Les aliénés

À la lecture de ce blog on peut croire que je suis obsédé par les juifs et les nazis. Ce n'est pourtant pas le cas, ce n'est pas moi qui cherche des traces de racisme ou d'antisémitisme à tout propos et en tous lieux. Aujourd'hui, tout est décortiqué et passé au crible d'un racisme potentiel ; ainsi cette note est évidement suspecte rien que par son sujet. En effet, si vous parlez des nazis sans entrer en transe et vous mettre à vomir des imprécations contre eux ou si vous parlez des juifs (je dis "juif", le vrai, le bon, le minoritaire, celui constamment menacé par un pogrom, pas "israélien") sans tomber dans les clichés larmoyants et exprimer une compassion totale et exclusive vous êtes sûrement un nostalgique du IIIme Reich.

Cette folie s'auto-alimente et touche tous les pans de notre société : la culture, l'emploi, la politique, la vie privée, l'enseignement, la religion, l'armée, les sciences, rien ni personne ne peut y échapper. Vous êtes contaminé ou le simulez sans quoi vous serez impitoyablement fauchés dans l'indifférence générale. Prenons, par exemple, le cas de trois films récents : La passion du Christ, La chute et Katyn. À de rares exceptions près ils ont été jugés par les critiques non pour leurs qualités ou défauts cinématographiques intrinsèques mais, pour diverses raisons, par rapport à la Shoah.

Mel Gibson étant suspecté d'être antisémite, son film l'était immanquablement. On a pu lire que les juifs y étaient physiquement caricaturaux, pourtant le pourtour de la Méditerranée du premier siècle ne devaient pas fourmiller d'habitants pâles et blonds. Les juifs y auraient été désignés comme les principaux coupables du supplice de Jésus, ce qui justifierait leur persécution à travers les siècles. Oui, des juifs ont été coupables ; ceux du Sanhédrin de l'époque qui ont vu un gêneur dans le Christ et ceux, présents sur le Forum, qui se sont comportés comme n'importe quelle foule manipulée, ce qui ne fait tout de même pas grand monde.

On a reproché à La chute de montrer un Hitler trop humain, non pas dans le sens de doux et bienfaisant, mais tout simplement dans celui de faire partie de la race humaine, d'être capable d'être indulgent avec une jeune secrétaire ou de remercier sa cuisinière pour un bon plat. C'est déjà beaucoup trop, les fascistes sont sortis de l'humanité et haro sur ceux qui se risqueraient à vouloir les y faire rentrer.

Alors que les salles sont remplies d'élèves obligés à aller voir La Rafle par leurs professeurs, Katyn n'a été projeté que dans quelques cinémas français. Le film ne montre aucun juif et se focaliserait un peu trop sur les ours en peluche alors que ce jouet avait été choisit comme symbole de la Shoah. C'est inadmissible de parler de la Seconde guerre sans mentionner le martyre des juifs et de risquer un parallèle entre leurs souffrances et celles de n'importe quel autre groupe supplicié.

Non, je ne suis pas obsédé par les juifs et les nazis, mais j'ai parfois la curieuse impression que notre société toute entière est bâtie sur les ruines d'un four crématoire, que tout ce qu'on peut y faire est redéfini à l'aide d'un dictionnaire particulier qui irait de A comme Auschwitz à Z comme Zyklon B.