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07/03/2017

Carte blanche (10)

Laissée à Blumroch :

Modeste proposition pour rationaliser une orthographe se voulant indifférenciée, égalitaire et donc véritablement citoyenne

Pour Alphonse Allais, évidemment.

Soucieux de tuer en nous l'homme (surtout) et (même) la femme anciens, nos maîtres ont décidé de réformer la grammaire et l'orthographe, car ils le savent, et mieux qu'Orwell : le langage *informe*, au sens aristotélicien, notre vision du monde. La persistance d'un sot préjugé tel que l'odieuse et imaginaire "différence" entre les hommes, les femmes et les autres en atteste assez.

De telles erreurs doivent évidemment être combattues par tous les moyens, même linguistiques.

Dans l'ombre propice aux entreprises progressistes, d'érudites et obscures universitaires (des "demi-habiles", à en croire de certains esprits chagrins et réactionnaires) ont pourtant bien travaillé à supprimer dans la langue française toutes les traces de l'intolérable sexisme venu du passé. Malheureusement, la diffusion de leurs découvertes, est encore confidentielle. Pire : leurs directives ne sont pas toujours à la hauteur de leur noble intention, à savoir du passé faire table rase pour découvrir une *terra nova incognita*, une nouvelle terre, et inconnue.

Nous avons souhaité apporter notre humble contribution à un si beau projet, un projet qui aurait pu être qualifié de "révisionniste" si cet adjectif, employé de manières si opposées selon les époques, ne connaissait aujourd'hui un injuste discrédit à cause de quelques individus condamnables et condamnés, qui ne peuvent qu'avoir historiquement et juridiquement tort puisqu'ils sont politiquement et numériquement minoritaires.

Nous manquons de place et de temps pour exposer les détails du Grand Plan de Féminisation Linguistique Totale : pour apprécier l'originalité et l'intérêt de notre modeste proposition, on fera bien de prendre d'abord connaissance des œuvres de ces pionnières subventionnées, trop aisément moquées par ceux qui ne les savent pas lire. Ainsi, on ira consulter la page Wikipedia consacrée au "langage non sexiste" ; on cherchera ensuite avec Google le "guide du langage non sexiste" ; enfin, à cette adresse :

http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hcefh__guide_pratique_com_sans_stereo-_vf-_2015_11_05.pdf

On trouvera un document officiel gouvernemental, admirable autant qu'original. Voudrait-on avec malveillance en proposer une caricature qu'on ne le pourrait pas, tant il illustre ce subtil humour infra-sonique habituel dans les publications de ce type. Précisons que d'évidente manière, tous ceux qui voudront y trouver une *vis comica* "hénaurme, forcément hénaurme" démontreront objectivement les limites de leur entendement, qui mériteront d'être d'abord traités de "pseudo-intellectuels" (pour reprendre l'heureux mot d'un grand ministre), avant d'être *traités* (pour reprendre le mot, plus heureux encore, d'une grande journaliste de la télévision).

La consultation du site que voici s'impose aussi, pour des raisons qui seront données *infra* :

http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2496,3086502&_dad=portal&_schema=PORTAL

Ces précautions étant prises, venons-en à notre sujet.

Prises dans de philosophiques (et parfois, reconnaissons-le, byzantines) considérations sur les parenthèses (jugées sexistes), les crochets, les tirets, les points, les accords par proximité, l'ordre des termes (selon le genre, l'ancien alphabet ou même l'ordinaire logique), l'emploi du haut de casse dans les mots, l'accessibilité aux personnes différemment douées (dans les domaines visuel, manuel et intellectuel) et la création de néologismes plus ou moins épicènes, les conceptrices de la nouvelle langue française ne semblent pas avoir songé à s'inspirer de la notation adoptée par les concepteurs de langages informatiques, notation qui permettrait des innovations plus faciles à adopter dans le public à reconditionner -- un public sensible au prestige des "nouvelles technologies".

Voici, en deux tableaux, quelques exemples de l'ancienne nouvelle orthographe, puis de l'orthographe 2.0, celle qui devrait prévaloir afin d'abolir toutes les différences, réelles ou imaginaires, entre les sexes, voire entre les nombres. Ce premier tableau est gouvernemental :

 

singulier pluriel

============================================

élu.e élu.e.s

celui.elle ceux.elles

intellectuel.le intellectuel.le.s

social.e sociaux.ales

administratif.ive administratifs.ives

 

Nous proposons les conventions suivantes :

1) <..> encadre des éléments obligatoires ;

2) [..] encadre des éléments facultatifs ;

3) "*" signale éventuellement une forme au féminin ;

4) "#" signale éventuellement une forme au masculin ;

5) "|" sépare les choix possibles ("ou" logique) ;

6) "&" unit les choix possibles ("et" logique) ;

7) "!" signale le refus des termes qui suivent ("non" logique).

 

Le tableau donné *supra* devient alors, qui sera plus clair (à défaut d'être, hélas !, plus concis) que l'ancienne nouvelle notation féministe :

 

singulier pluriel

============================================

élu[e] élu[e]s

cel<ui|le> ce<ux|lles>

intellectuel[le] intellectuel[le]s

social[e] socia<ux|les>

administrati<f|ve> administrati<f|ve>s

 

La distinction entre le singulier et le pluriel est évidemment une construction sociale arbitraire, qui n'a aucune existence réelle. "Commençons par écarter tous les faits", comme nous y invitait d'ailleurs le plus grand penseur de la modernité (même s'il faut l'avoir assez mal lu pour en juger ainsi, ce qui confirme ironiquement sa fière déclaration). Au reste, les progrès de la neurobiologie ont depuis longtemps confirmé que seuls les esprits mal *programmés* aiment à émettre des jugements de valeur au motif qu'ils croient trouver des différences entre les êtres, les choses et les situations.

Le tableau précédent pourrait donc encore gagner en universalité, en supposant que le pluriel vient toujours en dernier (d'autres conventions sont possibles, voire souhaitables, afin de lutter contre les stéréotypes qui, visuellement, laisseraient entendre qu'une forme est "supérieure" ou même préférable à une autre) :

 

élu[*e][s]

c<elui|*elle[*s]|eux>

intellectuel[*le][s]

socia<l[*e[*s]]|ux>

administrati<f|*ve>[s]

 

Notre notation permettra de conserver, puis de supprimer l'inutile marque du pluriel qui devrait sans doute subsister un peu, le temps pour les anciennes générations de disparaître.

Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas dogmatique : on ira éventuellement tolérer la contraction de "|*" en "*" pour limiter la frappe ou l'écriture.

La modernité, c'est la liberté. Une autre convention consisterait à employer "*" pour la forme au "masculin", ou même à sélectionner un autre caractère ou marqueur pour la signaler (par exemple en changeant la signification de "#"), en fonction des préférences locales et personnelles. D'autres choix seraient évidemment envisageables pour toutes les possibilités mises en avant par notre grande époque (troisième sexe et autres variations). Au bénéfice de la clarté, un futur développement de cette orthographe 2.0 devrait préciser, au début de chaque document, les conventions et préférences. Ce point doit être clair : "élu[*e][s]", "él<#u[*e]>[s]" et "élu<*e|#>[s]" doivent avoir la même dignité et inspirer le même respect dans l'orthographe comme dans la vie.

Incidemment, la notation la plus compacte présente cet autre avantage que d'être la notation la plus propice à l'indispensable création de néologismes qui permettront, à terme, d'oublier l'orthographe 2.0 elle-même, laquelle serait alors autant un *terminus ad quem* qu'un *terminus a quo*, assurant la transition puis la rupture avec les grammaire et orthographe anciennes.

Nous l'admettons volontiers : pour l'heure, nous ne sommes qu'à la version 0.1 (aussi dite "alpha" chez les programmeurs) d'un nouveau système à perfectionner au terme de ces enrichissantes et captivantes discussions qui font la joie des rédacteurs wikipédistes et autres "trolls" (le terme, apparemment neutre, est souvent employé par les internautes chevronnés).

On notera toutefois que cette notation, encore primitive, permet de définir toutes les formes qui seraient à créer. En voici deux exemples. Les individus qui savent appartenir simultanément au masculin comme au féminin (parfois contre de trompeuses apparences) connaîtraient cette évolution :

 

il.elle.s

<il&*elle>[s]

<*elle&il>[s]

ilelle[s]

ellil[s]

ilel

elil

 

Quant aux personnes humaines, sans doute moins nombreuses mais également respectables, qui ne se reconnaissent ni dans le masculin ni dans le féminin, elles verraient ces métamorphoses successives :

 

il.elle.s

<!il&!elle>[s]

!<<il&elle>[s]>

nilniel

niel

iel

 

Deux remarques au passage : ces formes ont souvent une agréable sonorité exotique, facilitant de manière ludique la mémorisation ; la notation 2.0 autorise toujours des variations et nuances subtiles qui laissent une place à la littérature, et presque racinienne si besoin est.

Avec la nouvelle orthographe 2.0, l'imagination linguistique sera enfin au pouvoir, qui abolira le caractère *fasciste* de la langue, dénoncé avec raison par cet immense Roland Barthes injustement étrillé jadis par un certain René Pommier, bien oublié aujourd'hui, et peut-être même encore en vie pour voir le triomphe de l'ennemi auquel il a consacré, paradoxalement, sa thèse d’État !

Trop conscient de nos limites intellectuelles manifestes (nous ne sommes même pas certain de bien appliquer les principes que nous avons découverts), nous n'avons pas encore envisagé de régler trois derniers problèmes, à commencer par celui, épineux, de la prononciation. Un collectif devrait rapidement s'attaquer à l'éradication de lourdes formules telles que "celles et ceux", "Françaises, Français", "chercheurs, chercheuses" traduisant mal les sobres "ce<lles&ux>", "ce<ux&*lles>", "Français[*es]", "Français<*es&#>", "chercheu<*se&r>s" ou "cher<cheur&*cheuse>s".

Une autre difficulté à vaincre concerne la création d'heureux néologismes en s'inspirant de la graphie simplifiée illustrée de si heureuse manière par les collectivistes de Montréal. Notons qu'ils ne proposent malheureusement aucune solution pour remédier au sexisme de la langue. Pire : ils sont encore trop timides, qui écrivent encore, par exemple, "le mo du maire" quand "le mo du mer" s'imposerait.

Avec un peu d'audace, pourquoi ne pas évoquer simplement ces beaux collectifs en un seul mot indifférencié : "ceulles", "celeux" ou "chercheurcheuses", qui se déduisent aisément de l'orthographe 2.0 ?

La dernière difficulté réside dans la diffusion progressive de la nouvelle orthographe de transition. Elle ne saurait se passer des "professionnel[le]s" de l'édition, qui ont par chance déjà pris l'habitude de réviser textes et traductions pour en supprimer les phrases trop complexes, inutiles obstacles culturels et artificiels pour les lecteurs d'aujourd'hui. Que tou<tes&s> les "professionèle" (sans "s" final, évidemment) s'appliquent à cette tâche exaltante !

On prend la mesure du chemin qui reste à parcourir pour créer une langue française au-delà des genres, si l'on veut bien songer que le ministre de la rééducation nationale, pourtant reconnue comme une *féministe d'élite*, n'a pas réussi à se libérer *totalement* de l'emprise des codes sociaux et des normes linguistiques, puisqu'elle fait toujours précéder son patronyme par celui de son mari ou compagnon (nous n'avons pas eu l'indiscrétion de chercher via Internet des renseignements précis sur l'exact statut de cette personne, car nous ne condamnons aucune forme d'association librement consentie entre les êtres, animés ou non).

Nous n'avons toutefois aucun doute sur ce point : les quelques pistes de réflexion exposées ici sauront inspirer les collaborat<trice|eur>s de Pimprenelle, docteur en xyloglossie et "langue de coton" équitable et bio (son nom suscitant des réactions excessives au point d'en être injustes, nous préférons l'évoquer par l'affectueux surnom que lui a donné son dernier maître, si nous en croyons, comme nous le devons, la *bonne* presse).

Pour l'heure, comme l'écrivait fort bien Gusdorf, nous laissons ces sujets à plus génial que nous.