Ethnomasochisme

Je me suis souvent demandé ce qui pousse la France à se suicider comme elle le fait depuis quelques décennies, car si le phénomène est européen nous conservons globalement une longueur d'avance dans ce domaine.

Certains accuseront l'air du temps ou le sens de l'Histoire d'être responsables, d'autres au contraire y verront la main de divers lobbies, et peut-être y a-t-il de cela, mais je suis convaincu que l'origine du mal pour notre pays est aussi typiquement français. Demandez à un étranger ce qui caractérise le Français et il vous répondra sans hésiter que c'est son complexe de supériorité, du touriste en vacance au Club Med de Cancún au responsable d'un convoi humanitaire au Sahel, le Français est persuadé de faire partie du dessus du panier.

Certes, de Louis XIV qui gouvernait le plus puissant état d'Europe et donnait le ton aux autres monarchies au Général de Gaulle qui voulait garder la place de la France parmi les grandes puissances contre vents et marées en passant par Napoléon et son Empire continental notre nation n'a pas manqué d'hommes d'envergure passablement mégalomanes.

Mais les temps ont changé et l'éclat qui éblouit nos intellectuels n'est pas celui du Roi Soleil mais celui des Lumières. Ah, ces Lumières ! Certains y voient un miracle français comme l'invention de la démocratie fut celui des Grecs. Les Lumières et la suite : les droits de l'Homme, la fin de la monarchie et toutes ces merveilles que l'on se devait de répandre à travers le monde. Ainsi, bien que de façon totalement différente, nos élites conservaient encore cette impression d'avoir une mission historique à remplir.

Après le traumatisme de la Deuxième guerre, ils ont fini par se mettre en tête que le bonheur de l'humanité passait inévitablement par la destruction de la nation et la fin de la culture occidentale, alors avec leur ego hypertrophié d'héritiers des Lumières ils ne pouvaient qu'être les précurseurs en la matière. Certains pensant même sincèrement servir leur pays de cette manière car ce suicide est en fait un sacrifice qui laissera les hommes reconnaissants pour toujours et le souvenir éternel de la France auréolé de gloire.

Nous arrivons donc au paradoxe suivant : c'est le complexe de supériorité des Français qui les oblige à tout mettre en oeuvre pour être les premiers à faire disparaître leur pays en une sorte d'apothéose sublime de leur destinée. Si les nations doivent mourir, la France se doit d'être la première.