09/10/2007
La patrouille
Il n'y avait plus de doute, c'était bien le bruit de gravillons qui tombaient sur le pavillon de la voiture.
- Mais qu'est-ce tu fais ? T'arrête pas ! Roule !
- Mais les cailloux...
- Putain ! C'est tout de même pas des pavés qu'on nous balance.
Le véhicule repris sa vitesse normale : celle d'un pas rapide, histoire de faire de la présence policière en évitant les ornières qui truffaient le chemin de terre.
Il y a quelques années l'agrandissement de la cité des Fauvettes avait été décidé. On avait amené des engins de chantier, creusé des trous gigantesques, accumulé la terre en collines, puis tout s'était arrêté. Une inextricable histoire de dépôt de bilan frauduleux avait gelé les travaux. On avait démonté les grues, remballé le matériel, entouré la zone d'une grillage pour l'interdire au public et tout était resté en l'état. Très rapidement la perméabilité de la clôture fit que l'endroit devint le terrain de jeux favori des enfants des Fauvettes et un lieu de trafic en tout genre. La police avait donc reçu l'ordre de faire des patrouilles régulières dans ce décor de champ de bataille grâce au chemin qui le traversait avec, bien-sûr, consigne de ne pas faire de provocation.
Consigne à vrai dire plutôt vague quand on était un jeune policier qui réalisait sa première patrouille dans la secteur. Heureusement que dans sa bienveillance son chef de poste le faisait cornaquer par un ''ancien''. Il se contentait donc de regarder consciencieusement autour d'eux tout en essayant autant que possible de ne pas rouler dans un nid de poule.
Des enfants couraient le long des talus qui surplombaient le chemin en leur criant des choses incompréhensibles à cause de la distance, mais que l'on pouvait imaginer peu amicales, tout en leur faisant des gestes obscènes. D'ailleurs il était fort probable que c'était eux qui les avaient bombardé de cailloux auparavant. Après avoir baissé leur pantalon pour leur montrer leurs fesses ils s'en allèrent vers d'autres occupations.
- Tiens, ça n'y était pas la dernière fois, fit l'"ancien'' en désignant les restes d'un voiture calcinée.
- On s'arrête ? hasarda le ''nouveau'' sans trop y croire.
- Non, on reviendra plus tard.
Un peu plus loin, un petit groupe de garçons en jogging et casquette accompagnés de leurs compagnes, portable vissé à l'oreille et vêtues avec l'élégance de starlettes de films X, discutaient à grands renforts de gestes près de deux BMW garées sur le côté. Ils s'arrêtèrent le temps de jeter un œil noir aux occupants de la voiture de police - l'un d'entre eux fit même le geste de leur tirer dessus avec son index pointé – puis ils reprirent leur conversation. Les filles n'avaient pas sembler s'apercevoir de quoi que se soit et continuaient leur conversation téléphonique. Cette fois le ''nouveau'' ne dit rien : le métier commençait à rentrer.
Tout à coup, la radio de bord leur signala qu'à la terrasse d'un restaurant un homme refusait d'éteindre son cigare. Le central avait reçu plusieurs appels des autres clients et du propriétaire pour demander une intervention.
- C'est pour nous ! C'est juste à deux rues d'ici. Mets la gomme !
Toute sirène hurlante la voiture s'extirpa du chemin défoncé et rejoint la route bitumée.
- Enfin un peu d'action, pensa tout haut son conducteur.
21:45 | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
Quelle ironie !
Il y a malheureusement beaucoup de vrai dans ce que tu "imagines" là.
Écrit par : Ezrah | 09/10/2007
A-t-on besoin de faire preuve de beaucoup d'imagination... Tes guillemets répondent à ma question semble-t-il.
Écrit par : Pharamond | 09/10/2007
je dirais plus vrai que nature : plus que quelques mois avant qu'on y soit.
Écrit par : Paul-Emic | 10/10/2007
Pharamond,
je me suis permis de reproduire ce billet a l'adresse suivante:
http://coup-detat.net/?p=772
faites moi savoir si vous y voyez une quelquonque objection.
Écrit par : Enoch | 12/10/2007
Pas mal du tout cette nouvelle ! Très réaliste !
Écrit par : Stephane | 12/10/2007
Paul-Emic : Je le crains aussi.
Enoch : Je n'y vois aucun problème et je t'en suis d'ailleurs reconnaissant car je prends cela comme un compliment.
Stéphane : Merci.
Écrit par : Pharamond | 12/10/2007
" Les deux voitures avaient stoppé au fond de l'immense parking en lisière d'une sorte de square planté d'arbres maladifs et équipés de tables de pique-nique cassées et de jeux d'enfants hors d'usage .Un pan de mur tronqué à deux mètres du sol avait été conservé là et soigneusement consolidé comme élément d'animation du décor,selon le prétentieux jargon du temps.Il était maculé de graffiti haineux. Scellée dans la pierre ,une petite stèle indiquait:"Ferme du Belvédère ,XVIème siècle." C'était le sommet de la colline .Ils marchèrent jusque là . "
Me trompe-je ?
Écrit par : tania | 14/10/2007
Aucunement.
Écrit par : Pharamond | 15/10/2007
Excellent. Toutes mes félicitations. Ironique et tellement vrai.
Écrit par : CCRIDER | 15/10/2007
Merci.
Écrit par : Pharamond | 15/10/2007
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