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17/07/2017

Journalistes (3)

Suite à la vidéo du précédent billet, Blumroch qui a exercé la profession de journaliste nous donne son avis dans un commentaire que je reproduis :

« Ainsi, cette dame enseignerait à la *vraie* Sorbonne, à Paris *IV* ! Las, où est passé le temps des René Pommier et autres *grands* professeurs ? En tout cas, elle n'aime pas seulement les banalités mais aussi les paradoxes et même les incohérences (c'est vrai que cette fausse naïve semble croire, dans les nombreux entretiens subversifs qu'elle a donnés, à l'existence du "vrai journalisme", comme un vulgaire Edwy Plenel).

D'une part, ses étudiants futurs journalistes étaient si brillants qu'ils ne comprenaient *pas* ses références littéraires, au point de l'obliger à chercher, pour illustrer ses cours, des exemples dans... la presse ! Et pourquoi pas dans les notices techniques de téléviseurs ?

D'autre part, ses étudiants de licence sont "intelligents" et même "cultivés" (elle ose l'affirmer, sans au reste préciser ce qu'est leur "culture", laquelle doit être à l'image de l'époque), mais c'est *après* leur passage par une école de journalisme et une étape de "formatage" (dont elle avoue d'ailleurs tout ignorer) qu'ils deviennent... des journalistes, c'est-à-dire des auxiliaires de police incultes, incapables d'écrire en français correct, mais -- et c'est quand même ce qui importe -- entièrement dévoués aux intérêts de leurs maîtres. Leur donner des ordres sera inutile : ils les sauront, d'eux-mêmes, devancer (voir, sur ce point, *Le dernier pape*).

Au passage, la métamorphose de ces cloportes serait analogue à celle qui se produit dans l'éducation dite nationale, quand des étudiants d'élite deviennent autant de professeurs médiocres parce qu'ils sont passés par les ESPE ex-IUFM, alors qu'ils étaient, *avant*, exceptionnellement doués (ce n'est apparemment pas *toujours* l'avis des jurys de concours, à considérer les rapports rédigés pour diverses disciplines).

Ignorance, mimétisme, servilité, militantisme plus ou moins avoué : ces qualités *latentes* seraient donc *révélées* par ces professeurs de journalisme qu'elle dit en majorité "très bons" (mieux vaut ne froisser aucune susceptibilité !). Incidemment, comme aimait à le rappeler Mencken, grand journaliste : ce qu'on sait faire, on le fait ; ce qu'on ignore, on l'enseigne. Ainsi, enseigner la rhétorique, même avec talent, ce n'est pas être écrivain, encore moins penseur.

La fabrique du crétin, pour le journaliste comme pour le professeur, restera donc un mystère, comme celle du consentement de Chomsky.

Je ne sais pas ce que vaut son livre (qui serait, à l'en croire, ironique "et en même temps" pas *totalement* ironique, propos d'une originalité décapante), mais je ne suis pas certain qu'il apporte intellectuellement beaucoup plus que ce pamphlet, pourtant mineur, du sieur Dutourd : *ça bouge dans le prêt-à-porter*. J'irai même formuler cette hypothèse, que *La langue des médias"* ne vaut pas *Le Monde tel qu'il est* de Michel Legris -- un livre dont Riocreu[x|se] disait, avec franchise, dans un article finement intitulé "Censure aux quotidiens", que si elle l'avait lu, elle nous aurait épargné le sien (ne pouvait-elle faire des recherches *avant* ?) : "Si j’avais lu ce livre plus tôt, je n’aurais probablement pas écrit *La langue des médias*. Comme disait mon copain La Bruyère, ''tout est dit et l’on vient trop tard''" (au passage, "mon copain La Bruyère", faut oser : même familier de leur œuvre, iriez-vous dire "mon pote Rivarol" ou "mon ami Chamfort" ?).

Par équité, par goût de la symétrie ou plus probablement par prudence carriériste, la dame croit nécessaire de taper sur les sites dits de "réinformation". Elle qui croit au "vrai journalisme", elle ignore donc que *tous* les journalistes mentent, par invention ou par omission (pour les plus habiles) mais *pas sur les mêmes sujets* : à notre époque, ceux de notre camp sont d'ailleurs, *presque toujours*, comme ceux d'en face, même s'ils sont ordinairement moins ignares et mieux formés ; ils peuvent néanmoins *tous* se regarder comme en un miroir -- les autres, ceux qui aiment la vérité, ceux qui refusent les ordres directs ou indirects, en ont payé le prix et ont déjà changé de métier.

Quant à évoquer *sans rire* la grande charte des journalistes... Ce qui importe au lecteur (s'il ne comprend pas trop ce qu'il lit), c'est de *connaître* les intérêts que sert le journaliste, cet intermédiaire propagandiste par essence qui peut toujours se justifier en disant qu'il doit bien vivre. Que l'animal travaille pour les Serpents ou les Araignées, ce n'est qu'un point de détail, puisqu'il peut se produire à *BFMicron* comme "écrire" dans *Valeurs actuelles*.

La question n'est donc pas de savoir comment on peut être "bon" ou "vrai" journaliste (et pourquoi pas "digne de ce nom" pendant qu'on y est ?), mais comment on peut ne pas mépriser cette engeance qui prétend être un médiateur indispensable entre le lecteur et la réalité, alors que *rien* (ou presque) ne l'y autorise. Revel se demandait "Pourquoi des philosophes ?" ; une meilleure question serait "Pourquoi des journalistes ?". Qu'on aille, sur ces sujets, lire Debord et Censor.

Pardonnez-moi ces quelques propos, cher Pharamond, mais la dame de cette vidéo me semble aussi inoffensive, inessentielle et surestimée que l'épouse de Perico Légasse. »