Le joug et les masques

Il n'y a pas si longtemps, les maisons arboraient bien souvent dans leur salon des objets - hérités ou achetés dans une brocante - issus de notre passé paysan ou ouvrier. Ainsi, sabots, outils de tonnelier, fourches en bois, jougs de boeufs et autres reliques rustiques décoraient sans complexe les intérieurs des foyers français. Or, depuis quelques années, les choses changent ; jumbés, masques africains, dinanderie marocaine et autres produits de l'artisanat du Tiers-monde se sont mis à peupler les intérieurs de nos concitoyens. On pourrait y déceler les signes d'une plus grande mobilité, sauf que leurs possesseurs ne les ont pas tous ramenés, loin s'en faut, de leur terre d'origine ; en attendant le voyage exotique, nombre d'enseignes fournissent des souvenirs par anticipation. Doit-on y voir une marque supplémentaire de la dictature de la mode boboïsante tiers-mondiste et de l'amnésie volontaire d'un peuple qui rejette un passé qu'on lui a appris à trouver ringard et honteux, sinon haïssable ?