24/12/2010
Sont forts ces nazis ! (21)
2010, l'année du point Godwin Rétrospective - «Méthodes fascistes», «style Goebbels», «climat très Vichy»... Les politiques ont, cette année, manié à tort et à travers la référence historique aux «heures sombres de notre Histoire». Par LAURE EQUY «Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison avec les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.» Bien connue du Web, cette hypothèse formulée par l’Américain Mike Godwin, s’est surtout vérifiée auprès des politiques en 2010. A propos du débat sur l’identité nationale, du tour de vis sécuritaire de Nicolas Sarkozy, des médias en ligne dans l’affaire Bettencourt, ou comme ça pour rien, pour l’outrance, nombreux sont ceux qui ont manié à tort et à travers la référence historique aux «heures sombres de notre Histoire». Petite distribution de points Godwin. Dernier dérapage en date: Marine Le Pen, en campagne interne pour la tête du Front national, qualifiant, en meeting à Lyon, le 10 décembre, «les prières de rue» de musulmans, «d’Occupation», sans «blindés» ni «soldats», mais d’«Occupation tout de même». Plus tôt dans l’année, c’est Mediapart, en pointe dans les révélations du feuilleton Bettencourt, qui a été visé par une rafale de points Godwin tirée depuis l’UMP. Ainsi, Xavier Bertrand, alors patron du parti, pour voler au secours d’Eric Woerth, s’emporte début juillet contre des «méthodes d’un autre temps» et cible «un site qui utilise des méthodes fascistes». «Une certaine presse des années 30» Tout aussi pondérée, Nadine Morano reprend les critiques sur «des méthodes des années 30» avec «des sites Internet qui utilisent des méthodes fascistes». Enfin, Christian Estrosi ressasse les mêmes attaques contre «ce fameux site qui rappelle une certaine presse des années 30». L’ex-ministre de l’Industrie n’est d’ailleurs pas un novice du point Godwin: rappelons sa démonstration alambiquée, en novembre 2009, sur la pertinence du débat sur l’identité nationale. «Si, à la veille du second conflit mondial, avait lancé Estrosi, le peuple allemand avait entrepris de s’interroger sur ce qui fonde l’identité allemande, héritière des lumières, patrie de Goethe et du romantisme, alors peut-être aurions nous évité l’atroce et douloureux naufrage de la civilisation européenne.» C’est également une journaliste qui a «inspiré» Jean-Luc Mélenchon, début décembre. Exaspéré par le parallèle dressé par la présentatrice de l’émission «Ecrire la politique» sur LCP, entre lui et Jean-Marie Le Pen, le président du Parti de gauche critique une comparaison «totalement injurieuse» et rétorque: «Je ne vais pas vous parler de vous en vous disant: vous ne trouvez pas qu’y a une manière de faire qui est un peu style Goebbels!» «Collabo» Un peu gratuit aussi, ce «collabo» lâché par Eric Woerth excédé, en plein débat sur les retraites, alors que la députée (PS) Catherine Coutelle lui reproche de mentir. Il l’a dit? L’a pas dit? Si dans le brouhaha de l’Assemblée, tous n’ont pas entendu, l’insulte est bien notée dans le compte-rendu des débats. Dans la série des points Godwin-qu’on-n’a-pas-vu-venir, poursuivons avec Jean-François Copé. Pour rabattre le caquet de Martin Hirsch qui l’avait épinglé pour sa double casquette d’avocat d’affaires et de président de groupe à l’Assemblée, le voilà qui pointe leur «point commun»: «Ses parents comme mon père ont été sauvés, pendant la guerre, par des Justes.» Une «culture familiale», qui, selon Copé, empêche de «vivre tout à fait la même manière les choses et les événements»: «Je me suis demandé si, sans peut-être s’en rendre compte, [Hirsch] se livrait à un exercice de délation», balance Copé. Nouvelle salve de points Godwin à l’été, avec le tournant sécuritaire engagé par Sarkozy et sa politique anti-Roms. Le villepiniste Jean-Pierre Grand compare ces expulsions avec «les rafles pendant la guerre» tandis que Pierrre Moscovici (PS) déplore «un climat très pourri, très Vichy». Le 7 août, Michel Rocard sort, à son tour, son bazooka contre les propositions du gouvernement. Pour lui, une mesure qui viserait à condamner les parents de mineurs délinquants «passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy. On n’avait pas vu ça depuis les nazis.» Mais la sortie la plus retentissante sur ce sujet revient à la commissaire européenne, Viviane Reding: «J’ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un Etat membre juste parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième guerre mondiale.» Tollé à Paris, regrets de Reding et Sarkozy en boule à cause de ces «raccourcis historiques qui ont profondément blessé». «Dictature du prolétariat» On part, enfin, en Poitou-Charentes où pendant la campagne régionale, un maire de droite, Jean-François Douard, en meeting avec le candidat (UMP) Dominique Bussereau, a dérapé sur la gestion «dictatoriale» de Ségolène Royal. «C’est une dictature du prolétariat certes, mais c’est quand même une dictature. Je vous rappelle que le nazisme était aussi une dictature du prolétariat», s’enfonce-t-il. Un mois auparavant c’était un socialiste, le maire d’Angoulême, Philippe Lavaud qui s’en était pris aux Jeunes populaires, la branche jeune de l’UMP. Et hop! «Si nous étions pendant la Seconde Guerre mondiale, elle ferait partie des jeunesses hitlériennes.» Visé par une telle attaque et après une année si «riche» en dérapages, gageons que le président des Jeunes pop’, Benjamin Lancar, connaît sur le bout des doigts la définition du fameux point Godwin. Pas sûr. Le 22 novembre, celui-ci a fustigé, sur Twitter, une prise de position de Cécile Duflot, et dénoncé un faux point Godwin, déclenchant les moqueries des internautes.
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Source Libération du 23/12/10
Trois petites remarques parmi d'autres :
- Marine Le Pen ne parle ni de nazis ni d'Adolf d'Hitler. L'occupation de la France par les troupes allemandes n'étant pas la seule occupation de l'histoire, le point Godwin devrait plutôt être attribué à la journaliste qui a écrit l'article, Laure Equy. À sa décharge : il n'y a pas de bon article dans Libé sans un dérapage de la famille Le Pen.
- Cette distribution du prix venant d'un journal tel que Libération qui use et abuse de la technique de diabolisation avec les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire a quelque chose de surréaliste.
- Quand on utilise des termes dont on ignore la signification on est un inculte prétentieux même si on jeune et populaire, n'est-ce pas Benjamin Lancar ?
13:03 | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
la référence à la seconde guerre et aux heureslesplussombresdenotrehistoire, il n'y a plus que cela dans le discours politique de cette classe politique maudite.
Écrit par : Paul-Emic | 24/12/2010
Quand tout ce cassait la figure à Byzance on promenait les reliques pour éloigner les dangers... sans résultats probants, bien sûr.
Écrit par : Pharamond | 25/12/2010
le parallèle est intéressant
Écrit par : Paul-Emic | 26/12/2010
Allons allons, tout le monde sait que la France, joli pays tropical entouré de mers, a été fondée par les trois druides gaulois Fachich, Rassiss et Sexix et que l'invocation des mânes ancestrales fait partie des rites sacrés de toute culture qui se respecte....
Bon OK je lâche cette bouteille de Riesling, et vous rappelle, mes chers amis, que la rédaction et le lectorat de Libé se confondent avec ces vrais parasites ou idiots "utiles" qui relisent toute l'histoire à l'aune de la dernière guerre quand ils ne confondent pas l'histoire et la dernière guerre (et ils sont la majorité à choisir la deuxième option).
Dans la droite suffisamment "décomplexée" pour se dire nationaliste mais trop chrétienne pour distinguer l'intérêt divin de celui du "camp du Bien", on n'est en général pas les derniers non plus à faire la fixette sur la "chambre à gaz" et la "barbarie boche".
Écrit par : Un Fan | 26/12/2010
Paul-Emic = > Malheureusement pour Byzance ça finit mal...
Un Fan => C'est tout le problème de cette droite qui croit se disculper (de quoi d'ailleurs) en donnant des gages à l'adversaire alors qu'elle lui fournit des armes.
Écrit par : Pharamond | 26/12/2010
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