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12/10/2008

Instruments

Un jour je me suis demandé pourquoi les documentaires sur la Shoah m'émouvaient plus que n'importe quelque reportage relatant massacres, famines, tortures, déportations et autres misères pouvant s'abattre sur les populations et se déroulant présentement dans un endroit du globe. Pourquoi des faits vieux de plusieurs décennies me troublaient plus que d'autres actuels ?

Leurs ampleurs peut-être ? Mao ou les Khmers rouges, pour ne citer qu'eux, ont eux aussi des millions de morts à leurs actifs. La manière ? La mort par sous-alimentation et les modes d'exécution dans de nombreux pays en guerre ne me paraissent guère réjouissants. L'internement de civils ? Pendant un conflit, les autorités ont très souvent rassemblé les civils des nations ennemies dans des camps. Les massacres exercés sur une ethnie particulière ? C'est vieux comme l'Humanité et les conflits africains, par exemple, ne sont quasiment que cela.

Alors ? Alors, il m'a semblé qu'il s'agissait d'un conditionnement. Les images en noir et blanc, le style de musique d'accompagnement quand il y en avait une, les commentaires faisant largement appel au champ lexical de l'enfer d'une part (nous avons beau nous laïciser, la religion chrétienne a laissé des traces) et à des termes se rapportant plus à l'émotionnel qu'au rationnel : indicible, innommable, horreur absolue etc. d'autre part et la condamnation unanime et inconditionnelle concernant cette période provoquaient un sentiment de malaise qui ne permettait plus à la raison de faire son travail. On accepte tout en bloc, sans trop savoir quoi du reste (demandez autour de vous et vous verrez que l'imprécision et la confusion règnent dans les esprits à propos de cette période), d'ailleurs l'idée de s'interroger sur certains faits de la période ne viendrait à personne : tout a été dit, des spécialistes ont fait le tour de la question et s'en poser donnerait l'impression de farfouiller dans un charnier et de manquer de respect aux morts.

Ce qui est valable pour les documents filmés l'est aussi pour les autres supports (sites internet, livres, mémoriaux), cela va au delà de l'hommage rendu aux défunts. À titre d'exemple, les albums de photos des camps prises actuellement ne sont presque jamais en couleurs ; on ne cherche pas à montrer ce qui existe mais à créer un effet, comme si le temps s'était arrêté à cette époque.

Depuis ce jour, je me suis mis à voir les choses différemment. Les documentaires sur la période ne me font plus le même effet, leurs grandiloquences parfois m'exaspèrent. Je condamne toujours les faits, mais comme un massacre au Ruanda ou au Darfour. C'est à dire pas moins, mais pas plus.

Commentaires

Le coup du noir et blanc m'interpelle: on a exposé récemment à Paris des photos couleurs prises par Andrea Zucca sous l'Occupation, ce qui a scandalisé pas mal de monde. La technique de photo utilisée était révolutionnaire, mais nécessitait beaucoup de lumière, donc du soleil. On voit donc, sur ces photos, des gens heureux et du ciel bleu, sous les bannières nazies à Paris. Cette initiative a suscité une certaine émotion.

Commentaire et liens pour plus loin ici:

http://blog.pingui75.fr/2008/04/24/les-parisiens-sous-l%E2%80%99occupation-photographies-en-couleurs-d%E2%80%99andre-zucca/

Vous avez mis le doigt sur un truc très vrai: cette époque, on ne l'imagine qu'en noir et blanc.

Écrit par : Daniel Fattore | 13/10/2008

Merci pour le lien, il va dans le sens de ce que j'ai écris me semble-t-il.

Écrit par : Pharamond | 13/10/2008

C'est marrant j'ai écrit un article à peu près symétrique à celui-ci il y a peu.

http://chezxyr.blogspot.com/2008/10/journal-dun-nazi-modr.html

Je vis l'évolution inverse de la vôtre.

"Comme si le temps s'était arrêté à cette époque."

C'est en quelque sorte ce qu'il s'est passé, justement.

Écrit par : xyr | 13/10/2008

Oui, curieux en effet.
Votre note est très bien écrite et votre point de vue intéressant, mais à mon avis le problème est que vous partez du postulat : Hitler = le Mal absolu, et tout le reste de votre démonstration découle de là. Car il s'agit d'un Hitler fantasmé dont vous parlez et non d'un homme réel. Je vous fairais aussi remarquer qu'Hitler n'était pas strictement végétarien et mangeait parfois de la volaille. Quant aux horreurs de la guerre, elles se ressemblent malheureusement toutes quelle que soit l'époque ou le lieu. Les exemples que vous avez cités ne sont pas l'apanage des nazis et non pas été ordonnées personnellement par Hitler. Toutes ces remarques ne veulent bien sûr pas faire oublier qu'Hitler avait une grande responsabilité dans le conflit mondial et qu'il était atteint de troubles mentaux.

Écrit par : Pharamond | 13/10/2008

Fort bien vu... et troublant... Les opinions seraient-elles insidieusement manipulées...

Écrit par : CCRIDER | 14/10/2008

Exactement! C'est exacement ça Pharamond. Bien vu, surtout bien écrit. Pourquoi ce regard n'est il pas mis plus en avant?!! Ouvrons les yeux à la population non de dieu, au lieu de les abassourdir avec "ce mal absolu qu'est la nazisme"... Pfff, manipulation quand tu nous tiens. tu connais mon avis sur cette période, je la vois comme toi. Pas plus, pas moins.

Écrit par : Poudre | 14/10/2008

Certes, Hitler n'est pas le mal absolu mais ce n'etait quand meme pas un garcon tres sympathique... Ensuite ce qui hallucinant dans la mise en place des camps de la mort c'est le cote industriel du truc. C'est ca qui les rend si terrifiant. La chosification de l'humain. Plus de haine, plus rien, juste des objets dont on se debarasse quand on ne peut plus les utiliser. Les massacres du cambodge par exemple avaient un cote artisanal presque rassurant, il en va de meme en Afrique. En URSS, l'idee etait de reeduquer les prisonniers (en les torturant, les affammant et les faisant crever a la fin quand meme, mais dans un joyeux bordel). Ce qui vaut au nazisme sont aura particuliere c'est, je pense, l'efficacite et l'industrialisation.

Écrit par : Woland | 14/10/2008

CCRIDER > Peut-être bien...

Poudre > Merci pour ton enthousiasme. "Pourquoi ce regard n'est il pas mis plus en avant?!! " Parce que la vision classique sert des intérêts, de puissants intérêts.

Woland > "Ce qui vaut au nazisme sont aura particuliere c'est, je pense, l'efficacite et l'industrialisation." je ne suis pas d'accord. Les Allemands avaient la manie de tout noter mais le fonctionnement de l'état nazi était assez chaotique.

Écrit par : Pharamond | 14/10/2008

Woland a sans doute raison de mettre en avant le caractère industriel de la politique d'extermination nazie, avec tout ce que ça implique : les personnes deviennent des nombres et un simple matériau (en vérité, du déchet), déresponsabilisation à chaque niveau de la chaîne de commandement, remplacement de la morale par la logique d'entreprise... la machinerie infernale du nazisme a été la première à fonder intégralement son modèle sur le modèle de la technique moderne ; Günther Anders en parle très bien.

Mais, quoiqu'en dise Woland, je trouve absolument glaçante l'image (en couleurs !) de charniers ou de corps pourrissant sous un soleil rwandais éclatant.

Écrit par : Comte de Clairanval | 15/10/2008

Pharamond

En vérité je ne pars pas du postulat Hitler = Mal absolu, c'est plus complexe que ça.

Je crois que les faits veulent dire plus que ce qu'ils sont, parfois, et qu'il faut savoir le voir. L'attitude rationnelle est louable, mais elle ne m'intéresse pas, du moins plus maintenant.

Je ne crois pas que la Shoah soit simplement le résultat d'une suite logique de causes/conséquences, pas un évènement anodin mais quelque chose qui dépasse l'Homme. Une singularité qui ne place pas cette période au-dessus des autres dans une ridicule hiérarchie de "gravité", mais plutôt à côté, en parallèle.

Je crois que c'est en s'abandonnant au fantasme qu'on peut, au milieu des mille et uns mensonges que produira notre esprit, déceler une ombre de vérité, ce qui je pense est impossible en restant terre à terre, trop près du fait.

Mais je comprends que tout ceci n'ait pas beaucoup de sens, surtout que je résume pas mal. Merci en tout cas d'avoir lu l'article.

Écrit par : xyr | 15/10/2008

Comte de Clairanval > Ne m'en veuillez pas, mais je ne suis toujours pas convaincu, je me suis très documenté sur la période et je me suis aperçu que dans la politique concentrationnaire comme dans toutes les autres l'ordre nazi était plutôt bordélique même si à la base les exécutants étaient disciplinés.

xyr > Désolé, mais je ne crois même pas que la Shoah soit autre dans la multitude des horreurs humaines. Seul son traitement historique l'est.
Pour la lecture de l'article ne me remerciez pas, c'est toujours un plaisir de lire un texte bien écrit et cohérent même si je ne suis pas d'accord avec.

Écrit par : Pharamond | 15/10/2008

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