bonne conscience est certaine d'incarner Ze Treuffe, et quand on détient la vérité, on a le droit de régner la vie des autres, et par définition, on ne saurait douter. C'est le syndome "Ma knows", "Tu vas obéir, je suis ta mère". Pas un hasard si l'état moderne, c'est le Big Mother que Tocqueville avait pressenti.
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Edit/Fix : "de régenter" ou "de régner sur". Mea culpa. Boire un café ou taper au clavier, il faut choisir. :-(
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Blumroch > Je ne suis pas d'accord, la recherche de la vérité en suppose la recherche. La bonne conscience part du postulat qu'elle oeuvre pour le Bien, un Bien défini arbitrairement par des grandes âmes autoproclamées et jamais remis en question. Toute la perfidie du système est que la mère n'ordonne pas comme le père et incite à obéir en cajolant, en forçant moralement à le faire pour ne pas la blesser.
Écrit par : Pharamond | 23/05/2020
@Pharamond : Si la bonne conscience n'était pas Ze Treuffe, elle ne serait pas *aussi* Ze Goude et donc Ze Biotifoule aussi. ;-)
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Blumroch > Elle n'est pas une vérité recherchée et trouvée donc réelle, mais une vérité révélée valable que pour les croyants.
Écrit par : Pharamond | 23/05/2020
@Pharamond : L'époque est *nominaliste*. La vérité, c'est ce que la bonne conscience tient pour une vérité, surtout quand elle est en situation d'imposer ses visions par tous les moyens, du décret ministériel à la grenade en passant par l'amende et en attendant le camp ou le cercueil. C'est ce qui permet à Foutriquet et à sa clique de mentir avec un infernal aplomb qui serait incompréhensible sinon. Quant à la soumission au réel, c'est dépassé -- "mais nous avons changé tout cela." disait un vieux texte sur la médecine.
Tout cela fait beaucoup pour de l'Obertone qui n'en mérite pas tant. J'arrête ici.
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Blumroch > Je fais toujours très attention à ne pas parler la langue de l'ennemie et leur dogme n'est pour moi aucunement la vérité.
Écrit par : Pharamond | 23/05/2020
@Pharamond : L'ennui, c'est que l'ennemi est au pouvoir. Dans la pratique, toute discussion entre celui qui a raison et celui qui tient la matraque démontre que c'est la matraque qui l'emporte et a le dernier mot -- sans même avoir à parler.
Écrit par : Blumroch | 23/05/2020
Blumroch > Sur mon blog, pour l'instant, je parle la langue qui me plait ;-)
Écrit par : Pharamond | 23/05/2020
Les commentaires sont fermés.